Lundi 5 juin 2023, le gouvernement australien annonçait une « énorme victoire pour la protection mondiale des océans » : le parc marin de l’île Macquarie devrait tripler de taille pour atteindre une superficie totale de près de 475 465 kilomètres carrés. Située au large de la côte sud-est du pays, cette bande de terre remarquable abrite depuis des décennies une multitude d’espèces rares et protégées, comme le manchot royal.

Cette nouvelle mesure apporte « une contribution significative à l’échelle mondiale à la santé et à la résilience de nos océans », proclame Tanya Plibersek, Ministre de l’Environnement australienne, dans un communiqué diffusé le 5 juin dernier. Et pour cause, Canberra annonçait alors au monde la création d’une zone de protection marine presque aussi grande que toute l’Espagne.

Île Macquarie avec un jeune éléphant de mer sur la plage, la station est en arrière-plan. Wikicommons

Une protection triplement élargie

C’est plus précisément le parc marin entourant l’île Macquarie qui passera prochainement d’une superficie de 162 000 kilomètres carrés à 475 465 kilomètres carrés. En outre, « 93% ou 385 000 kilomètres carrés du parc – une superficie plus grande que l’Allemagne – seront complètement fermés à la pêche, à l’exploitation minière et à d’autres activités extractives », assure la Ministre.

Après deux mois de consultation populaire, le projet est finalement validé par le gouvernement, qui souligne les « plus de 14 700 soumissions » récoltées contenant « 99% de soutien ». Une mesure qui semble donc largement approuvée par la société civile, qui y perçoit une protection convaincante des espèces endémiques du secteur.

Un écosystème riche mais fragile

Située dans le Sud-Ouest de l’océan Pacifique, à plus de mille kilomètres du sud de la Nouvelle-Zélande et de la Tasmanie, la petite île de 128 km2  accueille en effet un bon nombre de résidents hors du commun, du manchot royal aux nombreuses variétés de phoques et d’oiseaux marins. « C’est le seul endroit au monde où se reproduisent les manchots royaux, avec leurs têtes jaunes distinctives. C’est un endroit où les albatros en voie de disparition viennent reposer leurs ailes géantes après avoir cherché de la nourriture en mer », explique Tanya Plibersek.

Le manchot royal, ainsi que d’autres sous-espèces du manchot, vivent depuis des centaines d’années sur cette île isolée. – Wikicommons

D’autres mammifères marins jonchent les abords de l’île, comme les otaries à fourrure subantartique et les éléphants de mer, alors que les orques et les baleines sillonnent les eaux venteuses du large. La faune aviaire n’est pas en reste, constituée de plus d’une cinquantaine d’espèces d’oiseaux marins et près de 80 espèces d’oiseaux terrestres. Une bonne part d’entre elles est endémique à l’île, mais malheureusement classée sur la liste rouge des espèces en danger de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Les insectes présents sur l’île ont quant à eux presque tous perdus leurs ailes au cours de l’évolution. Une transformation génétique associée par les scientifiques aux conditions extrêmement venteuse du secteur.

Près de 50% des territoires marins australiens classés en zone protégée

L’humain est finalement également présent sur l’île, qui accueille chaque année entre 20 et 40 scientifiques du Département australien de l’Antarctique (AAD). Cette base permanente depuis 1948 permet de récolter certaines données météorologiques et de constituer un point-relai avec les bases antarctiques plus éloignées du continent australien.

En fin de comptes, c’est tout un écosystème qui se trouve à présent mieux protégé des activités extractives comme la pêche ou l’exploitation minière. Pour la Ministre australienne de l’environnement, qui se dit « déterminée à protéger davantage ce qui est précieux, à réparer davantage ce qui est endommagé et à mieux gérer la nature pour l’avenir », cette première mesure s’inscrit dans l’élaboration d’un plan plus large de gestion des quatorze parcs marins de la région sud-est.

- Pour une information libre ! -Soutenir Mr Japanization sur Tipeee
Le chalutier de pêche industrielle espagnol « Galerna-Dos » d’ Ondarroa reprenant la mer après une escale au port de pêche de Chef de Baie à La Rochelle, Charente Maritime, France. Wikicommons

Une dérogation spéciale pour la pêche de luxe

Seule ombre au tableau, une dérogation spéciale à été accordée aux pêcheurs de la légine australe, leur permettant de poursuivre leurs activités de prélèvements autour de l’île. Ce poisson, sensiblement destiné à une consommation de luxe due au fait de sa ressemblance marquante avec la morue noire, une espèce très prisée des Japonais et dont les stocks se raréfiaient, a suscité un vif engouement commercial depuis quelques dizaines d’années.

Si pour Fiona Maxwell, responsable nationale des océans pour les Pew Charitable Trusts, le gouvernement d’Anthony Albanese semble avoir « trouvé le bon équilibre » en « donnant à la vie marine de l’île Macquarie la protection qu’elle mérite, tout en tenant compte de la faible empreinte de la pêche commerciale à la légine australe existante, relativement bien gérée et durable », pour d’autres, il s’agit franchement d’une déception.

La Fondation Bob Brown, active dans la protection des environnements tasmaniens et alentours, déplore ainsi le manque de courage du gouvernement, qui semble avoir plié face aux prescriptions de l’Austral Fisheries et de l’Australian Longline, deux sociétés de pêches importantes du secteur.

« Un grand pas pour la protection de l’océan austral »

« Un parc marin devrait être une zone offrant un répit complet à toute activité industrielle », déplore l’organisation, considérant que la pêche à la légine s’apparente à la problématique de la soupe d’ailerons de requin, « en ce sens qu’il s’agit également d’un produit de luxe dont on peut largement se passer pour protéger une zone marine ».

L’île de Maquarie abrite une flore et une faune extraordinaire à préserver de toutes atteintes extérieurs. Wikicommons

Les deux instituts s’accordent tout de même pour souligner l’effort considérable d’une telle mesure, qui constitue sans aucun doute « un grand pas vers la protection de l’océan Austral ».

– L.A.


Photo de couverture de Jeremy Bishop sur Unsplash

- Cet article gratuit et indépendant existe grâce à vous -
Donation