Émission de gaz à effet de serre, congestion des routes, pollution sonore : et si on remplaçait les voitures thermiques par des vélos ? C’est en tout cas l’objectif de K-Ryole, jeune pousse française qui s’attaque à un de leurs points faibles, la faible capacité de charge, en proposant une remorque électrique et autopropulsée qui permet à ses utilisateurs de transporter jusqu’à 250 kg sans effort. Nous les avons rencontrés.
« Voyager sans une goutte de pétrole » (ou presque)
C’est en 2014, lors de la préparation d’un voyage voulu « zéro carbone », que l’idée naît dans l’esprit de Gilles et Nicolas, les deux cofondateurs de K-Ryole. Lors de leur projet d’exploration du continent américain à vélo, ces derniers ont vite été confrontés au problème du transport de matériel : comment se déplacer de manière écologique en emportant avec soi le nécessaire pour cette traversée américaine ? Petit à petit, le projet d’un « super vélo électrique » semble évident et l’aventure touristique se transforme en une aventure entrepreneuriale qui réunit désormais treize passionnés. Ceux-ci développent leur « K-Ryole » accompagnés par l’incubateur SenseCube spécialisé dans l’entrepreneuriat social.
Une prouesse technique au service de la « ville apaisée »
En réduisant la pollution atmosphérique et sonore causée par un secteur des transports, responsable à lui seul d’environ 30% des émissions de gaz à effet de serre en France, Gilles et Nicolas entendent agir pour ce qu’ils appellent la « ville apaisée ». Large de 80 centimètres, la K-Ryole s’insère parfaitement sur les voies cyclables et peut être fixée simplement et rapidement sur n’importe quel vélo. Équipée d’une intelligence embarquée et de moteurs électriques, elle « mesure l’effort fourni par le cycliste et adapte instantanément la quantité d’énergie qu’elle délivre pour transporter une charge pouvant aller jusqu’à 250 kilos sans aucun ressenti pour le conducteur » nous expliquent les deux cofondateurs.
De plus, la K-Ryole convertit et stocke automatiquement l’énergie générée lors du freinage de ce « vélo-cargo », assurant ainsi une autonomie d’environ 70 km avec une charge de 100 kg, soit 40% de plus qu’un vélo à assistance électrique (VAE) classique, affirment-ils. Pour la recharge, une simple prise secteur suffit. K-Ryole lutte également contre l’obsolescence programmée puisqu’elle s’organise sous forme de blocs remplaçables et interchangeables, qui n’est pas sans rappeler le Phoneblock de Dave Hakkens. Il est ainsi possible d’ajouter, à loisir, un panneau photovoltaïque, un bloc frigorifique (potentiellement alimenté à l’énergie solaire donc), un système de verrouillage de porte, des dispositifs rechargeant les téléphones portables ou encore des hauts parleurs pour la diffusion de musique. Chacun l’adaptera selon ses besoins.
Tendre vers la « mobilité douce »
Car, si l’équipe met davantage en exergue la fiabilité et l’efficacité de leur produit, il s’agit bien là d’une innovation environnementale majeure tant les possibilités pour tendre vers une « mobilité douce » reposant essentiellement sur l’énergie humaine sont nombreuses. K-Ryole accompagnera par exemple les plombiers-cyclistes de Plumbi qui déploraient jusqu’alors l’engorgement des villes et la recherche de place de stationnement, particulièrement stressante et chronophage. À l’image de la « fillette la plus forte du monde » (vidéo ci-dessous), ces derniers sont désormais en mesure de transporter du matériel lourd et encombrant à la seule force de leurs jambes.
Il en va de même pour l’Université de Lille 1 qui compte bien s’équiper de ces « smart remorques » afin de pouvoir circuler dans le campus de 110 hectares voué à devenir « zéro carbone ». À mesure de la discussion, les deux diplômés de Supélec énumèrent les innombrables possibilités d’un concept impliquant les professionnels du bâtiment, donc, mais aussi les maisons de retraite et la livraison de leurs plateaux repas rendue possible par le bloc frigorifique, en passant par les étudiants qui y trouveraient un moyen simple et agréable de faire leurs courses depuis leur campus. Sans oublier les sociétés de livreurs locaux, cet autre fruit de l’entreprenariat social qui vise à relocaliser la livraison de manière écologique.
« Un coup de pédale de plus vers le 100% responsable »
L’objectif réside finalement dans la substitution aux véhicules motorisés polluants sur les trajets de courte et moyenne distance. Lorsque Nicolas évoque, par exemple, l’utilité d’une K-Ryole pour la livraison de courrier et de colis du groupe La Poste, qui amorcerait un retour en grâce des facteurs à vélo malgré un volume de courrier en déclin, Gilles évoque, lui, les « tournées d’AMAP » ou leurs échanges avec La Ruche qui dit Oui pour envisager la collecte des fameux paniers de fruits et légumes locaux qui pourrait ainsi s’effectuer en deux-roues plutôt qu’en voiture. Un coup de pédale de plus vers le 100% responsable !
L’utilisation de véhicules à essence pour les trajets courts n’est très souvent justifiée que par la nécessité de transport d’une charge lourde ; en supprimant cette contrainte il est donc probable que l’impératif de posséder une voiture devienne caduque dans nombre de situations. « De plus, ce sont ces trajets qui sont proportionnellement les plus pollueurs puisqu’ils sont souvent jalonnés de phases de (re)démarrage et d’immobilisation du véhicule qui sont les plus émettrices de gaz à effet de serre » rappelle Nicolas. Alors que la sacro-sainte voiture individuelle propre au monde occidental n’est plus vraiment un symbole de réussite sociale mais de plus en plus une contrainte ou un mal nécessaire, la K-Ryole restreint encore un peu plus l’utilité de cet emblème de notre société industrialisée.
À l’heure où Nicolas Hulot annonce l’interdiction de la vente des véhicules essence et diesel d’ici 2040, et où les villes semblent de plus en plus disposées à restreindre voire interdire (par exemple, la controversée fermeture des berges de la Seine à Paris) l’utilisation de voitures thermiques en leur sein, K-Ryole apparaît donc comme une alternative particulièrement prometteuse et crédible pour une mobilité durable. En attendant, toute l’équipe a la « tête dans le guidon » au moment de la fabrication industrielle, à Lyon, des premiers exemplaires et de leur participation au concours EDF Pulse 2017 (par ici pour voter pour eux !). Les premières remorques seront mises en circulation à la fin de l’année et disponibles pour les particuliers dès 2019.
Sources : Propos recueillis par Mr. Mondialisation / Statistiques DD.gouv / Site de K-Ryole