La 11e conférence de la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, a récemment reconnu l’existence de cultures chez certains mammifères comme les grands singes, les cétacés ou encore les éléphants. Une reconnaissance actée par la 23e résolution.

« Un certain nombre d’espèces mammifères socialement complexes, telles que plusieurs espèces de cétacés, de grands singes et d’éléphants, montrent qu’elles ont une culture non humaine. » – Pierre Sigler.

A travers un article paru il y a quelques jours sur le Huffington Post, Pierre Sigler, documentaliste et militant pour le droit des animaux, détaille certains comportements présents chez plusieurs espèces animales qui permettent d’attester d’une forme de culture visible. (Pierre Sigler est aussi membre de l’association L214 Éthique & Animaux).

Qu’entend-on par cultures non humaines ?

Les spécialistes du sujet entendent par cultures non humaines : la capacité de transmettre le savoir de générations en générations, les capacités d’adaptabilité et d’apprentissage et les rapports de cohésion (entre autres).

L’éthologie qui est l’étude du comportement des espèces animales,  a permis de faire évoluer le regard que nous portons sur les animaux. Mais cette science étant relativement récente, les connaissances dont nous disposons sur les autres espèces complexes sont encore assez maigres. Malgré ceci, de nombreuses découvertes ont été faites, et l’observation (notamment en milieu naturel) nous a permis d’apprendre des choses concrètes sur les comportements des animaux qui nous étaient inconnues jusqu’à présent.

Différents cas : 

Les oiseaux 

Différentes observations nous rapportent que certaines espèces d’oiseaux savent percer le bouchon des bouteilles contenant du liquide (eau, lait etc.) afin de s’en abreuver. Les espèces les plus sociables transmettent ensuite cet acquis à leurs congénères. C’est le cas de la mésange par exemple. Il s’agit donc d’une forme de partage de la connaissance, forme primitive de la culture.

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« À partir de 1947, on a commencé à observer que des mésanges perçaient l’opercule d’aluminium des bouteilles de lait pour en boire le contenu
(…) « Bientôt, toutes les mésanges du pays se mirent à ouvrir les bouteilles de lait, avec d’ailleurs une préférence pour les bouteilles de lait entier (reconnaissables à la couleur de l’opercule.)»

MUne mésange entrain de se nourrir – Image libre de droit / http://publicdomainpictures.net/

Les chimpanzés

On a également observé chez les chimpanzés une coutume qui est présente dans un certain groupe et pas un autre :

« En 1978, des éthologues ont découvert un trait culturel arbitraire chez les chimpanzés, la poignée de main. En Tanzanie, les chimpanzés de Kasoge se serrent la main, mais pas ceux de Gombe, situés à 50 km.»

Ceci indique qu’en fonction des endroits géographiques les chimpanzés n’ont pas forcément les mêmes comportements et habitudes. Ceci dénote clairement une culture propre à un groupe d’individus, à une communauté.

« Une synthèse des observations de plus de 40 groupes de chimpanzés en Afrique a mis en évidence que chaque groupe a ses traditions concernant 39 types de comportements (communication, utilisation d’outils, utilisation de plantes médicinales, alimentation, couchage, pratiques sexuelles…) »

Par ailleurs dans le documentaire intitulé « Chimpanzés » réalisé par Mark Linfield et Alastair Fothergill (sorti en 2013) on observe un jeune chimpanzé faire son apprentissage de la vie (utilisation d’outils, techniques pour se nourrir, pour s’abriter etc.) auprès de sa mère qui lui transmet son savoir. Il se retrouve ensuite orphelin et finit par se faire recueillir par un autre groupe de la même espèce.

CImage libre de droit / http://publicdomainpictures.net/ 

Les cétacés 

Chez les cétacés, ces apprentissages transmis s’observent beaucoup lors des chasses. Les techniques de chasse sont transmises aux plus jeunes, par les adultes. Certains apprentissages peuvent prendre plusieurs années. Prenons l’exemple de l’orque :

« Les orques peuvent s’échouer volontairement sur la plage dans le but d’attraper les phoques qui s’y trouvent. Les mères poussent leurs petits vers la plage, les habituent à s’échouer sur le sable, les déséchouent quand ils n’y arrivent pas eux-mêmes, leur montrent comment attraper des proies. Ceci au détriment de leurs performances (il leur arrive même de relâcher une proie). »

Les orques sont reconnus comme étant des mammifères très complexes et très sociaux, qui vivent en coopération dans de grands groupes structurés. Dans le documentaire « La vie secrète des orques », réalisé par Bill Markham et diffusé sur France 5 en 2014, on peut observer des comportements d’entraide, notamment envers les individus handicapés du groupe, mais aussi une forte cohésion d’ensemble. Tout ceci est aussi vrai pour d’autres espèces de dauphins, à commencer par le Tursiops truncatus (grand dauphin gris).

OImage libre de droit – Pixabay.com 

Les éléphants 

L’article de Pierre Sigler stipule que « les vieux éléphants aident les jeunes à contenir leur agressivité lors de leurs premiers musths. » Les muths étant « un état périodique des éléphants mâles qui se caractérise par une augmentation importante de l’agressivité et de la sécrétion hormonale. »

Si la structure de vie des éléphants repose sur une société matriarcale, tous les membres semblent tenir des rôles précis, notamment dans l’évolution des plus jeunes individus.

Dans le documentaire « La nuit des éléphants » réalisé par Thierry Machado et diffusé en décembre 2014 sur France 2, on peut observer une éléphante déjà mère d’un petit, recueillir une jeune orpheline en détresse et l’inclure dans le groupe.

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Photo libre de droit – Pixabay.com

Par ailleurs, des chercheurs, biologistes ou encore scientifiques reconnaissent que certains mammifères utilisent des formes de langage. Les baleines, les dauphins ou encore les éléphants par exemple pourraient utiliser un langage et un répertoire de sons complexes.

Des rites funéraires ont également été observés chez certaines espèces comme les cétacés et les éléphants pour ne citer qu’eux. Les témoignages de « deuil » ou d’« hommage » chez les éléphants sont assez nombreux et ont été documentés à de multiples reprises dans plusieurs reportages (notamment dans La nuit des éléphants évoqué juste au dessus.)

Rites funéraires et deuil chez les éléphants ? 

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Dans cet extrait d’un documentaire animalier diffusé sur la chaîne du National Geographic, on peut voir les éléphants toucher longuement les os de leurs congénères décédés avec délicatesse, ou les prendre avec leur trompe. Ce comportement peut indiquer une forme de conscience collective. Les éléphants ont déjà été reconnus par des éthologues comme étant des animaux complexes qui pourraient également être dotés d’une conscience de soi (cf. le test du miroir).

Le chant des baleines, un langage ?

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Les spécialistes du sujet présument que le chant des baleines sert à une stratégie reproductive. Le chant des baleines serviraient ainsi à transmettre la position et l’emplacement des individus mâles aux baleines femelles lors de la saison de reproduction. Néanmoins rien n’est à ce jour avéré, et le chant des baleines demeure un mystère sur bien des points. Il pourrait s’agir d’un mode de communication plus complexe.

Les dauphins, eux, utilisent un système d’écholocation très complexe. Les eaux des mers et océans étant parfois troubles ou même complètement sombres, ces derniers se servent de leur sonar naturel pour repérer leurs proies par exemple. Les dauphins auraient également développé une forme de langage basée sur des sifflements et sur des « clics » (impulsions brèves de sons enclenchés par un mécanisme sous l’évent du dauphin).

Dans une autre catégorie d’espèces, les chauves-souris sont également pourvues d’un sonar qui leur permet de chasser en pleine nuit, sans avoir besoin de leur vue. Leur sonar est en revanche beaucoup moins complexe que celui des dauphins.

Dans un autre registre, les dauphins tout comme les chimpanzés, utilisent aussi des outils comme les éponges par exemple :

« Certains dauphins femelles utilisent une éponge comme protège nez lorsqu’elles raclent le fond à la recherche de nourriture. On pense que cette technique, apparue au XIXe siècle, ne se transmet que de mère en fille, sans que l’on sache très bien pourquoi. »

Voici l’intervention de Denise Herzing à TED Talks sur la question du langage et de l’intelligence chez les dauphins. Denise Herzing est la fondatrice de l’association Wild Dolphin Project.

Pourra-t-on un jour parler la langue des dauphins ?

(Sous titres à activer) 

 

Au vu des nombreuses découvertes sur le comportement animal grâce à l’éthologie et les nouvelles technologies, la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage a donc reconnu qu’il existait des cultures non-humaines. La condition et le statut des animaux semblent prendre de l’ampleur depuis quelques années, il est même question dans certains pays de «personne non humaine » pour certaines espèces.

Qu’on le veuille ou non, et que l’on y soit sensible ou pas, le regard sur les animaux commence à changer. Un nouveau paradigme pointe le bout de son nez face aux avancées.

Bientôt le statut de personne non humaine généralisé aux espèces complexes ?

1.Consulter l’article de Pierre Sigler L’existence des cultures animales est officiellement reconnue 
2. Consulter les autres articles de Pierre Sigler autour de la même thématique

Articles connexes I / II / III / IV


Sources  : Le Huffington Post / Le Monde Planète / Dauphinlibres.be / Sciences et Avenir
Wikipédia /Atlantico / L’express

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