Claudius de Cap Blanc est un artiste Ariégeois qui vient d’être emprisonné pour avoir exprimé, à plusieurs reprises, son art à un endroit inapproprié. Son acte à la fois artistique et protestataire voulait dénoncer un projet contemporain couteux pour le contribuable et qui, selon lui, défigurait la grotte du Mas d’Azil.
Passionné de philosophie, littérature, archéologie, paléontologie, astronomie, biologie, et surtout d’histoire, Claudius de Cap Blanc a complété ses innombrables lectures par un long voyage à travers le monde. De ce grand périple, il en a retiré une certitude : c’est à chacun de découvrir sa vérité en la créant. Fort de cette trouvaille, il est rentré en France et a décidé de s’établir dans sa terre natale, l’Ariège. Il a été pris de l’envie irrésistible de créer, « d’accoucher, de restituer sous d’autres formes le formidable magma ingurgité en vingt ans de déambulation.» Il a alors créé un univers méta-historique, avec un coté qui peut sembler fou, dans les yeux des profanes. Comme tout artiste, il crée une façon de réinventer l’histoire, de combler ses béances, de lui imprimer un troisième œil. Cette effervescente créativité et son attrait pour la désobéissance civile l’ont malheureusement mené en prison…
«Cette grotte devrait garder son authenticité, sa virginité. Ces œuvres contemporaines ne font que cacher cette grotte et en aucun cas la révèlent, a-t-il affirmé pendant l’audience. C’est aussi une imposture économique. Cette installation coûte 140 000 euros au contribuable sans qu’on ne lui ait rien demandé.» estime Claudius de Cap Blanc.
Son forfait, avoir réalisé une œuvre de dénonciation sur une passerelle de la grotte du Mas d’Azil. Il a d’abord écopé de 60 heures de travaux d’intérêt général avec 2 ans de prison avec sursis ainsi que d’un dédommagement de 6 000 euros. Chose impossible à rembourser pour le petit artiste. Seul avec sa ZAD locale (Zone à Défendre) il va réitérer son acte et se faire emprisonner. Si devant la loi, sa détention est parfaitement légale, ceux qui le soutiennent veulent aller plus loin dans la réflexion. L’indignation est-elle sélective concernant les artistes ?
Symbole « vulve » de Claudius de Cap Blanc – Naissance de toutes vies
Pierre Salvaing est un bloggeur et fan du travail de l’artiste. Il a écrit un mot à ce sujet qu’on vous invite à lire :
« Claudius de Cap Blanc est en prison tout à fait légalement : il a refusé de s’acquitter d’une amende qui lui a été infligée par le tribunal parce que plainte avait été déposée pour une fresque qu’il a peinte sans autorisation près de l’entrée de la grotte du Mas d’Azil. Tout est légal, tout est normal, côté Justice.
Ce qui est peut-être moins normal c’est autre chose. Claudius de Cap Blanc est un artiste, installé depuis des décennies au Mas d’Azil. Il vit (ou il essaye de vivre, ou il vivait jusque là) uniquement des entrées de son immense atelier-musée, l’Affabuloscope, dans lequel il expose ses œuvres réalisées au cours de plusieurs décennies, des objets très imaginatifs, très inventifs, très créatifs, très souvent pleins d’humour, fruits de sa seule imagination alliée à son habilité et à son savoir-faire. Lorsqu’il est en liberté, Claudius de Cap Blanc invente et crée pratiquement sans arrêt, ce n’est pas précisément ce que le langage courant nomme « un faignant ». Un documentaire d’une heure lui a été récemment consacré sur France-Culture.
La fresque qui vaut à Claudius de Cap Blanc d’être en prison depuis le 28 janvier, à l’insu de tous, représente (élégamment, disent certains) des mains et des symboles vulvaires vieux de plusieurs dizaines de milliers d’années. Il n’est pas certain que ces dessins soient dans le style aziléen. Mais ce n’est pas cette éventuelle faute de goût qui a fait que plainte a été déposée contre l’artiste.
On pourrait se dire : en quoi est-il condamnable que, dans une localité mondialement connue pour avoir donné son nom à un âge de la Préhistoire, un artiste représente librement sur des parois et des murs des symboles préhistoriques ? On pourrait se dire : est-ce par crainte d’un dépôt de plainte que les hommes qui occupèrent voici des quinze mille ans la grotte du Mas d’Azil n’y ont laissé aucun dessin ?
On pourrait se dire : quand elle a la chance d’avoir parmi ses concitoyens un artiste d’une puissante originalité dont les œuvres ne déparent en rien la principale activité culturelle, historique et touristique dont elle vit, une municipalité ne devrait-elle pas au contraire s’en enorgueillir et trouver avec cet artiste des moyens de mettre en valeur son travail, et de mettre pour elle à profit ce qu’il sait produire ? On pourrait se dire bien d’autres choses. Par exemple : Claudius de Cap Blanc ne cherche pas la renommée, ni l’argent. Il est comme il est, c’est un artiste, il « ne suit pas la même route qu’eux », comme chantait Brassens. Sans quoi il n’existerait pas d’artistes.
Il aime si peu l’argent que cet été, sur le marché du Mas d’Azil, il a fait don à qui en voulait de cinquante de ses œuvres, puis de cinquante de ses outils, en offrant même à tout acquéreur une pièce de « monnaie » de son invention et frappée de ses mains. Mais Claudius de Cap Blanc excite depuis quelque temps beaucoup d’animosité : il s’est mis à sculpter et à peindre des signes vulvaires vieux de trente mille ans : deux parenthèses refermées sur un I sans point au centre. L’érotisme n’est pas torride. Pourtant, cela lui a valu jusqu’à des menaces de mort, dernièrement.
Il est certain que bien des gens qui réprouvent son activité sont de ceux qui ont très légitimement manifesté au mois de Janvier lorsque des journalistes de Charlie Hebdo, de simples citoyens, de simples juifs, ont été assassinés de la manière la plus barbare. Ils ont manifesté pour la liberté d’expression, entre autres, et pour la civilisation, d’une certaine manière. Il faut réfléchir.
Bien sûr, personne ne peut souhaiter, même ceux qui se hasardent stupidement à proférer (anonymement bien sûr) contre Claudius de Cap Blanc, des menaces de mort, qu’on puisse en venir à manifester un jour aux cris de « Je suis Claudius ». Nous n’en sommes heureusement pas là.
Mais Claudius est en prison. Claudius est un artiste, pacifique mais créatif, et qui réagit –certes très pacifiquement – lorsqu’on lui marque du mépris ou de la haine : c’est un homme ; et l’artiste est souvent solitaire. Que pourra-t-il faire à sa sortie de prison ? Comment sera-t-il reçu ? Comment pourra-t-il vivre ? Voilà bien des questions qu’il faut bien se poser.
La petite municipalité où il habite ne peut-elle mieux s’entendre avec son art, s’enrichir de ses compétences, accepter son inventivité, faire pour elle une qualité de sa profonde originalité ?
Récemment, des pans de murs tagués illégalement par quelqu’un qui depuis est devenu artiste de renom se sont littéralement arrachés et vendus des fortunes. Ce n’est certes pas ce que cherche Claudius de Cap Blanc ; mais cela indique seulement, l’histoire de l’art en fourmille, que l’on peut adorer demain ce qu’on a brûlé aujourd’hui.
Pierre Salvaing »
Sources : http://sainte-croix-volvestre.info/Claudius-est-en-prison / http://www.affabuloscope.fr