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Kerterre : ces « maisons de hobbit » écologiques à prix abordable

Parmi les habitats alternatifs qui ont connu un succès grandissant ces dernières années, on retrouve les « Kerterres », de petits dômes aux formes poétiques qui sont un appel à vivre de manière radicalement proche de la nature. Dans son dernier reportage, Pour moi & plus que moi, Nikita Gouëzel, jeune réalisateur français, nous invite à découvrir ces constructions originales ainsi que les motivations de celles et ceux qui les ont adoptées pour vivre une vie reconnectée. Découverte d’une alternative inspirante.

L’imagination des acteurs du changement ainsi que leur engagement n’a pas de limite lorsqu’il s’agit d’inventer, de développer et d’expérimenter des alternatives durables et surtout singulières. À chaque caractère, ambition et dispositions son mode de vie alternatif. Le réalisateur Nikita Gouëzel est parti à la rencontre de ceux qui ont fait le choix de vivre autrement, dans des Kerterre.

Auprès d’Evelyne Adam, qui donnait naissance à la première Kerterre il y a 20 ans, mais aussi d’architectes reconnus, comme Luc Schuiten, il propose de mettre en lumière la philosophie de vie autour de cet habitat, dont le préfixe « ker » envoie en breton à la notion de « chez soi », ainsi associée à la terre. Car cette architecture minimaliste est indissociable d’un certain état d’esprit, de la mise en application concrète d’une forme d’écologie radicale et d’une simplicité volontaire.

 

« Un habitat rond, humble, et poétique »

Crédit image : Nikita Gouëzel

À certains égards, les kerterres pourraient faire penser à de petites maisons de hobbits, tant elles s’intègrent naturellement de par leurs formes et la matière à l’environnement. D’ailleurs, peut-on lire sur le site kerterre.org, c’est bien là l’un des objectifs : « Une Kerterre est une construction qui associe discrétion dans le paysage et présence consciente de son habitant qui améliore son environnement par ses actes de tous les jours. » Nikita Gouëzel y voit pour sa part « un habitat rond, humble, et poétique ». Par opposition à l’étalement urbain et le bétonnage qui nous séparent de la nature, il est ici question de s’y intégrer en perturbant le moins possible le milieu. Une manière de démontrer qu’il est possible de vivre avec la nature sans chercher à l’écraser ou la dominer.

La structure  ? Elle est sculptée à la main à partir d’un mélange de chanvre et de chaux, des matériaux naturels, locaux et écologiques. Ici, pas de charpente (sauf cas particuliers), ce qui simplifie grandement la structure mais limite fortement la taille. Ces constructions sont d’autant plus intéressantes d’un point de vue environnemental qu’elles permettent de se passer de béton. En effet, le béton, ce matériau conventionnel composé à 80% de sable et qui reste particulièrement prisé en architecture, est remis de plus en plus en cause en raison de son bilan écologique important, notamment parce qu’il participe à accroître la pression sur le sable et le recul des plages dans le monde (le sable terrestre est inutilisable en construction). À force d’extractions, ce dernier est donc en train de disparaître, impliquant la dégradation des écosystèmes et la fragilisation des littoraux.

Crédit image : Nikita Gouëzel
Crédit image : Nikita Gouëzel

Un prix abordable pour une vie (très) frugale

Mais ce n’est pas le seul argument en faveur des Kerterres. En effet, si ces maisons rencontrent un enthousiasme croissant sur les forums et dans les revues consacrées à l’habitat alternatif, à l’instar des tiny-house, c’est aussi, tout simplement, qu’elles sont peu chères et donc accessibles à ceux qui souhaitent vivre simplement sans s’endetter à vie. « Un dôme Kerterre coûte en moyenne 3 000€, matériaux et main d’œuvre compris. La construction de ces maisons peut durer de 5 jours à 3 semaines selon la taille souhaitée » assure l’auteur du reportage. Mais dans la pratique, comptez de 6 000 à 10 000 € avec l’aide de personnes compétentes et de bras vigoureux. L’entraide devant évidemment représenter le cœur d’un tel projet.

Crédit image : Nikita Gouëzel

Enfin, ces habitations répondent souvent aux principales aspirations de ceux qui cherchent à accorder leur mode de vie avec leurs convictions sans s’endetter sur des décennies. En effet, il apparaît de plus en plus évident qu’une action efficace contre les désastres écologiques et climatiques passe également, outre la lutte pour changer le cœur des institutions économiques, par le choix d’un mode de vie frugal axé sur la simplicité volontaire choisie et assumée, avec ou sans Kerterre d’ailleurs.

Mais simplicité n’est pas synonyme de facilité. Si « choisir c’est renoncer », vivre en Kerterre – comme dans n’importe quel habitat alternatif – implique un changement holistique de ses comportements de consommation au quotidien. Et ce n’est certainement pas donné à tout le monde tant ce choix nécessite certains paramètres sociologiques, du courage, quelques sacrifices et une envie d’engagement qui prime sur les habitudes et conforts hérités de nos éducations, familiales ou sociétales. Comme le rappelle Evelyne Adam, première habitante d’une Kerterre : « L’impact bonifiant c’est simplement décider qu’il n’y ait pas un seul geste de ma vie qui ne soit pas bonifiant. Alors bien sûr que j’ai encore quelques gestes dans ma vie qui ne sont pas bonifiants, mais parce qu’on vient tous de très loin ».

Heureusement, il ne manque désormais plus d’alternatives pour les goûts, les budgets et les limites de chacun sans nécessairement avoir besoin de les mettre en concurrence les une avec les autres. C’est peut-être ça aussi l’esprit de la transition : jouer des contraintes pour réinventer mille et unes manières, plurielles et complémentaires, de vivre en adéquation avec le reste du vivant. Ce champ des possibles est profondément positif et nous confère d’une certaine manière les clefs de notre propre avenir, à repenser de bout en bout. Cet horizon ne va cependant pas sans un travail de deuil : il demande de déconstruire, dogme après dogme, ce que notre enfance a associé au plaisir, au bonheur ou à la réussite. Ces deuils ne sont pas une partie de plaisir, mais ils ouvrent la voie à un retour vital à l’essentiel.

« Kerterre » est un donc reportage qui a pour ambition « de proposer à la société des solutions concrètes, saines, et durables nous permettant d’avoir un impact positif sur notre planète« , explique le jeune réalisateur qui a fait des questions environnementales et sociales ainsi que de la simplicité volontaire l’une des trames principales de ses différents reportages. Diffusé en 2019 dans 18 pays, le court-métrage a rencontré un franc succès international. Mais il a enfin donné naissance à un long métrage documentaire sorti en 2020. Les curieux peuvent le découvrir ici.

 


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