Pour une majorité, la neuropsychologie est encore une discipline obscure. Au-delà des apparences, il s’agit pourtant d’un domaine complexe. Psychologue clinicienne spécialisée en neuropsychologie, Coline Pawlowski, directrice d’un cabinet Neuropsy basé en Lozère, répond à quelques questions.

Qu’est-ce que la neuropsychologie ? C’est sans doute la première énigme qui mérite éclairage.

Pour à qui le domaine paraît trouble et lointain, disons que la neuropsychologie se situe au croisement de la neurologie et de la psychologie. Un carrefour central qui étudie la relation entre le cerveau et le comportement humain. Plus précisément, on s’intéresse au fonctionnement normal du cerveau mais également au fonctionnement anormal en cas de lésions cérébrales, de troubles du neurodéveloppement (TSA, TDA/H, troubles dys…), qu’ils soient acquis ou dégénératifs.

Le but est de pouvoir objectiver comment un trouble va affecter la cognition, le comportement, la personnalité et les émotions d’une personne en partant du postulat qu’il n’existe pas réellement de « profil type » et que les conséquences sont « personne-dépendant ». C’est ce qui fait la richesse de ce métier à mes yeux. Pouvoir évaluer et tenter de trouver des solutions adaptées à chaque personne.

Une discipline centrée sur l’évaluation ?

Il existe bien évidemment une multitude de batteries et de tests spécifiques en fonction de ce qui est recherché. Le choix des tests se fait en fonction des plaintes des personnes et de leurs histoires. Mais la neuropsychologie voit au-delà de la « simple » notion d’évaluation. Cela serait sinon assez réducteur !

L’objectif est de mettre en avant les atteintes mais surtout les capacités préservées de la personne de manière à faire émerger « un plan d’action », des stratégies restauratrices ou compensatrices et surtout de permettre à la personne de gagner en qualité de vie, en épanouissement.

La neuropsychologie : Pour qui ? Pour quoi ?

A partir du moment où le besoin s’en fait sentir. Certains types de bilans permettront de cibler le fonctionnement cognitif des enfants, leurs forces et faiblesses afin de faire ensuite un lien avec les familles et les enseignants pour qu’un travail cohérent soit mis en place et permette à l’enfant de gagner un certain épanouissement (scolaire et/ou personnel).

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D’autres bilans, quant à eux, permettront de cibler les capacités préservées et les atteintes suite à un AVC ou encore un traumatisme crânien afin de permettre à la personne de compenser au mieux ses difficultés par la suite, retrouver une certaine autonomie et lui permettre de comprendre son fonctionnement. On rentre alors dans un cadre de réhabilitation cognitive.

La neuropsychologie prend également toute sa place, par exemple, pour les personnes en ESMS (établissements et services médico-sociaux) afin de pouvoir orienter au mieux les projets personnalisés et guider les professionnels qui gravitent autour de ces personnes.
Les exemples seraient encore nombreux et je suis du genre logorrhéique… !

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Pour faire bref, la neuropsychologie s’adresse autant aux enfants, qu’aux adultes, qu’aux personnes âgées. Pour quoi ? Pour comprendre son fonctionnement, tenter de trouver des solutions, gagner en épanouissement… et d’une certaine manière essayer progressivement de faire de ses particularités, une force.

La remédiation cognitive : Dans quels objectifs ?

La remédiation cognitive est une intervention visant à améliorer des processus cognitifs altérés ou d’en trouver des stratégies compensatrices. Je dirais que l’objectif général est de gagner en qualité de vie.

Pour cela la remédiation cognitive, bien évidemment, ne sera pas la même pour un enfant avec un TDA/H que pour un résident d’un foyer de vie avec par exemple une déficience intellectuelle et les objectifs « opérationnels » vont donc différer.

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L’évaluation neuropsychologique va permettre de cibler les forces et faiblesses d’une personne de manière à pouvoir essayer de trouver des stratégies adaptées dans le quotidien.

Pour ma part je m’oriente le plus possible vers une remédiation cognitive « écologique » car il apparaît pertinent d’agir directement dans le quotidien et l’environnement de la personne afin d’en retirer le plus de bénéfices et de permettre une évolution positive des capacités.

Et pour les personnes porteuses d’un handicap important ?

Tout dépend de ce que nous entendons par handicap « important ». Pour une personne ayant reçu un diagnostic de démence, il sera nécessaire d’évaluer les compétences cognitives de la personne pour pouvoir par la suite pouvoir aménager au mieux son quotidien, lui proposer des activités adaptées et palier certaines difficultés. Il est également primordial de connaître l’histoire de vie de la personne afin de faire des aménagements efficaces.

La remédiation cognitive, dans cet exemple-là, permettra d’essayer de « ralentir » les pertes en stimulant les fonctions cognitives à bon escient et en proposant des idées qui ont du sens pour la personne. Dans les formations que je propose par exemple pour les institutions comme les EHPADs, le but est d’amener les professionnels à se poser les bonnes questions pour comprendre l’apparition d’un comportement considéré comme « non-adapté » ou bien encore pouvoir proposer au quotidien des perspectives qui ont du sens et un objectif concret de manière à investir la personne avec un handicap.

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Bien souvent, les troubles du comportement apparaissent suite à une succession « d’incompréhension », d’autant plus quand des troubles de la communication sont présents. Un peu comme si nous parlions deux langues différentes… il convient donc d’analyser l’environnement et les compétences de la personne pour pouvoir comprendre comment améliorer son quotidien.

Pour une personne polyhandicapée qui se trouve en institution, nous ne sommes pas réellement sur de la « remédiation cognitive » sachant que la déficience intellectuelle sévère à profonde n’a pas permis un réel développement de certaines fonctions. Un article intéressant dans la revue francophone de la déficience intellectuelle se penche sur « une meilleure compréhension du fonctionnement cognitif des personnes polyhandicapées ».

L’état des lieux sur l’évaluation cognitive de la personne polyhandicapée montre que cela reste encore très difficile car chaque personne polyhandicapée présente une configuration unique et très complexe de compétences et de déficiences. Il n’existe pas de modèle de développement cognitif propre à la personne polyhandicapée.

Cependant l’évaluation permet tout de même d’aider à la prise en charge en tentant de mettre en évidence des potentialités et compétences émergentes. Cela passe souvent par des échelles d’évaluation et questionnaires à remplir avec l’entourage de la personne. Les données recueillies sont soumises à la subjectivité de la personne qui répond. Cependant, il peut être possible de tenter de neutraliser cette subjectivité en multipliant les observateurs.

La place de la neuropsychologie dans la scolarité des enfants ?

« S’il y a 20 enfants dans une classe, il peut y avoir donc 20 chemins différents pour atteindre les objectifs».

Certains enfants présentent des difficultés scolaires. En dehors de toutes « pathologies », nous avons tous un fonctionnement cognitif différent, avec des forces et des faiblesses. Par exemple, nous ne sommes pas tous égaux au niveau de la mémoire. S’il y a 20 enfants dans une classe, il peut y avoir donc 20 chemins différents pour atteindre les objectifs.

Le but est de comprendre son fonctionnement cognitif, que les parents comprennent les forces et faiblesses de leurs enfants et bien évidemment de faire un lien avec les enseignants pour leur expliquer le fonctionnement cognitif de l’enfant et faire émerger avec eux des outils et stratégies à mettre en place au niveau scolaire pour favoriser les apprentissages et l’épanouissement de l’enfant.

Le choix des outils et stratégies se fait avec les parents, les enseignants mais également l’enfant ; il est primordial de l’investir dans la prise en charge car il est le premier concerné. Nous avançons donc en « essai/erreur » car il existe autant d’outils et de stratégies que ce qu’il y a d’enfants. Quelque chose peut fonctionner pour l’un et pas du tout pour l’autre. Le but est de trouver ce qui convient à l’enfant tout en prenant en compte son développement.

Et la psychologie clinique dans tout ça ?

La clinique transparaît à travers tout mon discours à partir du moment où on prend en compte la personne dans son individualité et dans son environnement afin de mieux comprendre son fonctionnement. La neuropsychologie est indissociable de la psychologie clinique. C’est aussi pour cela que l’appellation exacte de ce métier est « psychologue clinicien spécialisé en neuropsychologie ».

Il existe d’ailleurs plusieurs courants en psychologie (cognitivisme, psychanalyse, systémie, behaviorisme, etc…) et chaque professionnel a ses propres appétences et spécialités. Il convient donc de trouver le psychologue qui correspond à notre besoin.

Ce n’est pas toujours évident. Les zones rurales sont souvent stigmatisées de manière générale, on entend souvent parler de désert médical, de difficultés d’accès aux soins de manière générale, etc… M’installer en Lozère était donc important pour moi vis-à-vis de mes convictions personnelles et de mon attrait pour la région. Mais c’est encore un manque à combler, pour donner à tout le territoire un accès égal aux services de soin psychologiques.

– Coline Pawlowski


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