L’écocide, ou la destruction à l’échelle d’une population d’un écosystème causée par l’utilisation abusive des ressources naturelles, n’est pas une problématique nouvelle dans l’histoire de l’humanité. Avant la mondialisation, avant l’Europe, avant même la découverte du continent Américain, des civilisations entières connurent le déclin causé par leur propre surexploitation de l’environnement couplé à des perturbations sociales liées à des inégalités trop importantes. Alors, qu’est-ce qui est « nouveau » dans la notion d’écocide aujourd’hui et que faire pour éviter ça ? Édito. (Article libre de reproduction sous Creative Common 2.0)

Ce qui est nouveau dans la crise écologique d’aujourd’hui, c’est d’abord et avant tout son échelle. Jamais auparavant une espèce ne fut capable d’avoir un tel impact sur l’équilibre écologique de la planète dans son entièreté. On peut facilement s’habituer à ce fait, mais ceci reste la constituante la plus importante et inquiétante de la crise écologique : elle n’a pas de frontière. Ensuite, sa gravité. Si l’humanité survivra probablement à l’écocide, même dans de très mauvaises conditions, nous entrainons de nombreuses autres espèces dans notre chute. Espèces qui, fruit de millions d’années d’évolutions, n’auront plus aucune chance d’exister sous cette forme. Pour eux, l’aventure de la vie s’arrête brutalement ici, non pas en raison d’une quelconque catastrophe naturelle, mais bien par notre faute. Cette capacité de l’humain à modifier dramatiquement son environnement à l’échelle globale nous a fait entrer dans l’Anthropocène.

Avec la question du changement climatique, dont les preuves sont désormais accablantes et incontestables, avec des conséquences sont toujours plus visibles, la notion d’écocide a pris de l’importance dans le débat. Ainsi Le Monde publiait-il déjà, le 24 Janvier 2015, le premier volet d’une série de cinq reportages sur une nouvelle forme de délinquance : la criminalité environnementale. Laurent Neyret, professeur de droit à l’université de Versailles, indiquait lors d’une conférence à l’assemblée nationale en 2013 que « Le terme d’écocide doit être réservé aux cas les plus graves d’atteintes à l’environnement, car il renvoie à l’homicide et au génocide. » La notion d’écocide, crime contre la nature, est entrée dans les mœurs.

Dans un épisode de son émission « Le Dessous des Cartes », la chaîne Franco-Allemande Arte traite les exemples fournis par les civilisations Maya et Khmer pour illustrer un parallèle – incomplet mais symbolique – avec notre civilisation occidentale dont la vision de l’économie fut globalisée. L’émission nous interpelle : « Le monde est-il en train de commettre un écocide ? ». Entendez : collectivement, par la somme de nos actions, sommes-nous en ce moment en train de détruire la biosphère ? Si la réponse semble désormais évidente, il convient de voir ce que nous possédons de plus que les Maya en matière de connaissances, de techniques et de choix pour éviter le désastre.

https://www.youtube.com/watch?v=vhBNkoxhODI

En effet, contrairement aux civilisations du passé, notre civilisation dispose des outils modernes pour mesurer notre impact sur l’environnement avant même que le désastre ne se produise. L’anticipation est un atout de taille, pour autant que le fruit de cette science ne soit pas rejeté soit par réaction politique (la négation du réel) soit par conservatisme économique (centralité des énergies fossiles dans l’économie de marché). Nous sommes par conséquent capables de choisir des méthodes – de production et de consommation – adaptées à un mode de vie plus équilibré et plus sain pour l’ensemble des espèces avec qui nous partageons la planète. Ainsi, il s’agit à ce stade d’un problème de choix collectifs et institutionnels plus que d’une fatalité.

Dans le monde, les exemples de projets « positifs » avec une vision environnementale sincère se multiplient, bien qu’ils soient toujours insuffisants car ils n’inquiètent que trop rarement nos méthodes de production et l’esprit qui anime les acteurs économiques et institutionnels : la Croissance à n’importe quel prix. En effet, s’il devient peu à peu possible de produire un grand nombre d’objets de manière plus propre qu’avant, l’effet rebond ou paradoxe de Jevons semble annihiler les effets positifs à travers la croissance de la production. De manière vulgarisée : remplacer le milliard de voiture en circulation dans le monde par du 100% électrique ne sauvera pas l’humanité. Tout au mieux, la problématique sera déplacée et sa source structurelle niée.

Ceci étant, cette nécessaire transition écologique, bien qu’imparfaite, se fait de plus en plus urgente pour éviter cet écocide. Mais il apparait désormais évident que ses effets positifs ne pourront se faire ressentir que si et seulement si elle s’accompagne à la fois d’une révolution institutionnelle – notamment dans notre rapport au PIB et sa divine croissance – mais aussi une révolution sociale, dans notre rapport aux objets/services et à leur production. Il n’y a donc pas de choix binaire à faire entre les évolutions institutionnelles et les changements individuels. Mais l’un peut-il exister sans l’autre ? À ce titre, on peut se demander si les populations seront véritablement prêtes à sacrifier leur mode de vie et donc une partie de leur pouvoir d’achat autant que les puissants soit en mesure de se confronter à la substance même de notre civilisation : produire plus que jamais pour prétendre exister.

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Source : palauoceans.org / actu-environnement.com

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