Récemment, Serge Klarsfeld, historien et avocat, figure notoire de la mémoire de la Shoah et célèbre chasseur de nazis, a rencontré Marine Le Pen et s’est prononcé en faveur du Rassemblement National (RN). Onde de choc pour de nombreux juifs de gauche, et même juifs tout court, plus que jamais déboussolés. Mais comment en est-on arrivés là ? Éclairage d’une journaliste juive française.

Aucun individu n’a la responsabilité de sa communauté et aucun juif n’est contraint de se positionner au nom d’une identité commune. Pour la première fois, j’en ai toutefois ressenti le besoin face à l’exacerbation, sur fond de conflit israélo-palestinien, de la tentation de l’extrême-droite pour les juifs et les juives de France.

Que l’Hexagone subisse de grandes tensions à ce sujet n’est pas inédit. Que l’on se rassure, le brouhaha de nos ruptures n’est de toute façon pas destiné à durer éternellement ; c’est le fruit d’une crise naturelle et inévitable qui relie deux paradigmes. Reste à savoir si elle engendrera le pire ou le meilleur. Cela ne dépend que de nous. C’est sans doute au nom de cet impératif que je me décide.

Je ne suis pas que juive, mais je le suis

Je ne suis pas que juive. Mais je le suis. Juive séfarade pour être plus précise, c’est-à-dire descendante des centaines de milliers de juifs exilés d’Espagne entre le XIVe et le XVIe siècle, forcés de se disperser notamment en Méditerranée. Pour ma part, jusqu’au Maroc, en Tunisie et en Algérie où ont grandi mes grands-parents. Je suis donc d’origine juive arabe. Notre culture est, par exemple, bien différente de celle des juifs ashkénazes, qui sont issus d’Europe centrale et orientale.

Formae Orbis Antiqui XXVII. Hispania / Histoire des juifs d’Espagne

En France, l’histoire des juifs reste relativement méconnue, y compris pour les concernés. Malgré son intégration dans les programmes scolaires, le rappel de la Shoah n’a pas suffi à rendre plus familiers les juifs du présent. L’effet a même pu être inverse : vu en CM2, en 3e au collège et en 1re au lycée, notamment pour souligner le passé résistant de la France, ce thème génère parfois une irritation face à sa récurrence. La question « Pourquoi parle-t-on si souvent de la Shoah ? » est une réflexion que j’ai souvent entendue, et que j’ai moi-même considérée. En réalité, il est surtout urgent de donner les moyens à l’éducation nationale d’aborder également l’histoire d’autres génocides en vue de ne pas les reproduire.

Loin des bancs de l’école, une chose est sûre, la connaissance de la minorité juive reste floue. Pour ma part, c’est au détour d’une exposition que j’ai pris conscience de la mosaïque ethnique des juifs : romaniotes de Grèce, yéménites, de Syrie, russes, d’Irak, d’Iran, d’Inde, turques, perses, noir-africains d’Ethiopie, Lembas, Havilas… Il est évident, quand on prend le temps de la curiosité, qu‘il y a autant de juifs que de judaïsmes. Mais c’est bien le lot de tous les peuples d’être confinés dans une absurde homogénéité.

Quant à leur histoire, elle est formelle : depuis toujours, le peuple juif est en exode. Guerres de religion, intérêts politiques, peurs, fantasmes… Les prétextes ne tariront jamais s’agissant de chasser ou annihiler une minorité. Tous les racismes et tous les massacres en font usage.

Concernant le peuple juif, on peut facilement remonter jusqu’en l’an 38 de notre ère, le pogrom des juifs sous le règne de Caligula, connu comme le « Massacre d’Alexandrie », fait des dizaines de milliers de morts, brûlés et traînés à travers la ville. En 1096, les minorités juives de Rouen, de Metz et d’Allemagne sont victimes de conversion forcée, de traités anti-juifs et de pogroms accompagnés de viols connus sous le nom de « Première croisade ». Entre 1146 et 1147 s’ensuit le massacre de la « Deuxième Croisade ». En Angleterre, on assiste en 1190 au massacre des juifs d’York et de Lynn. 1321, les juifs et les lépreux « sont accusés d’empoisonner les puits et d’avoir propagé la peste » puis brûlés par milliers en place publique et tués par la foule. En 1391, en Espagne cette fois-ci, « de nombreuses tueries interviennent après la prédication d’un clerc sévillan, Ferrán Martínez ». En 1389, la tuerie en République Tchèque fait plus de 3000 victimes. 1506, Portugal, des milliers d’exilés. 1648, le massacre de Chmielnicki en Ukraine fait entre 50 000 et 100 000 morts. 1664, Pologne, 10 000 morts. 1790, Maroc, tuerie, centaines de morts. 1881-1884, Russie, tuerie, centaines de morts. De nouveau Ukraine, Pologne, Hebron, Moldavie, Irak, Maroc… Des dizaines d’autres massacres de ce type jusqu’à la Shoah : 6 millions de juifs et juives déportés et anéantis. Auxquels s’ajoutent 300 000 à 500 000 Tziganes et des centaines de milliers d’homosexuels. 

Ce rappel historique doit avoir une double utilité : celle de mieux comprendre le passé continu d’un peuple dont la posture et les peurs peuvent sinon nous échapper, tout comme celle de refuser des horreurs dont personne ne devrait jamais se rendre coupable, envers quiconque. Car nous y voilà. Juive, je le suis aussi d’une mère franco-israélienne.

Le conflit israélo-palestinien importé en France : une réalité à assumer

Une partie de ma famille proche vit donc en Israël. Quand j’étais plus jeune, nous y allions parfois pour les vacances. Je me souviens qu’il y faisait chaud, qu’on se promenait avec ma grand-mère et que mes cousines m’apprenaient des gros mots en hébreu. Cette réalité implique que, aussi française que je sois, je me retrouve inévitablement liée à ce pays.

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Ce lien, comme l’Histoire, m’ont permis de comprendre le besoin des juifs à travers le monde d’avoir un endroit où se sentir libres d’être qui ils sont – même si la stratégie britannique fut désastreuse et même si je n’ai jamais intimement éprouvé cette urgence étant attachée à la France plus que tout -, ainsi que leur crainte de perdre ce refuge encore très récent à l’échelle de l’histoire de l’humanité. Mais ce lien m’a également chargée d’un conflit et du devoir de l’affronter, y compris ici en France, où les communautés juives et musulmanes sont les plus importantes d’Europe.

Car par ailleurs, juive, je le suis aussi d’une cité où la mixité était notre évidence. C’est un cliché puissant, mais plus vrai que nature : mes amis étaient de toutes origines. Comme dans toute communauté de vie, inutile d’idéaliser, nous avons vécu des hauts et des bas : des périodes de grande fraternité et d’autres, plus sombres, émaillées de faits divers indicibles. Misère, peur, méconnaissance et repli seront de tout temps les quatre piliers de la violence.

De fait, l’Histoire de l’importation du conflit israélo-palestinien dans nos quartiers est un phénomène étudié depuis le début des années 70 et repris en l’an 2000. Il est le résultat, entre autres, du réflexe géopolitique d’une France interventionniste (voire néocoloniale) et d’un constat démographique : celui de communautés de citoyens musulmans et juifs concernés, in fine tous les deux cibles d’agressions. Mais maintenant que ce conflit est enraciné, nous ne devrions pas l’ignorer.

Je me souviens qu’à mes six ans, mon amie Farah m’a annoncé dans les toilettes de l’école qu’elle ne serait plus ma copine parce que j’étais juive et qu’Israël avait lancé des bombes sur les musulmans. Elle répétait des amalgames sans en comprendre le sens, et j’étais aussi perdue qu’une enfant de cet âge-là pouvait l’être. Mon éducation m’avait appris que juifs et musulmans étaient cousins. Alors, je suis rentrée. Comme chaque soir, j’ai partagé mes joies et mes peines avec mon père. Il est resté étonnamment calme, et le lendemain matin, je l’ai vu discuter avec le père de Farah, visiblement attristé, qui a promis de la sermonner. Mais je n’en voulais pas du tout à Farah.

À travers elle, je découvrais une réalité. Enfin, je m’y ouvrais, car à six ans, je ne pouvais qu’imaginer une guerre comme dans les épopées gréco-romaines, avec des chevaliers de chaque côté d’une ligne de front bien définie. Bien sûr, en visitant ma famille en Israël, je connaissais le bruit des sirènes et l’omniprésence des militaires dans les rues, mais j’étais convaincue que le conflit se déroulait ailleurs, sur un terrain vague où, comme le voulait la génération « We are the world », je rêvais que des enfants chantaient la paix au milieu des tirs. Cette naïveté était simple à vivre, mais je n’en suis pas nostalgique.

Car ensuite, il a fallu substituer aux rêveries insouciantes le poids du réel. J’ai écouté, lu, questionné, mal interprété, corrigé, ajusté, jusqu’à mieux voir, mieux cerner. Ce ne sera jamais suffisant – tel est le lot de celles et ceux qui cherchent – mais essentiel pour en venir à la conclusion inévitable que la défense de vies dignes est juste et qu’en ce sens, la reconnaissance des Palestiniennes et Palestiniens face au gouvernement d’extrême-droite israélien est cruciale. Depuis ce jour, comme tant d’autres juifs et juives, d’Israéliens et d’Israéliennes, je n’ai eu de cesse d’incarner un bug dans la matrice. Un bug vital.

Je suis loin d’être la seule dans mon cas, la contre-culture de Tel-Aviv n’est pas en reste. J’y ai vu s’organiser des concerts clandestins israélo-palestiniens, les manifestations s’accumulaient sur place des mois déjà avant l’attaque du 7 octobre, contre les décisions de dirigeants du vieux monde. Pour des raisons variant légèrement d’une personne à l’autre, la mobilisation grandit également depuis contre Benyamin Netanyahou. En Israël, les familles des 116 otages toujours détenus sur 250 ne comprennent pas la soif sanguinaire d’un dirigeant qui ne ramène pas leurs enfants.

De nombreux Israéliens ne sont pas dupes, si le Hamas incarne un spectre de mort évident pour leurs familles, la politique de Netanyahu en est complice. En plus d’avoir financé leur accession au pouvoir, le premier ministre a mis en place une stratégie opaque qui ne sert de toute évidence que son propre intérêt. De fait, tant que la guerre dure, il sait qu’il ne peut perdre son statut.

Et pour cause, selon l’UNICEF, au 26 juin 2024 à Gaza : 37 626 personnes au moins ont été tuées dans l’enclave palestinienne, dont plus de 14 100 enfants et 9 000 femmes. Les femmes et les enfants représentent 70 % des victimes. Nous sommes bien loin des fameuses frappes chirurgicales ou de la lutte anti-terroriste, quel que soit le narratif du gouvernement pour faire croire à une criminalité dormante chez tous les Gazaouïs – les prétextes ne tarissent jamais, rappelez-vous, s’agissant de justifier des massacres.

« Les survivants, eux, vivent un exode sans fin. Ils sont 1,7 million à avoir fui, plusieurs fois, le nord et le centre, à la recherche d’un asile vers le sud, notamment à Rafah. Mais depuis le 6 mai, l’escalade des hostilités à Rafah n’a fait qu’intensifier le cauchemar des familles qui y étaient réfugiées. » Selon l’UNRWA, 100 000 personnes déplacées seraient encore à Rafah.

Par peur de perdre Israël, des connaissances juives rechignent à admettre la culpabilité de leur pays de cœur dans ces crimes. Je leurs réponds qu’Israël n’aura précisément pas d’avenir sans la reconnaissance de ces crimes. La reconnaissance des israéliens est interdépendante de celle des palestiniens. 

De la défense humaniste des civils palestiniens au spectre d’une « gauche antisémite » ?

53% des individus interrogés par l’IFOP en avril dernier pensent que LFI contribue à la montée de l’antisémitisme en France. Le pourcentage grimpe à 92% pour les personnes de confession juive. S’il faut toujours se méfier des sondages qui savent conclure tout et son contraire, tout de même, « ces chiffres brûlent les yeux » comme l’écrit Slate. En effet, comment interpréter cette défiance ?

Du fait de sa lutte contre l’oppression, de son combat anti-hitlérien, communiste, socialiste, et de ses figures intellectuelles telles que Léon Blum, ainsi qu’en opposition aux thèses raciales, complotistes et suprématistes d’extrême-droite, les juifs ont un important passé de gauche. Alors, comment expliquer la réserve d’une partie d’entre eux envers une politique humaniste et, pire encore, leur accoutumance à l’extrême-droite. De toute évidence, c’est le fruit d’une longue évolution qui s’exprime aujourd’hui à l’aune du traitement du conflit israelo-palestinien en France.

Longue évolution, car de nombreux juifs de milieux populaires associés au petit patronat ont doucement muté, comme une large fraction de la population, vers la préservation néolibérale de leurs illusions de privilèges. Ainsi, la Macronie, en dernier lieu d’une interminable lignée de gouvernements capitalistes, a réussi à convaincre la France entrepreneuse dont une partie des juifs est issue (notamment dû à son histoire commerçante) qu’il allait protéger ses intérêts.

Bien au contraire, les petites sociétés familiales souffrent aujourd’hui plus que jamais d’un libre marché aux mains des multinationales d’un autre niveau. Couplé, au syndrome de l’immigré, une tendance émerge donc en premier lieu au sein de certaines générations juives issues de l’immigration : voter à droite (source IFOP). Mais de la droite néolibérale à l’extrême-droite, bien que la première soit le marchepied de la seconde depuis plusieurs années, il y a quand même un gouffre. Et le pont qui les y a menés semble être polymorphe. 

D’abord, soyons clairs à ce sujet : 80% des médias appartiennent à 9 milliardaires. Parmi eux figure notamment Vincent Bolloré, qui ne se cache plus d’entreprendre une guerre civilisationnelle xénophobe en faveur de l’extrême-droite. Pourquoi ? Car cette dernière, loin de servir comme elle le prétend les intérêts des gens, est au chevet d’une classe bourgeoise autrement riche. Bolloré sait, tout comme celles et ceux qui lui sont fidèles, que l’exacerbation des inégalités, dont son mode de vie et de pouvoir se nourrit, sera conservée. 

À la lumière de ces monopoles médiatiques, comme de la préparation macroniste à mettre au pouvoir l’extrême-droite par le biais d’alliances de plus en plus assumées avec le RN et de la dédiabolisation de sa politique fasciste, comment être encore surpris que la gauche essuie de nombreuses caricatures ? 

Toutefois, ce serait desservir notre idéal d’émancipation des minorités que de nier le sentiment de certains juifs à l’égard des élus de gauche qui, dans certains impensés ou déroutes de communication, ont de temps à autres déçu cet électorat. Loin de l’imputer à la défense pro-palestinienne qui me paraît légitime, même si elle aurait pu être mieux conduite pour fédérer – notamment sur internet où le climat est intenable pour tous les concernés -, je l’associe volontiers à des lacunes sur le paradigme juif, au sein des partis et chez leurs partisans, privant parfois leurs interventions de justesse dans les mots. 

De fait, difficile de connaître personnellement des juifs, puisque nous représentons moins de 1% de la population française. Et nous ne sommes pas si visibles que le suggèrent les obsessions. A part les quelques communautés orthodoxes dont les codes sont discernables, la majorité est anodine, comme moi, juifs et juives mais pas que. Le problème qui se pose alors, comme le souligne parfaitement l’écrivain Joann Sfar, l’un des derniers juifs de gauche encore médiatisé, c’est qu’à être si peu, il est facile d’essuyer les effets de la moindre surexposition péjorative. Quand le seul juif que le Français moyen connaît est Benyamin Netanyahu, un tyran sans limites, Cyril Hanouna, le fou d’un milliardaire despote, ou bien Bernard-Henri Lévy, éditocrate rodé aux sophismes conservateurs, nous essentialiser est tentant, surtout si les discours politiques ne sont pas très exigeants en nuances. 

Malgré tout, il est certain que la gauche n’a pas de socle théorique antisémite, contrairement à l’extrême-droite. Comme le rappelle la Commission nationale consultative des droits de l’homme, « l’antisémitisme observé chez les personnes de gauche est « sans comparaison avec celui observé à l’extrême droite et chez les proches du Rassemblement national ». En ce sens, les interventions de nombreux élus de gauche qui ne cessent de devoir rassurer sur leurs positions, déplorant de faire l’objet d’un dénigrement permanent à ce sujet. Plus concret, le Nouveau Front Populaire (NFP) fait montre d’un soutien indéfectible à la communauté juive à travers un programme très clair sur cette question : 

Pendant ce temps, que prévoit le RN à part faire de l’œil aux juifs de France avec de grandes déclarations ? 

RN : le piège fondé par des néo-nazis 

Le RN, en changeant d’une lettre et en affichant son poulain coaché Jordan Bardella, compte faire oublier ses casseroles, mais elles tintent toujours, n’en doutons pas. Fondé en 1972 par le négationniste Jean-Marie Le Pen, ainsi que l’ancien nazi Pierre Bousquet, le Waffen-SS qui a protégé le bunker d’Hitler Pierre Bousquet, le collaborationniste multi-condamné pour antisémitisme François Brigneau, le militaire partisan de l’Empire français Roger Holeindre et le journaliste condamné pour écrits antisémites et provocation à la haine raciale Pierre Durand, le FN est un parti baigné de suprémacisme et de fascisme.

Carte de l’origine et des réseaux RN. 

Leur credo ? En effet, ce ne sera jamais le conflit israélo-palestinien tant ils ont en horreur l’Islam, puits intarissable de tous leurs fantasmes. Mais derrière les calculs électoraux, leur racisme global, historique et actuel, est on ne peut plus documenté. Je me souviens encore, en 2017, lorsque Marine Le Pen avait elle-même déclaré sur France 2 : « Moi, je suis contre la double nationalité extra-européenne. Israël n’est pas un pays européen, et je crois d’ailleurs qu’Israël accepte de le dire et de le penser ». Un exemple parmi d’autres que la haine de la diversité est un mantra aveugle qui ne connaît pas de distinctions. 

Très concrètement, à ce jour, comme le rapporte Le Monde, le RN vient de dévoiler des investitures qui trahissent leur tentative de dédiabolisation : « Dans la 1re circonscription des Côtes-d’Armor, Françoise Billaud, engagée au FN depuis 1986, a rendu hommage sur sa page Facebook au maréchal Pétain, mais aussi à l’abbé Perrot, figure locale emblématique de la collaboration. Frédéric Boccaletti, député sortant et réinvesti dans le Var, a été le fondateur, en 1997, d’une librairie spécialisée dans les ouvrages d’extrême droite dont le nom, Anthinéa, est une référence à un livre de l’écrivain antisémite Charles Maurras (1868-1952). À Paris, la candidate du RN dans la 10e circonscription, Agnès Pageard, a été investie malgré de précédentes alertes sur son usage de slogans antisémites […] ». 

Et c’est compter sans ses partisans. Car, le voilà l’antisémitisme dormant, historique, insidieux, fondé sur un réseau de thèses intellectuelles, qui n’attend que l’impunité de ses élus pour éclore. Rien qu’en 2022, la Commission nationale consultative des droits de l’homme évalue à 54 % la croyance que les juifs ont un rapport particulier avec l’argent chez les sympathisants du Rassemblent national (RN). Un électeur RN sur deux n’a pas déconstruit le stéréotype du juif cupide, à l’origine de nombreuses tueries à travers le passé.

Et ce n’est qu’un exemple de la conclusion du rapport que la judéophobie qu’on prêterait aux électeurs de gauche est « sans comparaison avec celui observé à l’extrême droite et chez les proches du Rassemblement national ».

En France, des groupes d’ultra-droite désinhibés par le triomphe électoral du RN

Conclusion 

Contrairement aux allégations du camp présidentiel qui tente de se frayer un chemin après avoir détruit la vie de ses électeurs en opposant une gauche qui n’est pas extrême et une extrême-droite qui l’est : l’union de la gauche et le RN ne se valent pas. Ce ne sont pas des partis aux idéaux ni aux passés comparables. Comme le veut une image : se battre contre la pauvreté et se battre contre les pauvres, ce n’est pas tout à fait du même ordre moral. 

Les actes judéophobes liés au conflit israélo-palestinien existent, c’est plus que déplorable mais leur réalité est avant tout indexée sur l’actualité du Moyen-Orient. Nous devons nous concéder l’importance des mots et de la nuance pour savoir condamner Israël sans mettre en danger les concitoyens juifs. Mais jamais nous concéder le repli. Car sur ce sujet, les mains tendues seront notre seul échappatoire commun. Les mains tendues le sont toujours.  

Cette crise internationale va sans doute continuer de préoccuper la France, quelle que soit la puissance au pouvoir, et j’entends en ce sens les peurs de mes proches – je les entends vraiment. Mais je refuse d’interpréter ce pic de crispations comme le signe qu’il nous faut, sur le long-terme, vendre notre pseudo-sécurité à ce qui fut et reste en revanche le dernier des replis. Un repli xénophobe qui aurait avec certitude expulsé du sol français mes grands-parents immigrés, qui confine à l’eugénisme, qui détruit les droits des vies, les droits des corps à travers des lois et des réformes anti-sociales contre le peuple au profit d’un entre-soi hors-sol.

Un repli qui ne considère pas l’émancipation des femmes comme une lutte de premier ordre, et fera même reculer leurs droits, qui cultive la réactance face à l’évolution des droits des minorités, qui monte les plus pauvres les uns contre les autres au profit des multinationales, qui méprise la vie animale (de la chute de la biodiversité aux conditions d’élevage intensif) et sabote, plus que tout, nos chances d’avoir une quelconque humanité viable sur terre en niant l’enjeu du siècle : la soutenabilité écologique de nos sociétés. 

Ma grand-mère dirait « dieu seul sait à quel point ». Je ne crois pas en Dieu, ou plutôt mon dieu est ce monde vivant que j’aime profondément. Mais « Dieu seul sait à quel point » la Macronie me donne des nausées. Inutile de les promouvoir en étendard d’un barrage républicain, à les suivre de près, on ne peut que reconnaître leur gestion, entre autres, anti-démocratique, répressive, raciste, anti-écologique, misogyne et élitiste du pays. Ils ont noyé nos vies dans un néolibéralisme prédateur intenable qui tue à petit feu et la liste est longue de leurs griefs.

En outre, il ne s’agit pas ou plus d’eux désormais, parlons sans langue de bois ni détour : la bataille législative se jouera entre l’extrême-droite ou l’union de la gauche. 

– S.H.


Image d’entête : la Reporter-Photo @TiphaineBlot  

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