À partir du 25 août 2023, une nouvelle loi européenne entrera en vigueur et les réseaux sociaux auront l’obligation de supprimer les contenus sensibles, sous peine de se voir sanctionnés, voire interdits d’exploitation sur tout le territoire…

Emmanuel Macron l’avait déjà évoqué lors des soulèvements populaires suite à la mort de Nahel par le tir d’un policier. La possibilité de restreindre l’accès aux réseaux sociaux pourrait prochainement devenir une réalité. Un procédé qui n’a pourtant jusqu’ici jamais été mis en place en dehors des pays autoritaires et qui résonne dangereusement avec la surveillance accrue des vies privées ou la répression sur la liberté d’informer

Photo de couverture de Brian Wangenheim sur Unsplash 

Une frontière dangereuse

Le commissaire européen français Thierry Breton a prévenu sur France Info : « À partir du 25 août, la loi européenne va s’appliquer à ces plateformes, c’est-à-dire que lorsqu’il y aura du contenu haineux, du contenu qui appelle à la révolte, qui appelle à tuer ou à brûler des voitures, elles auront l’obligation dans l’instant de les effacer. »

Au premier abord, on pourrait trouver complètement logique qu’il faille sanctionner les contenus illégaux et haineux sur les réseaux sociaux. Après tout, qui pourrait souhaiter que des propos racistes ou des appels à la violence puissent rester en ligne ? D’autant plus dans un contexte où Twitter, sous l’égide d’Elon Musk, tolère à présent de plus en plus la parole de l’extrême droite sous couvert de liberté d’expression.

Pourtant, lorsque l’on examine de plus près les prérogatives de ce texte, il y a de quoi s’inquiéter sur ses contours assez flous. Parmi les « quatre catégories de risques systémiques » devant être évalués par les réseaux, on retrouve ainsi « les effets négatifs réels ou prévisibles sur les processus démocratiques, le discours civique et les processus électoraux, ainsi que sur la sécurité publique ».

Verrouillage de l’opposition à l’ordre établi ?

On peut ici aisément se rendre compte que ce type de qualificatif est extrêmement arbitraire.

Qui décidera qu’un tweet est enclin à avoir un « effet négatif sur les processus démocratiques » ?

Lorsque l’on constate que ce gouvernement n’hésite pas à exclure de « l’arc républicain » tous les partis qui remettent en cause le néolibéralisme ou le capitalisme, il y a de quoi s’inquiéter.

Quand Thierry Breton parle également d’endiguer tout processus de révolte, il y a aussi de quoi bondir. À partir de quel moment pourra-t-on considérer qu’un acte ou une parole relève de l’incitation à la révolte ? Et en quoi une révolte populaire ne serait-elle pas démocratique ?

Dans ce contexte, on pense particulièrement au mouvement des Gilets Jaunes qui n’aurait peut-être jamais émergé avec une telle loi. Mais on peut, de plus, évoquer de nombreux mouvements écologistes et de désobéissance civile. Dans un système où les citoyens ne disposent d’aucun levier démocratique, comment pourront-ils encore se faire entendre face à des projets injustes ou criminels pour la planète ?

L’arbre de la légalité pour cacher une forêt d’autoritarisme

Force est de constater que le climat général ne cesse de se détériorer pour tous ceux qui remettent en cause l’ordre établi. Personne n’aura d’ailleurs manqué de remarquer que les écologistes sont de plus en plus criminalisés par le pouvoir en place.

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Demain appeler à participer à une manifestation proscrite deviendra-t-il une raison de censure sur les réseaux sociaux ? Lorsque l’on sait que le gouvernement a tout loisir d’interdire les cortèges sous des prétextes fallacieux, il y a de quoi s’inquiéter, et ce même s’il s’agit d’un droit inscrit dans la constitution.

Dans une démocratie parfaite, le respect des lois ne ferait sans doute pas débat. Mais quelle est la légitimité de ces lois dans un système où les citoyens ne sont pas consultés pour les écrire ? Comment ne pas être révolté quand l’injustice règne en permanence et que le pouvoir reste sourd à la volonté du peuple, comme on l’a récemment constaté avec la réforme des retraites ?

Les abus ont déjà commencé

L’arrivée de cette loi est d’autant plus inquiétante que les dérives autoritaires de la Macronie se font déjà ressentir sur les réseaux. Il faut par exemple rappeler qu’un homme a récemment été incarcéré après avoir retweeté l’adresse du policier à l’origine de la mort du jeune Nahel. De la même manière, on se souvient également de cette femme interpellée par trois gendarmes à son domicile pour avoir osé traiter le chef de l’État « d’ordure » sur Facebook en mars dernier.

Dans ce contexte, comment ne pas laisser notre pays s’enfoncer toujours plus dans l’action criminelle environnementale, l’injustice sociale et dans un autoritarisme galopant ? À l’inverse, il serait sans doute préférable de se remémorer l’article 35 de la constitution de 1793 :

« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits ».

– Simon Verdière


Photo de couverture de Markus Winkler sur Unsplash

 

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