Selon un très sérieux rapport publié par le cabinet d’études Allemand Adelphi et Climate Diplomacy, le changement climatique serait l’un des facteurs pouvant expliquer la montée du terrorisme dans le monde. Étonnant ? Pas vraiment. Alors que la corrélation entre guerre et changement climatique fait discussion depuis quelques années, ce document propose de nouveaux éléments d’analyse qui donnent d’autant plus foi en la nécessité d’une transition afin d’éliminer les causes des causes.
« Les liens entre changement climatique, conflits et fragilité étatique ne sont ni simples, ni linéaires. Les conséquences de plus en plus importantes du changement climatique ne provoquent pas forcément plus de fragilité étatique et de conflits ». En effet, de très nombreux éléments entrent en compte lorsqu’on étudie la stabilité des relations internationales ainsi que les interactions régionales. Malgré ces avertissements, les conclusions du rapport rédigé par Katharina Nett and Lukas Rüttinger 2016 sont tout aussi nettes. « En générale, le changement climatique accroît les difficultés que rencontrent les États pour pourvoir des services et assurer la stabilité » dans leur région. Ces derniers années, à l’image de Boko Haram ou Daesh, des « organisations armées non-étatiques » (Non state Armed Groups) ont su prospérer dans des régions touchées de plein fouet par le changement climatique, grâce aux conditions exceptionnelles qui y régnaient.
OUT NOW: Our study on #Climate and #Terrorism ~ Download: https://t.co/tRC5LW37Qx @adelphi_berlin @LRuettinger pic.twitter.com/JlQswYPNGV
— Climate Diplomacy (@ClimateDiplo) April 19, 2017
Le changement climatique, terreau fertile pour les organisations armées non étatiques
Le rapport distingue deux facteurs en lien avec le changement climatique qui peuvent favoriser l’émergence de groupes terroristes. Premièrement, le changement climatique contribue à fragiliser les zones dans lesquelles peuvent surgir des conflits portant sur des ressources naturelles. Les organisations terroristes ont plus de facilité à s’installer là où les organisations collectives (locales ou d’État) n’ont pas ou presque plus de contrôle. Ainsi, les réseaux non-étatiques se forgent une légitimité auprès des populations locales en subvenant à la place des États aux besoins essentiels des habitants (eau, nourriture, structures,…). Et parmi ces réseaux, certains portent des desseins funestes qui peuvent conduire à l’organisation de la terreur.
Deuxièmement, et conséquence directe du premier point, la fragilisation de certaines zones augmente la capacité de recrutement des groupes terroristes. Ces derniers peuvent convaincre plus facilement les populations par des incitations sociales et économiques ou des promesses de sécurité. De surcroît, un dernier élément vient s’articuler avec les deux premiers. Il a été constaté que les groupe terroristes « faisaient de manière accrue usage des ressources naturelles comme d’une arme de guerre ». En effet, il est constaté que « plus les ressources naturelle se font rares, plus ceux qui les contrôlent ont du pouvoir ». Si l’image de Mad Max et ses « war boys » vous vient à l’esprit, ce n’est pas un hasard.
Boko Haram et Daesh ont fait de l’eau une « arme de guerre »
Le rapport prend pour étude plusieurs cas d’espèce et d’actualité, notamment le développement de Boko Haram autour du lac du Tchad. Ici, de multiples facteurs de tensions dont le sous emploi, la diminution des ressources ou les conflits locaux ont favorisé la multiplication des crises. Par dessus tout, les conditions climatiques de ces dernières années ont contribué à assécher davantage le lac du Tchad, pourtant essentiel pour l’économie locale et l’organisation des habitants vivant dans la région au Niger, au Nigeria, au Tchad et au Cameroun. L’organisation armée non-étatique a su profiter de ces conditions compliquées pour s’implanter dans la région et recruter de nouveaux membres au sein de la population.
Tout aussi parlant et actuel, le cas de la Syrie, où on constate à partir de 2007 une demande en eau trop élevée comparée aux ressources disponibles. Le stress hydrique qui frappe le territoire aurait « favorisé l’ascension de Daesh », bien que d’autres facteurs soient naturellement à prendre en compte, notamment l’instabilité politique et les aspects religieux, note le rapport. Aussi, la sécheresse historique de 5 ans qui frappe le pays, met une grande partie de la population qui est dépendante des revenus de l’agriculture sous pression. Ce phénomène a provoqué des migrations massives depuis les campagnes vers les villes, accroissant les tensions internes au pays. Dans le même temps, le régime s’est montré incapable d’apporter une réponse à la crise humanitaire en devenir. C’est dans ce contexte que l’État islamique a su progressivement monter en puissance sur le territoire après le début du mouvement d’opposition au régime. L’une des clés de l’expansion de l’organisation terroriste a été le contrôle de l’eau, ressource naturelle qui fut et reste utilisée comme véritable arme de guerre par le groupe, souligne Adelphi.
Dans les prochaines années, Adelphi craint qu’un cercle vicieux se mette en place, et que s’accélère l’avènement de groupes armés avec l’accélération du changement climatique. Le cabinet de conseil appelle les responsables politiques à briser ce cercle vicieux, tout en insistant sur le caractère complexe et hybride des organisations terroristes (il n’existe pas une seule cause). En effet, comme suggéré plus haut, ces organisations effacent les lignes traditionnelles entre organisations non-étatiques et États traditionnels, ce qui rend les interventions d’autant plus délicates.
En occident, ces questions nous semblent lointaines tellement nous baignons dans l’opulence et l’accès facilité aux ressources. Mais jusqu’à quand ? Si les changements climatiques se perpétuent à l’avenir sans prendre le virage de la résilience locale dans un cadre de raréfaction des ressources fossiles dont nous dépendons encore largement pour nourrir la population, comment les individus vont-ils réagir en mode survie ? Pour éviter un scénario de fiction à la Mad Max, n’est-il pas urgent de poser ces questions sur la table du débat démocratique ?
Sources : adelphi.de / Vous trouvez notre travail essentiel ? Nous ne dépendons que de nos lecteurs pour écrire. Soutenez-nous avez un simple café symbolique.