Toutes les grands changements de paradigmes ne se sont-ils pas créés grâce à des citoyens qui, par la force de l’exemple, ont su faire avancer les mœurs ? C’est en tout cas la volonté des fondateurs d’Eotopia, un espace expérimental orienté vers une économie axée sur le don inconditionnel et le respect du vivant. Dans cet éco-village, on s’organise autour de six paliers : le vivre ensemble, l’alimentation alternative, l’économie du don, la permaculture, l’éducation libre et l’écologie. Nous sommes allé à la rencontre des habitants de ce lieu unique afin qu’ils nous expliquent les raisons d’une telle démarche. 

Une histoire sortie d’un rêve

Tout commence en 2010, quand Benjamin, Nicola et Raphael décident de partir sans un sou en poche sur les routes pour relever un défi : voyager le plus écologiquement possible, sans consommer et donc sans argent ! De cette aventure en stop des Pays-Bas au Mexique, ils en ramèneront un joli blog, mais surtout le rêve d’un monde sans échanges monétaires. Ils réalisent en chemin qu’une économie locale basée sur le don serait bien plus juste et solidaire pour tous. Benjamin nous raconte qu’Eotopia est né d’un véritable déclic intellectuel, une épiphanie :

« En visitant des éco-lieux et en organisant des campements véganes et sans argent, j’ai eu en quelques sortes une petite révélation. J’ai découvert que pour aider la société a évoluer dans le bon sens, ce dont nous avions besoin avant tout, c’était des espaces d’expérimentation ouverts et accessibles à tous. C’est ainsi qu’est née l’idée d’Eotopia, un espace permanent pour expérimenter, partager, apprendre et évoluer. »

Eotopia est en fait resté dans le domaine du rêve jusqu’en 2013, date à laquelle Raphael, Nieves, benjamin et Yasmin décident de le concrétiser en présentant le projet Eotopia à d’autres citoyens. Allemands, français, portugais, suisses, anglais, mexicains et espagnols répondent à l’appel pour s’engager dans ce nouveau projet de vie. Une équipe part alors à la recherche d’un lieu pour concrétiser ce beau projet, mais subit de nombreux revers et déceptions. En juillet 2016, l’équipe achète finalement un lieu grâce aux économies de chacun et marque le début d’une nouvelle étape de l’aventure.

« il n’y a pas d’horaires ni de tâches obligatoires »

Quel goût a la vie en utopie ?

Et lorsqu’on demande à Benjamin comment se passe réellement la vie en utopie, il nous répond que les journées ne se ressemblent pas forcément. Dans l’éco-village d’Eotopia, il y a actuellement cinq résidents permanents et, deux semaines par mois, le lieu s’ouvre aux visiteurs qui souhaitent expérimenter.

 » Pour rester fidèles aux principes d’économie du don qui régissent notre idéal, il n’y a pas d’horaires ni de tâches obligatoires. Chacun(e) est libre de gérer son temps comme il le souhaite, de participer aux activités, aux chantiers, de cuisiner, faire la vaisselle ou de participer aux achats nécessaire. L’idée est que nous avons tous des choses à donner et Eotopia est un lieu où nous essayons de le faire sans se sentir obliger, en toute conscience.  »

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Car Eotopia défend l’idée de l’auto-gestion depuis le début du projet. Une organisation qui repose que la communication nous explique Benjamin: « Nous avons des réunions quotidiennes pour exprimer nos ressentis en suivant un modèle basé sur la CNV (Communication non-violente), pour méditer et discuter des différents points techniques. En ce moment, nos activités sont concentrées sur le jardin, le fauchage, la construction d’un dôme en bambou et en terre, la rénovation du bâtiment et des installations, la cuisine et toutes sortes de tâches diverses et variées ! »

Dans l’éco-village d’Eotopia, on s’organise pour respecter un mode de vie basé sur l’économie du don, ce qui n’a rien de simple quand on a grandit dans une société qui a pour centre la notion de richesse/pauvreté. Mais le but des habitants d’Eotopia est de faire avancer la réflexion autour de la recherche de moyens pour réduire au maximum les échanges monétaires.

Et maintenant?

La suite pour Eotopia est de deux ordres selon Benjamin. Il s’agit tout d’abord de progresser, de ne pas cesser d’expérimenter pour arriver à un impact écologique de plus en plus bas.

« Nous envisageons de progresser chaque jour un peu plus ! Nous souhaitons diminuer notre impact écologique de plus en plus, pour se passer au maximum d’électricité notamment. Nous prévoyons de construire plusieurs vélo-machines pour laver le linge, mixer nos smoothies ou recharger nos ordinateurs. Nous allons en ville une fois par semaine pour les courses et nous souhaitons réduire notre dépendance au maximum pour, d’une part, manger des produits sains qui ont poussé sur notre terre et, d’autre part, pour limiter notre impact sur la nature. Nous avons encore beaucoup de progrès à faire! »

Mais plus que tout, la volonté des résidents d’Eotopia est « d’accueillir des visiteurs et des visiteuses, de partager l’espace, d’offrir un espace pour que quiconque puisse expérimenter un style de vie différent et trouver son chemin, sa voie ou juste pour s’inspirer. » Car si l’expérimentation permet de prouver qu’une autre voie est possible et que nous pouvons imaginer le vivre ensemble d’une façon différente, encore faut-il le montrer ! Et comme Eotopia entend bien offrir des conditions d’accueil dans une philosophie de partage, l’enjeu est aujourd’hui de construire des habitats pour que les résidents visiteurs se sentent le plus possible à la maison : Tiny House, Keer’terre, yourte, dôme…

« Nous sentons qu’il est temps pour l’humanité de contester les modèles obsolètes et de définir de nouveaux modes de vie respectueux de l’environnement et de tous les êtres qui le composent. Pour ce faire, nous avons besoin d’expérimenter collectivement. Nous souhaitons qu’Eotopia soit l’un de ces endroits où les gens de tous âges, de tous milieux sociaux et de toutes nationalités puissent venir partager leurs expériences, leurs connaissances ou simplement, leur volonté enthousiaste de changer. »

Le chemin sera encore long pour montrer au plus grand nombre qu’une vie en communauté est possible sans considérations monétaires, sur un mode de vie qui défend tous les êtres vivants, l’éducation libre et l’écologie. Mais la force de l’exemple est toujours le meilleur moyen, et la famille d’Eotopia l’a bien compris. Longue vie à ce maquis local en résistance.


Propos recueillis par l’équipe de Mr Mondialisation

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