Vieille de plus de 180 millions d’années, la forêt tropicale de Daintree a été officiellement rendue aux aborigènes qui y vivent depuis plusieurs milliers d’années. Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, cet immense trésor naturel du nord-est de l’Australie, bordant la Grande barrière de corail, constitue la plus grande étendue de forêt tropicale sur le territoire australien. Menacée par le changement climatique, cet accord historique est une victoire pour la préservation de cet écosystème riche en biodiversité et la reconnaissance des droits des aborigènes sur leurs territoires ancestraux. Désormais, cette réserve naturelle sera conjointement gérée par le peuple Kuku Yalanji de l’Est et le gouvernement de l’État du Queensland. Sur fond de crise écologique, cet accord reconnait l’importance des connaissances autochtones dans la gestion de l’environnement, qui depuis des générations occupent ce territoire en harmonie et dans le respect de la nature.

Fin septembre, le gouvernement du Queensland a reconnu les aborigènes du peuple Kuku Yalanji comme gardiens et co-gestionnaires de plusieurs parcs nationaux du nord-est de l’Australie, sur une surface totale s’étendant à plus de 160 000 hectares. Outre la célèbre forêt de Daintree, cet accord comprend la cogestion des parcs nationaux de Ngalba-bulal, Kalkajaka et des îles Hope.

Tel que déclaré par Meaghan Scanlon, ministre de l’environnement et de la Grande barrière de corail, « la culture du peuple Kuku Yalanji de l’Est est l’une des plus anciennes cultures vivantes et cette rétrocession de terres reconnaît leur droit de posséder et gérer leur pays »[1].

Bien qu’espérant prochainement se voir reconnaitre la gestion unique de ces réserves naturelles, la communauté aborigène accueille cet accord avec beaucoup d’espoir pour la préservation de leur culture et environnement. « Notre objectif est maintenant d’établir une plateforme pour le peuple Kuku Yalanji de l’Est qui puisse accueillir des personnes compétentes et former les membres de la communauté afin d’occuper les postes d’un large éventail de métiers, tels que la gestion des terres et de la mer, l’hôtellerie, le tourisme et la recherche, pour que nous soyons maîtres de nos propres destinées »[2], a récemment annoncé Chrissy Grant, membre du comité de négociation du peuple aborigène.

Daintree forest – Flickr

Reconnaissance des droits ancestraux des peuples aborigènes

En un mois seulement, le gouvernement de l’État du Queensland a accéléré le processus de reconnaissance aux aborigènes de disposer des territoires qu’ils occupent traditionnellement. À cet égard, les Fraser Island ont officiellement retrouvé leur nom traditionnel « K’Gari », signifiant « paradis » dans la langue locale Butchulla.

Lors de la cérémonie de remise des terres au peuple Kuku Yalanji, la ministre Scanlon a reconnu le passé « commun inconfortable et laid » des relations entre les australiens et les communautés aborigènes du pays. Alors que l’Australie tente de réparer les torts de son passé colonial, Scanlon qualifie cet accord « d’étape clé sur la voie de la réconciliation »[3]. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé que l’accord comprenait également la création d’un nouveau refuge naturel et une allocation de fonds annuelle et à perpétuité, pour aider les aborigènes à protéger et gérer les différents parcs nationaux.

Tout comme Madame Scanlon, nous ne pouvons que souhaiter que cette initiative marque le début d’une plus grande reconnaissance de l’existence des aborigènes, dont les droits sont encore très souvent niés ou sujets à discrimination.

Un vestige naturelle

La forêt de Daintree est une forêt tropicale humide de basse altitude qui se situe à environ 125 km de Cairns et de la Grande barrière de corail. Elle est célèbre pour ses écosystèmes uniques et sa beauté naturelle, où l’on peut admirer de magnifiques panoramas de forêts, des rivières sauvages, cascades et plages de sable blanc. La forêt abrite également une importante biodiversité avec plus de 3000 espèces végétales, 107 mammifères, 368 espèces d’oiseaux et 113 espèces de reptiles, dont nombres de ces espèces ne peuvent être observées que dans la région de Daintree. Selon Rainforest Rescue, la forêt abrite 30% des espèces de marsupiaux et 20% des espèces de reptiles d’Australie[4].

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Parmi cette riche biodiversité, le parc naturel est notamment le territoire du kangourou arboricole de Bennet, du casoarie du Sud, de la grenouille des chutes d’eau et de la chauve-souris insectivore à nez tubulaire.

Casoar à casque observé dans la forêt de Daintree – Flickr

La région de Daintree a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 1988, à la suite d’une campagne environnementale menée à Canberra pour lutter contre les activités d’exploitation forestière et le déchiffrement agricole soutenus par le gouvernement australien. Lorsqu’elle a obtenu son statut de patrimoine mondiale, l’organisation avait notamment reconnu que « cette région d’une beauté stupéfiante est extrêmement importante par sa biodiversité riche et unique »[5].

Par ailleurs, la Daintree est également la plus grande étendue de terre sur le territoire australien à avoir continuellement persisté en tant que forêt tropicale. Patrimoine écologique inestimable, la forêt de Daintree contient les vestiges des anciennes forêts du Gondwana qui couvraient l’Australie et une partie de l’Antarctique, avant que les deux continents se séparent il y a plusieurs dizaines de millions d’années.

Comme le rappelle l’Unesco, « la forêt tropicale présente un témoignage inégalé des processus écologiques et évolutifs qui ont façonné la flore et la faune d’Australie. Sa flore vivante, avec la plus forte concentration connue de taxons primitifs et archaïques, est l’équivalent le plus proche des forêts du Gondwana »[6].

Cet accord historique apporte l’espoir de voir cette relique écologique du passée sauvegardée.

W.D.

[1] Marcus, L., “Australia’s Daintree rainforest returned to Aboriginal ownership” in CNN, 1 octobre 2021, disponible sur: https://edition.cnn.com/travel/article/australia-daintree-rainforest-aboriginal-owners-intl-hnk/index.html

[2] Ibid., https://edition.cnn.com/travel/article/australia-daintree-rainforest-aboriginal-owners-intl-hnk/index.html

[3] Victor, D., “Daintree Forest in Australia is returned to indigenous owners” in The New York Times, 29 septembre 2021, disponible sur: https://www.nytimes.com/2021/09/29/world/australia/daintree-rainforest-indigenous.html

[4] Ibid., https://edition.cnn.com/travel/article/australia-daintree-rainforest-aboriginal-owners-intl-hnk/index.html

[5] BBC, “Daintree : World heritage rainforest handed back to aboriginal owners”, 29 septembre 2021, disponible sur:  https://www.bbc.com/news/world-australia-58729781

[6] Ibid., https://www.bbc.com/news/world-australia-58729781

 

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