L’objectif de la COP26 était de taille : conclure le cycle de négociations entamé après la COP21. Autrement dit, s’accorder sur des règles générales et des outils de mise en œuvre des Accords de Paris. Ces derniers reposaient sur les participations volontaires des pays quant à l’atténuation du changement climatique (CC), tenus de publier tous les 5 ans leur engagement de réduction d’émissions (les fameuses « NDC », Nationally Determined Contribution). Alors qu’en est-il ? Ces NDC sont-elles respectées ? A quel point la Cop26 et ses dispositions sont-elles (in)suffisantes ? Mr Mondialisation était sur place : bilan.
Annoncées peu avant la COP, les NDC des 193 Etats parties sont insuffisantes pour lutter contre le CC et, plus largement, respecter les Accords de Paris soit +1.5 °C (par rapport à l’ère préindustrielle) d’ici 2100. Selon Climate Action Tracker, même si ces NDC étaient tenues d’ici 2030, cela aboutirait à un réchauffement de + 2,4 °C.
Pire, un rapport des Nations Unies (Emissions Gap Report), publié six semaines avant la COP26, soulignait que même s’ils étaient appliqués, les engagements actuels des Etats impliqueraient un réchauffement de +2.7 °C. Ces engagements permettent seulement de réduire de 7,5 % les émissions de gaz à effet de serre prévues pour 2030 par rapport aux anciens engagements. Pourtant, des réductions de 30 % sont nécessaires pour limiter le réchauffement à +2°C et de 55 % pour 1,5°C.
Quant au dernier rapport du GIEC, il annonçait, entre autres, que le réchauffement à +1,5 °C (par rapport à l’ère préindustrielle) serait atteint dix ans plus tôt que ce que prévoyaient les anciens rapports et que 100% du dérèglement climatique est dû aux activités humaines.
Stéphane Crouzat affirmait, lorsque nous l’avons rencontré à Glasgow, que le but de cette COP26 était de « rehausser les ambitions, pour arriver en dessous des 2 °C ». Et bien c’est raté. Zoom sur un désastre politique.
Des annonces en cascade…
La première semaine de négociations a été consacrée à tout sauf … aux négociations. Ou presque. En effet, pendant cette première semaine une série d’annonces a été faite par divers Etats ou coalitions d’Etats. Si toutes ces promesses paraissent à première vue être sérieuses et positives, il est indispensable de creuser chacune d’entre elles afin de distinguer l’effet d’annonce de l’engagement concret. Vous ne savez pas comment vous y prendre ? Pas de soucis, on a pris le soin de tout décrypter pour vous ! Et ce n’était pas une mince affaire…
De nombreux pays ont annoncé, avant ou pendant cette COP, leurs objectifs d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 (Australie, Vietnam), 2060 (Russie) ou encore 2070 (Inde). Sur le papier, c’est bien joli, mais en réalité aucun d’eux n’a accompagné son annonce d’un plan d’action concret pour y parvenir. Cela pose problème quand on sait qu’un grand nombre de pays fondent leurs engagements sur la capacité (incertaine) de retirer du CO2 de l’atmosphère.
Or atteindre la « neutralité carbone » nécessite de compenser les émissions résiduelles (celles qui ne peuvent être supprimées) par de la capture de CO2 atmosphérique, ou « émissions négatives ». Un leurre reposant sur une installation industrielle qui enfouira dans le sous-sol ou valorisera le carbone, afin d’éviter qu’il ne soit rejeté dans l’atmosphère. Les NDC du Royaume-Uni et de certains pays producteurs de pétrole reposent beaucoup sur ces pseudo solutions, particulièrement mises en avant dans cette COP par rapport aux précédentes. Outre le développement infrastructurel nocif et la non renonciation à une croissance industrielle effrénée, le risque de cette approche est donc de se concentrer sur des émissions négatives futures plutôt que sur la réduction des émissions dès aujourd’hui.
En Equateur, alors que son président Guillermo Lasso se vantait de vouloir agrandir la réserve des îles Galapagos, deux décrets de la transition écologique étaient adoptés afin de faciliter l’octroi de licences environnementales pour les projets extractivistes ; la grande majorité ayant lieu sur des territoires indigènes. Un double discours de la part de l’Etat, que la Confédération des Nationalités Indigènes d’Equateur (CONAIE) a tenu à souligner :
El Gobierno ecuatoriano planea aumentar la extracción petrolera y minera en nuestros territorios con los decretos 95 y 151. @TuntiakKatan líder Shuar denuncia que #GuillermoLasso ha "pregonado" una #TrancisionEcologica en la #Cop26 pero al mismo tiempo amenaza a la Amazonía. pic.twitter.com/5NF6NbOb07
— CONAIE (@CONAIE_Ecuador) November 4, 2021
Plus de cent Etats se sont également engagés contre la déforestation, dont les signataires abritent 85% des forêts mondiales. Bonne nouvelle ? Pas vraiment. La déclaration prévoit qu’États et institutions privées débloquent 19,2 milliards de dollars (16,5 milliards d’euros) sur cinq ans, or ce n’est pas plus que ce que les États pensaient déjà investir individuellement. Cette nouvelle déclaration rappelle également celle de New York en 2014, dont l’objectif était « de réduire les pertes forestières naturelles de moitié d’ici 2020, en s’efforçant d’y mettre fin d’ici 2030 » et qui n’avait pas été suivie.
Or, ni les conditions de mise en œuvre concrètes du nouveau texte, ni celles de reporting (ce qui permet de mesurer l’efficacité des actions) ne sont connues. De nombreuses incertitudes planent également sur la nature de la « protection » des forêts. Ivan Duque, président de la Colombie, a par exemple promis d’inscrire dans la loi : « un engagement en faveur de zéro déforestation nette d’ici 2030 ». Or, la « déforestation nette » suppose que les forêts détruites sont compensées par de nouvelles plantations d’arbres qui n’ont aucune similarité avec des forêts anciennes, tant sur le plan de la biodiversité que de la captation de carbone. Bref, aucun accord international juridiquement contraignant et effectif concernant la déforestation n’a été acté.
Autre engagement : une centaine de nations se sont promises de réduire les émissions de méthane (dont le pouvoir réchauffant est 86x supérieur au CO2, et sur lequel le dernier rapport du GIEC alertait) de 30% d’ici 2030 par rapport aux chiffres de 2020. Selon un rapport publié par l’ONU en mai dernier, une réduction de 45% permettrait d’éviter chaque année 775 000 hospitalisations pour des crises d’asthme ou encore la perte de 25 millions de tonnes de cultures en raison des sécheresses liées au dérèglement climatique. C’est une belle avancée, mais qui demeure insuffisante. Greenpeace déplore notamment le fait que l’agriculture, première cause des émissions de méthane (via les rots des ruminants, intensifiés par l’élevage industriel), n’ait pas été mentionnée et donc que la nécessité de réduire la consommation de viande ait été totalement occultée.
190 pays, régions et organisations se sont aussi engagés à sortir progressivement du charbon (soit l’énergie la plus émettrice de gaz à effet de serre, produisant 36,7 % du mix électrique mondial) et à arrêter tout investissement dans cette énergie fossile. Parmi les pays engagés au sein de la coalition figurent de gros consommateurs comme la Pologne. Cependant, aucune mention de la Chine, de l’Inde, des États-Unis et de l’Australie, qui font partie des cinq plus gros producteurs de charbon dans le monde (AIE). L’Indonésie, troisième plus gros producteur, s’est engagée en excluant une des clauses qui vise à abandonner la création de nouvelles centrales à charbon. Mais le pays précise qu’il essayera de s’y conformer s’il obtient des aides internationales sur le plan financier et technique.
Quant aux énergies fossiles, lors de la première semaine, une coalition de 19 Etats (dont les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Canada !) s’est engagée mettre un terme au financement de projets d’énergies fossiles à l’étranger sans techniques de capture de carbone, d’ici fin 2022. La France n’en fait pas partie. Emmanuel Macron n’avait-il pas dit lors de son discours à Glasgow le 1er novembre que « Les économies développées doivent désormais contribuer à leur juste part, car le leadership exige l’exemplarité. » ? Annoncer vouloir atteindre la neutralité carbone sans mettre fin aux énergies fossiles … tel est le paradoxe de bon nombre d’annonces faites lors de la première semaine de COP26.
Néanmoins, une nouvelle annonce est venue donner un semblant d’espoir lors de la deuxième semaine : 12 pays, dont la France, se sont engagés à ne plus octroyer de nouvelles licences d’exploitation et d’exploration de pétrole et de gaz, avec effet immédiat. Mais, encore une fois, il s’agit d’être vigilant.
Dans ce cas précis, il faut savoir que : le jour même, Bercy a annoncé qu’aucun projet ne serait abandonné dans l’immédiat « parce qu’il n’y en a pas sans captage et stockage de CO₂ » ; la France pousse pour l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la « taxonomie verte » européenne des investissements dans les énergies vertes, aux côtés de la Pologne, la Roumanie, la Hongrie et la République tchèque avec qui elle a cosigné un texte ; la même semaine, Emmanuel Macron a annoncé la construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France, énergie dont l’usage est (très) controversée dans le milieu écologiste. En définitive, l’Union Européenne est en réalité très divisée sur le sujet de l’énergie : Allemagne, Autriche, Danemark, Luxembourg et Portugal ont publié peu après une déclaration commune pour une taxonomie européenne sans nucléaire. Pour plus d’informations à ce sujet, nous vous conseillons cet article.
A noter, aussi, que la France a été désignée une fois “fossile du jour”’, parce-que notre cher président milite pour que le gaz fossile et le nucléaire soient considérés comme des énergies durables au sein du système de classification des investissements durables de l’UE. Ce titre, décerné chaque soir de la COP par les ONG membres du Climate Action Network (CAN), désigne les pays empêchant le progrès des négociations sur la mise en œuvre des accords de Paris.
Si toutes ces annonces ne sont pas à jeter, un grand nombre d’acteurs s’accorde pour dire que cela a eu pour effet de reléguer les négociations au second plan, notamment François Gemenne ; scientifique du GIEC spécialiste des questions climatiques et migratoires que nous avons rencontré sur place. Quant à Laurence Tubiana, directrice de la Fondation européenne pour le climat, elle affirme que « Beaucoup de ces coalitions sectorielles sont intéressantes et nécessaires, mais elles sont toutes volontaires et elles sont parfois un peu gonflées ».
En bref, depuis des années, les COP oscillent entre greenwashing, promesses en l’air et réels engagements, permettant une confusion qui profite au système actuel et ses acteurs. A titre d’exemple, en parallèle de l’annonce portant sur la volonté d’atteindre la neutralité carbone en 2050 … l’Australie a été désignée cinq fois « fossil of the day » par le Climate Action Network, et donc “fossil colossal climatique”. Notamment en raison du fait que le ministre australien des ressources et de l’eau ait présenté dix nouvelles zones qui pourraient être incluses dans la prospection pétrolière offshore de 2022. Sachant que le pays est déjà premier exportateur mondial de charbon et progresse dans le top 10 des exportateurs de gaz …
Le Pacte de Glasgow : un texte (très) insuffisant
Essayons d’être positifs … du peu que nous pouvons. Ce texte contient de réelles avancées quant à la réduction des GES et au thème des énergies fossiles, même s’il y a eu un recul de dernière minute sur le charbon. En résumé :
- C’est la première fois qu’un texte de COP mentionne les énergies fossiles, responsables à 90% des émissions de GES : les Etats sont encouragés à « accélérer les efforts vers la diminution » de l’utilisation du charbon « sans système de coupure et stockage du carbone » et la fin des subventions « inefficaces » aux énergies fossiles, dans un esprit de « transition juste ». Une belle formulation qui a été amoindrie à la dernière minute par l’Inde et la Chine ayant demandé de remplacer le mot « sortie » (progressive du charbon) par « diminution ». Il faut néanmoins faire attention aux discours pointant la responsabilité de l’Inde, souligne François Gemenne :
« On est dans un système où les pays industrialisés font l’essentiel de l’accord avec des termes qui leur conviennent, puis rejettent la faute sur les pays en développement »
- Doublement de l’aide spécifiquement consacrée à l’adaptation au changement climatique (CC), qui était beaucoup plus faible que les fonds destinés à la réduction de GES (25% contre 64%, selon l’OCDE) alors que les pays les plus vulnérables émettent peu. Cependant, la majorité de ces fonds pour l’adaptation sont des prêts et non des dons … ce qui contribue à endetter et à rendre dépendants les pays du Sud envers ceux du Nord.
- D’ici l’année prochaine, les Etats doivent soumettre à l’ONU des stratégies de long terme, afin de vérifier que les promesses de neutralité carbone sont de qualité.
- De plus, les engagements climatiques doivent être revus à la hausse par tous les pays signataires du Pacte d’ici 2022, soit 3 ans avant ce que prévoyait l’accord de Paris (2025), et ce malgré l’opposition de la Chine, Inde et Arabie Saoudite. Or la mention relative à la prise en compte des « différentes circonstances nationales » fait grandement débat.
- Les règles d’application des Accords de Paris sont (enfin) achevées : création d’un nouveau marché international du carbone, en référence à l’article 6 de l’accord de Paris, soit un mécanisme financier visant à réduire les émissions industrielles de gaz à effet de serre en leur donnant un prix. Un plafond annuel d’émissions de CO₂ est imposé, sous forme de quotas. Les pays ou entreprises qui dépassent ce plafond peuvent racheter des quotas à ceux qui ne l’ont pas atteint. Si le principe de double comptage a (heureusement) été supprimé, la société civile dénonce l’absence de mention des droits humains sachant qu’il a été démontré à de nombreuses reprises que les techniques diverses de compensation carbone telle que la reforestation, majoritairement mises en place dans les pays du Sud, peuvent porter atteinte aux droits humains – notamment à ceux des peuples autochtones – et ne permettent pas forcément une restauration effective des écosystèmes. A ce sujet, nous vous renvoyons vers cet excellent article.
Or ces minces victoires se révèlent largement insuffisantes pour atteindre l’objectif de +1.5 °C et, surtout, prendre en compte la situation des pays du Sud.
- Le Pacte n’a pas répondu aux attentes des pays les plus vulnérables face au CC. Les pays de l’Alliance of Small Island States (AOSIS), le G77 — une coalition de pays dits « en développement » — et la Chine, représentant 85 % de la population mondiale, n’ont pas obtenu la reconnaissance dans le Pacte des « pertes et dommages » (loss and damage), soit les dégâts irréversibles causés par le CC et pour lesquels il n’est plus possible de s’adapter (c’est-à-dire générés par des catastrophes climatiques soudaines ou les phénomènes à occurrence lente comme la désertification des sols) qui peuvent être d’ordre économiques ou non, et encore moins d’engagement à financer ceux-ci. En ce sens, la jeune militante écologiste ougandaise Vanessa Nakate avait d’ailleurs déclaré « Vous ne pouvez pas vous adapter à la famine. Vous ne pouvez pas vous adapter à l’extinction ».
Les USA et l’UE, notamment la France, y étaient fortement opposés … craignant que la reconnaissance des pertes et préjudices (par les pays du Nord envers ceux du Sud) soit le point de départ à des poursuites judiciaires et demandes de compensation financière. Le Pacte mentionne seulement l’existence d’une assistance technique visant à organiser un dialogue de 2 ans « pour discuter d’arrangements sur un financement ». « Proposeriez-vous à quelqu’un qui est en danger de mort de venir l’aider, mais seulement d’ici deux ans ? », interroge Fanny Petitbon, experte climat au sein de l’ONG Care. Des bavardages considérés comme largement insuffisants, et dont ne comptent pas se satisfaire les pays les plus vulnérables : cela n’empêchera pas des poursuites judiciaires, bien au contraire. Une commission des petits États insulaires a déjà été lancée pour explorer les pistes juridiques qui permettraient d’obtenir des compensations de la part des pays les plus pollueurs.
Certains Etats se sont tout de même (timidement) engagés à ce sujet : Écosse, Wallonie et Allemagne vont mobiliser plus de 10 millions d’euros pour les pertes et dommages.
- Un retard considérable sur le financement de l’adaptation et réduction des GES : seuls 87 sur 100 milliards de dollars ont été versés depuis 2009 aux pays les plus vulnérables, alors que la somme devait être atteinte à partir de 2020. L’objectif devrait être atteint en 2023, ce qui est déjà trop tard selon les concerné.e.s… Le discours de Mia Mottley, Première ministre des Barbades en témoigne : « Le fait de ne pas fournir suffisamment de financement essentiel aux petits États insulaires se mesure en termes de vie et de moyens de subsistance dans nos communautés. C’est immoral et c’est injuste […] Nous ne voulons pas de cette condamnation à mort et nous sommes venus ici pour dire ‘Essayez plus fort’ parce que notre peuple, le climat, ont besoin de nos actions maintenant. »
- Aucune avancée quant aux inégalités de genre face au CC : les inégalités de genre et la vulnérabilité au changement climatique constituent les deux faces d’une même pièce. Selon les organisateurs de la COP26, 80% des personnes déplacées par le dérèglement climatique sont des femmes et des enfants. La FAO affirme même que femmes et les enfants représentent 96% des victimes des inondations mortelles aux Îles Salomon en 2014, et qu’iels ont globalement 14 fois plus de chances que les hommes de mourir lors d’une catastrophe naturelle. Or si quelques timides engagements nationaux ont été annoncés (Bolivie, Royaume-Uni, Equateur, Suède), l’articulation entre genre et enjeux climatiques a été très peu présente dans les négociations. Les principes annoncés à Madrid ont seulement été réaffirmés sans aucune dimension contraignante : autrement dit, les Etats sont encouragés à suivre le plan d’action sur « les questions de genre et de changements climatiques » qui a été ratifié lors de la COP25, via des financements au niveau international et leur NDCs au niveau national, mais c’est tout. Un rapport de Care-France (2021) souligne d’ailleurs que ce sont les Etats et régions les plus affectés par le changement climatique qui intègrent le mieux les enjeux liés au genre dans leurs NDCs : les Îles Marshall, le Cambodge, le Népal, le Kenya, le Honduras ou encore la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
- Une (très) timide avancée quant à la jeunesse et aux catégories de personnes marginalisées : le texte Action for Climate Empowerment (ACE), « voté aux petites heures de la nuit » selon Stéphane Crouzat, n’est pas du tout ambitieux et à la hauteur des enjeux. Myriam Galland, négociatrice pour la France sur ce sujet, a reconnu cela lorsque nous l’avons rencontré.
En résumé, si les engagements du Pacte sont tenus par les 193 Etats, le réchauffement atteindra +2.7 °C (par rapport à l’ère préindustrielle) d’ici 2100. Et non pas +1.5 comme annoncé lors des accords de Paris en 2015, selon un récent rapport des Nations unies. Quant aux CND (contributions nationales déterminées), Climate Action Tracker (CAT) a révélé que, même si elles étaient tenues d’ici 2030, cela aboutirait + 2,4 °C. Il y a donc eu uns échec à combler le manque d’ambition des CNDs … alors que c’était de cette COP26, réaffirmé par l’ambassadeur de France sur les questions climatiques.
Or, est-ce vraiment étonnant d’arriver à un résultat si peu satisfaisant ? Pas vraiment. Notamment quand on connaît les modalités d’accord : soit le consensus entre 193 Etats. Peut-on même considérer qu’il y a eu plus de « progrès » via les annonces en cascade faites lors de la première semaine que via le Pacte de Glasgow ? En tout cas, les larmes de Alok Sharma lors de la conclusion finale du Pacte en disent long.
En effet, la société civile n’est pas la seule à dénoncer l’insuffisance du pacte. La plupart des pays ainsi que des personnalités importantes, comme Alok Sharma (présidant la COP26) ou Antonio Guterres (secrétaire général ONU), admettent eux-mêmes le texte imparfait et décevant sur plusieurs points.
En tant que présence d’observation, tant le contenu du Pacte de Glasgow que les autocritiques formulées par ses signataires, amènent à réfléchir à la question suivante : quand l’urgence est présente et que l’effondrement s’étend partout dans le monde, en affectant de manière différenciée le Vivant – humains et non humains -, le « consensus » est-il désirable ? Autrement dit, peut-on encore se permettre le luxe du consensus et donc d’accords en demi-teinte, quand l’enjeu est si grand et les intérêts tant divisés après déjà 26 COP ? La situation climatique actuelle n’est elle-même pas le fruit d’un consensus, mais s’impose jour après jour sans négociations et à la majorité contre son gré.
Ainsi, l’enjeu de la COP27 et des préparations en amont serait donc de s’accorder quant au règlement intérieur de la COP. Il s’agit d’être pragmatique : il est impossible de trouver un consensus ambitieux et adapté aux enjeux écologiques et sociaux actuels tant les intérêts et réalités (économiques, géopolitiques, politiques, sociales, juridiques, environnementales, etc) de chaque pays sont différents. Pas de réponse toute faite, mais la réflexion ouverte. Plus largement, si le consensus est souhaitable à l’échelle locale, n’est-il pas utopique, voire même dangereux (puisqu’en attendant de prochaines COP plus ambitieuses des milliers d’humains et non-humains mourront et des territoires seront rayés définitivement de la carte…) à l’échelle internationale ? D’ici là, sans omettre que la dimension politique est nécessaire à la lutte pour le vivant tant elle est vaste et puissante à grande échelle, notre pouvoir citoyen nous permet encore d’agir à échelle locale et nationale, ne serait-ce que pour la dignité de notre écosystème proche.
-Camille Bouko-levy