Une récente étude[1] menée par la Société royale britannique pour la protection des oiseaux (RSPB), l’ONG BirdLife International et l’institut tchèque d’ornithologique, révèle qu’un oiseau nicheur sur six a disparu en Europe depuis 1980, représentant approximativement une perte de 600 millions d’individus. On fait le point

Ce rapport met une nouvelle fois en évidence l’accélération de l’effondrement de la biodiversité due aux activités humaines qui participent quotidiennement à la destruction des écosystèmes. Par ailleurs, il souligne également l’incapacité des dispositions législatives environnementales actuelles à atteindre les objectifs de lutte contre le déclin de la biodiversité.

Or, la biodiversité joue un rôle fondamental dans le fonctionnement des systèmes écologiques et dans la réalisation des services écosystémiques, dont notre existence dépend intrinsèquement.

 

Présentation : une étude cruciale 

Dans le cadre de cette étude, l’équipe de scientifiques a analysé les données de 378 des 445 espèces originaires des pays de l’Union Européenne et du Royaume-Uni, soit 86% des espèces indigènes présentes sur le territoire européen. Le résultat est sans appel :

Entre 1980 et 2017, ils estiment un déclin global des populations d’oiseaux entre 17% et 19%, équivalent à une perte nette de 560 à 620 millions d’individus.

En effet, bien qu’en réalité quelque 900 millions d’oiseaux ont disparus de nos régions au cours des 40 dernières années, cette perte s’accompagne d’une augmentation d’environ 340 millions d’oiseaux de certaines espèces protégées par divers mécanismes de protection européens.

Ce déclin s’observe particulièrement parmi les espèces « communes » associées aux terres agricoles et aux prairies, ainsi que parmi les oiseaux migrateurs tels que la bergeronnette jaune et la fauvette des saules.

L’effondrement de ces populations s’expliquerait principalement par la perte de leurs habitats due à l’expansion des zones urbaines et à l’intensification de nos modèles d’agriculture industrielle, ainsi qu’une augmentation de la pollution de l’air et de l’utilisation de produits chimiques dans nos pratiques agricoles qui décime les populations d’insectes, composantes alimentaires essentielles de nombreuses espèces d’oiseaux.

Selon Anna Staneva, responsable intérimaire de la conservation chez BirdLife Europe, « ce rapport montre démontre que la nature est en train de tirer la sonnette d’alarme. Si la protection d’oiseaux déjà rares ou en danger a permis quelques rétablissements réussis, cela ne semble pas suffire pour préserver les populations d’espèces abondantes »[1].

Disparition d’un oiseau sur six en Europe

Sans grande surprise, le développement urbain et les politiques agricoles, ayant entrainés une diminution considérable des habitats naturels, des pénuries alimentaires, une propagation accrue des maladies aviaires et une augmentation de la pollution atmosphérique, sont essentiellement responsables de l’accélération du déclin de la faune sauvage. Cette disparition des populations d’oiseaux en Europe s’observe principalement parmi les espèces autrefois communes et abondantes.

- Pour une information libre ! -Soutenir Mr Japanization sur Tipeee

Le moineau domestique apparait comme étant la principale victime du développement des activités humaines. En 40 ans, il a perdu 50% de sa population, soit un total de 247 millions d’individus. Son proche cousin, le moineau friquet, a quant à lui perdu 30 millions d’oiseaux.

Enfin, le rapport révèle une perte estimée à 97 millions d’individus parmi les populations de bergeronnette jaune, 75 millions parmi l’étourneau sansonnet et 68 millions en ce qui concerne l’alouette des champs.

Bergeronnette jaune – Flickr

Comme le constate Anna Stavena, « les oiseaux communs deviennent de moins en moins communs, en grande partie parce que les espaces dont ils dépendent sont anéantis par l’homme. La nature a été éradiquée de nos terres agricoles, de la mer et des villes ».

« Les gouvernements de toute l’Europe doivent fixer des objectifs juridiquement contraignants pour la restauration de la nature, sinon les conséquences seront graves, y compris pour notre propre espèce ».

Des résultats encore trop peu ambitieux

L’étude révèle également que le déclin des populations d’oiseaux s’est principalement produit dans les années 1980 et 1990.

Depuis l’instauration de mécanismes juridiques européens, tels que la Directive « Oiseaux » et la directive « Habitats » qui offre une protection légale aux espèces et aux habitats considérés comme « prioritaires », le rythme de ce déclin tend à ralentir parmi les espèces protégées.

À titre d’exemple, plusieurs espèces d’oiseaux de proie ont vu leur population augmenter au cours des dernières années. Ainsi, les populations de faucons pèlerins, de busards des roseaux, de buses, de pygargues à queue blanche et d’aigles royal ont bénéficié des mécanismes de protection légaux visant à limiter la chasse et l’utilisation de pesticides, ainsi que de l’introduction de projets de restauration de leurs écosystèmes.

Faucon pèlerin dont l’espèce présente désormais un risque faible de disparition en Europe – Flickr

Toutefois, ce rapport met en évidence le manque de protection envers les espèces qui ne sont pas encore considérées comme menacées ou en danger d’extinction.

En effet, le déclin des oiseaux communs et migrateurs démontre la nécessité d’instaurer des mécanismes de conservation plus ambitieux afin de prévenir les pertes substantielles de la biodiversité récemment observées.

Comme l’a déclaré Fiona Burns, scientifique principale au département de la conservation de la RSPB, « nous avons besoin d’actions transformatrices dans tous les niveaux de notre société pour nous attaquer aux crises climatiques et écologiques. Cela signifie qu’il faut accroitre l’ampleur et les ambitions en ce qui concerne le développement d’une agriculture respectueuse de la nature, de la protection des espèces, de la sylviculture et de la pêche, et étendre rapidement le réseau des zones protégées »[2].

 

Une grave menace pour la santé de nos écosystèmes

Plus alarmant, l’étude souligne et rappelle l’importance des espèces communes et abondantes en tant que composante clé pour la bonne santé de nos écosystèmes. En effet, ce déclin est particulièrement inquiétant car il implique des dommages indirects à nos écosystèmes et à leur fonction, et potentiellement à la fourniture de services écosystémiques dont nous dépendons intrinsèquement.

Par exemple, ces espèces contribuent considérablement à la préservation et pérennité de nombreuses espèces végétales. En mangeant les fruits et insectes, ils participent à la dispersion des graines qui permet d’assurer la régénération des zones forestières, et régulent les populations de certains insectes nuisibles pour nos écosystèmes.

Par ailleurs, les oiseaux peuvent également avoir des effets positifs sur notre santé mentale. L’étude rappelle que les personnes vivant à proximité des zones où les oiseaux sont plus nombreux présentent des niveaux de stress, d’anxiété et de dépression plus faibles que les habitants des zones urbaines désertées par les populations d’oiseaux.

Moineau domestique – Flickr

Dès lors, afin de lutter contre l’effondrement de la biodiversité, Fiona Bruns appelle nos décideurs politiques à adopter des mesures ambitieuses et à même de préserver ce qu’il reste de la faune et flore sauvage :

« L’année prochaine, les états parties à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique se réuniront pour discuter de l’avenir de la biodiversité, et créer un cadre qui permette d’augmenter les efforts de conservation visant à prévenir les extinctions et rétablir l’abondance des espèces. Notre étude est un signal d’alarme sur les menaces très réelles d’extinctions, et nous appelons à l’adoption d’un cadre réglementaire solide qui place la conservation de la biodiversité au cœur de tous les agendas politiques mondiaux »[3]. Espérons que le message sera entendu…

W.D.

[1] BirdLife International, New report reveals huge declines in Europe’s birds, 16 Novembre 2021, disponible sur: https://www.birdlife.org/news/2021/11/16/press-release-huge-declines-in-europe-birds-eurobirds/

[2] Ibid., disponible sur : https://www.birdlife.org/news/2021/11/16/press-release-huge-declines-in-europe-birds-eurobirds/

[3] Ibid., https://www.birdlife.org/news/2021/11/16/press-release-huge-declines-in-europe-birds-eurobirds/

[1] Burns, F., et al., Abundance decline in the avifauna of the European Union reveals cross-continental similarities in biodiversity change, Ecology and Evolution, 15 novembre 2021, disponible sur: https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ece3.8282

- Cet article gratuit et indépendant existe grâce à vous -
Donation