Une décision courageuse du tribunal d’Oslo interdit désormais l’élevage des très populaires Cavaliers King Charles et de bouledogues anglais. En effet, la consanguinité et la sélection génétique opérée pour obtenir des spécimens aux caractéristiques physiques « parfaites » leur infligeraient des souffrances inadmissibles, incompatibles avec leur loi nationale sur la protection des animaux, dont notamment le développement de maladies héréditaires touchant la quasi-totalité des individus des générations suivantes. La Norvège inscrit ainsi une nouvelle victoire pour le bien-être animal.

À la suite d’un différend qui opposait la Société norvégienne pour la protection des animaux à plusieurs organisations d’éleveurs de chiens de race, le tribunal d’Oslo a récemment interdit l’élevage du Cavalier King Charles et du bouledogue anglais pour non-respect de la loi sur la protection des animaux.

En effet, leurs caractéristiques physiques attendrissantes pour le consommateur apparaissent comme étant les principales causes de leur souffrance. La forte consanguinité, induite par la sélection des individus pour l’élevage de ces deux races, a conduit au développement de maladies héréditaires chez la quasi-totalité des ces animaux de compagnie[1].

Comme l’a déclaré la présidente de la SPA norvégienne, Åshild Roasldset, « nous devons changer la façon dont nous élevons les chiens. La façon dont nous le faisions était peut-être acceptable il y a 50 ans, mais elle ne l’est plus aujourd’hui. Actuellement, de nombreux chiens d’élevage souffrent de problèmes de santé majeurs tout au long de leur vie »[2].

Un manque de diversité génétique

La décision du tribunal est principalement motivée par l’incompatibilité d’élever des animaux sains dans un cadre éthique, en raison de la sélection génétique opérée par l’homme pour obtenir des spécimens aux caractéristiques physiques marquées et non-naturelles, avec le bien-être animal[3].

Le Cavalier King Charles serait sensible aux malformations cardiaques, aux maux de tête chroniques en raison de sa trop petite boite crânienne, mais souffrirait également de défaillance cardiaques et de problèmes oculaires.

Bouledogue anglais – Pixabay

De son côté, bien que le museau aplati du bouledogue soit une des caractéristiques physiques prisées par les amateurs de ce petit compagnon à quatre pattes, le caractère élargi et aplati de la gueule de cette race lui causerait des problèmes respiratoires majeurs tout au long de sa vie. Par ailleurs, les bouledogues sont également sujets aux affections cutanées, calculs rénaux, problèmes articulaires, et troubles de la reproduction. En effet, ces dix dernières années en Norvège, plus de la moitié des chiots ont été mis au monde par césarienne.

Décision saluée par les défenseurs de la cause animale, selon Åshild Roasldset, il s’agit de la première victoire d’un long combat pour le respect du bien-être animal des chiens d’élevage, « beaucoup de nos races d’élevages sont encore très consanguines et portent un lourd bagage en termes de maladies »[4]. Espérons que ce précédent ouvre la voie à une plus grande considération des souffrances chroniques auxquelles font faces nos animaux de compagnie et aboutisse au développement d’élevages éthiques qui priorisent la santé et le bien-être animal aux caprices esthétiques humains.

Une décision à l’étendue limitée

Pour les éleveurs norvégiens concernés, la décision du tribunal est une vraie douche froide. « il est dit que les chiens naissent avec des maux de tête, je ne peux pas y croire. Si c’était le cas, ils ne seraient pas aussi heureux. Ce sont des chiens heureux qui gambadent et ont l’air en bonne santé, parce qu’ils le sont »[5], s’indigne Lise Gran-Henriksen, éleveuse de Cavalier King Charles dont les intérêts économiques sont menacés.

Toutefois, de nombreux professionnels du secteur sont, quant à eux, parfaitement conscients des problèmes de santé liés à la consanguinité et au manque de diversité génétique dont peuvent souffrir ces races, mais plaident pour la mise en place de pratiques sélectives mieux encadrées et plus éthiques.

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Cavalier King Charles – Pixabay

Par ailleurs, certains propriétaires et éleveurs pointent les limites du jugement, qui n’interdit pas la détention, la vente ni l’importation de ces races mais uniquement l’élevage. C’est notamment le cas de Anne Grethe, propriétaire d’un bouledogue anglais, qui redoute l’afflux de chiens « sans papiers » venus « d’usines à chiots » étrangères, où les procédures de contrôles et le bien-être animal sont bien moins respectés.

La Société protectrice des animaux norvégienne se veut rassurante quant à l’avenir de ces deux races, et explique qu’il existe déjà des solutions pour garantir la meilleure santé des bouledogues anglais et des Cavaliers King Charles.

En effet, leur croisement avec d’autres races pourraient déjà gommer une partie de leurs faiblesses génétiques. Le Cavalier King Charles aurait alors un crâne plus volumineux et le bouledogue anglais un museau plus allongé. Ces nouvelles caractéristiques physiques n’affecteraient en rien leur « mignonnerie » si chère aux consommateurs, mais diminueraient considérablement le développement de maladies héréditaires et leur épargneraient des souffrances inutiles.

Notons enfin que d’autres races dans le monde sont la cible de ces problèmes d’hérédité qui génère des souffrances invisibles. On pense notamment au chien japonais mignon mondialement connu : le Shiba. Dans un souci d’espace, des éleveurs ont créé une nouvelle race de chien 3 fois plus petite : le Mame-Shiba. De la taille d’un chat, ce mini-Shiba, encore plus mignon, est plus facile à gérer pour les habitants des grandes villes comme Tokyo dont les appartements sont souvent minuscules. Pourtant, la nouvelle race montre également des signes de mauvaise santé à un âge précoce.

Jusqu’où ira l’Humain pour satisfaire ses envies de consommateur éternellement insatisfait, cherchant à adapter le vivant à sa propre réalité ? La Norvège nous indique-t-elle une voie courageuse à suivre dans la lutte pour le bien être animal ?

W.D.

[1] Jacob, A., « Mignonitude. La Norvège met le holà à la souffrance de deux races de chiens » in Courrier International, 23 février 2022, disponible sur : https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/mignonitude-la-norvege-met-le-hola-la-souffrance-de-deux-races-de-chiens

[2] Le Petitcorps, M., « La Norvège interdit l’élevage de deux races de chiens très populaires, voici pourquoi » in Ouest-France. L’édition du soir, 24 février 2022, disponible sur : https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-02-24/la-norvege-interdit-l-elevage-de-deux-races-de-chiens-tres-populaires-voici-pourquoi-16ef489b-8561-40f3-bc82-d8f012b6c928

 

[3] X., « La Norvège interdit désormais l’élevage de ces deux races de chiens » in Paris Match Belgique, 24 février 2022, disponible sur : https://parismatch.be/actualites/environnement/543264/la-norvege-interdit-desormais-lelevage-de-ces-deux-races-de-chiens

[4] Ibid., https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-02-24/la-norvege-interdit-l-elevage-de-deux-races-de-chiens-tres-populaires-voici-pourquoi-16ef489b-8561-40f3-bc82-d8f012b6c928

[5] X., « Pourquoi la Norvège interdit l’élevage de certaines races de chiens ? » in RTFB, 23 février 2022, disponible sur : https://www.rtbf.be/article/pourquoi-la-norvege-interdit-l-elevage-de-certaines-races-de-chiens-10941159

 

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