Voitures en feu, vitrines explosées, livreur de pizza héroïque, voilà en bref les images qui vous viendront à l’esprit concernant les récentes manifestations encadrant le G20. Aucune surprise à cela, cet angle de vue particulièrement sélectif fut le plus médiatisé. Mais derrière ces violences en marge, bien réelles, ce sont plusieurs dizaines de milliers de manifestants pacifistes qui se sont mobilisés pour interpeler les puissants du G20. Un regroupement inédit de militants, d’associations et de citoyens défendant des causes diverses dont les 1000 silhouettes fantomatiques faisaient partie. Autre regard.
Telle une histoire cousue de fil blanc, chaque grand mouvement de contestation semble désormais suivre le même schéma : en marge des manifestations non-violentes rassemblant des dizaines de milliers de personnes, des échauffourées – infiniment prévisibles – éclatent en fin de journée entre la police et les manifestants les plus radicaux. Par besoin d’informer, mais aussi car la course à l’audience impose des images de plus en plus sensationnelles, les photographies de voitures brulées et de vitrines éventrées font la une de tous les journaux, amalgamant volontiers la minorité violente avec l’ensemble des manifestants. Comme un air de déjà vu ?
Très vite, il n’y a plus qu’eux sur tous les écrans. Les représentants politiques parlent de chaos, de climat de guerre et chacun y va de son petit commentaire anti-manifestants. La nuance des choses disparait au détriment des revendications du plus gros des manifestants. Le ministre de la chancellerie Peter Altmaier va jusqu’à parler de « terreur (répugnante) semée par l’extrême gauche (…) aussi grave que celle semée par l’extrême droite et les islamistes. » Dans un esprit parfaitement manichéens, deux blocs se cristallisent dans l’opinion. Nous voici placés face à de dangereux manifestants, sans aucune distinction, opposés aux malheureux chefs d’États. Et si la réalité était un peu plus nuancée ?
Quand le sage montre le G20, l’idiot regarde la voiture en feu
Cette surmédiatisation de la violence en marge (encore une fois, bien réelle, et que personne ne minimise) va sans surprise totalement occulter la grande pluralité des manifestants. Une revendication populaire fondamentalement saine face à l’orientation destructrice que prennent les grands décideurs politiques présents au G20. Et au regard des titres et des réactions, cette violence générée par quelques 600 individus cagoulés (pour plusieurs dizaines de milliers de manifestants), semble avoir l’effet escompté : délégitimer toute forme de contestation dans l’opinion. Si bien que la masse grouillante de manifestants non-violents, qui ont défilé de manière pacifique mais résolue, vont disparaître des écrans. Le débat de fond ? Le militantisme populaire ? À la trappe !
Ainsi, beaucoup moins remarqués, des dizaines de milliers de manifestants (entre 50 000 et 75 000) se sont mobilisés dans les rues d’Hambourg sous le slogan « Solidarité sans Frontières ». Une masse impressionnante d’individus au revendications aussi variées qu’on puisse croiser de personnalités. Aucune violence n’a été rapportée par les autorités. Parmi eux : défenseurs des libertés individuelles, communauté LGBT, militants anti-capitalistes et alter-mondialistes, défenseurs de la taxation des transactions financières et nombre de citoyens indignés par la tournure de la mondialisation triomphante qui écrase les peuples.
À l’issue du sommet, sans que ce soit contradictoire avec leurs revendications anti-G20, le cortège pacifique s’est mué en une immense fête à ciel ouvert. À nouveau, aucune violence ne fut rapportée. Comment peut-on décemment entretenir la confusion entre cette majorité écrasante aux revendications légitimes et une minorité violente ?
Sous la grisaille, un arc-en-ciel de couleurs
Parmi ces militants au mode d’expression pacifiste, on trouve les « 1000 Gestalten » (1000 silhouettes). Avant le gros des manifestations, ces artistes ont défilé silencieusement à Hambourg, dans le cadre d’une performance anticapitaliste poétique. Après des mois de préparation, ces miles figures « zombifiées » couvertes d’argile ont souhaité exprimer le désespoir d’individus défragmentés, isolés, prisonniers d’eux mêmes dans leur uniforme gris. Un message d’espoir également, quand, redécouvrant leur humanité, les protagonistes libèrent leurs chaines dans une explosion de cris de joie. Car, à l’image de notre regard sur ces manifestations, sous les nuances de gris, ce sont des milliers de couleurs qui se cachent. Une pluralité qui réclame humblement un peu plus d’humanité et de justice de la part de ceux qui dirigent notre monde et son économie écrasante.
La chorégraphie de près de deux heures est résumée dans une courte vidéo à découvrir ci-dessous.
La vidéo
Sources : rfi.fr / reporterre.net / lemonde.fr