Ce mercredi 5 octobre 2022, vingt-cinq députés du groupe Les Républicains ont déposé un  amendement qui propose de supprimer les avantages fiscaux dus aux donateurs de certaines associations engagées pour le bien-être animal. Dans sa démarche, la droite traditionnelle a été soutenue par Renaissance, le parti d’Emmanuel Macron et le Rassemblement National,  parti de Marine Le Pen. À gauche, on ne décolère pas. 

Jusqu’ici, lorsqu’un particulier faisait un don à une association à but non lucratif, il pouvait  bénéficier d’une réduction d’impôts sur le revenu, proportionnelle au montant versé. Il n’en sera peut-être bientôt plus ainsi pour tout le monde avec cet amendement voté dans le cadre du projet de loi de finances. Les députés de droite et d’extrême droite ont en effet estimé que les associations dont « les adhérents sont reconnus coupables d’actes d’intrusion et/ou de violence vis-à-vis des  professionnels » ne devaient plus bénéficier de cet avantage

Le Rassemblement National contre les animaux

La patronne du RN, Marine Le Pen, s’est, quant à elle, réjouie que « les contribuables français ne financeront plus les associations terrorisant les agriculteurs et salissant le travail de nos éleveurs ! ». 

Même si l’ex-candidate à la présidentielle essaie depuis de nombreuses années de se repeindre en défenseuse des animaux, elle montre ici son vrai visage. Elle peut être la meilleure amie des chats mais aussi certainement la pire ennemie des animaux de la ferme. Les associations de protection animale ne sont d’ailleurs pas dupes puisque la députée du Pas-de-Calais n’a obtenu que la note médiocre de 9.4/20, attribuée par l’observatoire Politique & Animaux animé par L214, pour ses actions politiques sur la condition animale.

Festivals d’accusations lunaires 

Le député LR, Marc Lefur n’hésite pas, quant à lui, à dénoncer des « agressions » de la part des animalistes. Des propos outranciers lorsque l’on sait que la majorité des militants pour cette cause sont pacifistes et que les seuls agressions pouvant exister sont matérielles et non physiques. Et s’il existe sans doute des membres individuellement violents physiquement, aucune association ne prêche ce type de comportement. 

Dans la même veine, l’élu breton a osé évoquer des « intérêts financiers », expliquant que  derrière les associations se cacheraient des géants de la « viande artificielle ». Des accusations plutôt cocasses lorsque l’on sait la puissance du lobby de la viande classique. C’est par ailleurs un terrible manque de respect pour toutes les personnes engagées sincèrement dans la cause des animaux, et ce depuis bien avant qu’on entende parler de steaks de synthèse. 

Il faut dire que les véganes et les militants sont fréquemment repeints en extrémistes qui  agresseraient les gentils professionnels de la viande. Cette image est largement véhiculée par les médias, les politiciens conservateurs et surtout les lobbies agroalimentaires. On notera, de plus, que les journaux sont beaucoup moins prompts à couvrir les intimidations envers les défenseurs des animaux, particulièrement de la part des chasseurs.  

Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’aucun député de droite et d’extrême-droite ne demande des comptes à ces mêmes chasseurs alors qu’ils enfreignent régulièrement la loi, s’introduisent sur des propriétés privées et font parfois des victimes humaines (en plus du gibier). Pire encore, les  subventions à cette pratique ont largement explosé ces dernières années. 

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Un travail de lanceur d’alertes 

Bien sûr, les militants animalistes sont parfois contraints d’enfreindre la loi en pénétrant dans des propriétés privées. C’est cependant dans un but purement informatif. La justice a d’ailleurs su reconnaître ce rôle de lanceur d’alerte dans plusieurs affaires. L214 a par exemple déjà été relaxée de poursuites dans le cas d’une violation de domicile ayant permis de dévoiler des conditions d’élevage effroyables.  

https://twitter.com/L214/status/1577640595765567489

Si ces actions sont nécessaires, c’est aussi en raison de la défaillance des autorités à faire  respecter les législations (qui sont pourtant déjà beaucoup trop permissives). Les services vétérinaires disposent, par exemple, de bien trop peu de moyens pour effectuer des contrôles suffisants. Enfin, il existe un manque de transparence évident qui oblige les associations à s’introduire dans des bâtiments privés pour révéler la réalité au grand public. Le gouvernement a ainsi refusé d’installer des caméras dans les abattoirs comme c’est le cas en Espagne.  

Une prise de conscience nécessaire 

Dans ce contexte, le travail des militants semble néanmoins bien porter ses fruits. Les  citoyens paraissent en effet beaucoup plus concernés par ces enjeux et la condition animale s’améliore, même s’il reste toujours du chemin à parcourir. L214 note par exemple la réduction drastique de l’élevage en cage, ou encore l’interdiction du broyage des poussins et de l’élevage de visons. 

Mais cette prise de conscience qui touche de plus en plus la population ne fait pas que des  heureux. Et pour cause, la consommation de viande ne cesse de décroître dans l’hexagone  depuis 20 ans. Une bonne nouvelle pour la planète et les animaux, mais une belle épine dans  le pied des professionnels du secteur. Pas étonnant dans ces conditions que les lobbies et les industriels s’évertuent à lancer des polémiques ridicules et des opérations de propagande, y compris dans les écoles. 

Insoumis et écologistes en opposition 

À la gauche de l’hémicycle, l’amendement déposé par la droite ne passe pas du tout. Les  députés insoumis et verts se sont ainsi particulièrement mobilisés contre ce texte. Des deux côtés, on évoque un « scandale » et une « honte ». La co-fondatrice de L214 leur a également emboîté le pas en dénonçant une manoeuvre pilotée « par l’industrie de la viande ». 

Le jeune député insoumis David Guiraud s’inquiétait lui aussi de cette proposition, soulignant qu’elle pourrait également être utilisée contre des associations écologistes. Et pour cause, les actions de désobéissance civiles, pareillement destinées à éveiller l’opinion, pourraient tout à fait entrer dans le cadre de l’illégalité. 

Reste que cet amendement n’est pas encore passé dans la loi. Pour ce faire, il devra être voté en séance par la plupart des élus. Le rapporteur de la majorité s’y étant opposé en commission, il existe de bonnes chances pour qu’elle soit finalement rejetée. Pour le bien être animal et la planète, on ne peut que le souhaiter.

L214 a officiellement dénoncé l’adoption d’un tel amendement : lire leur communiqué.

– Simon Verdière

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