Avec son concept d’agriculture urbaine qui repose sur l’idée de faire pousser des pleurotes sur du marc de café recyclé, la coopérative à finalité sociale belge Permafungi dont les locaux se trouvent à Bruxelles, a connu un succès retentissant depuis sa création en 2013. Tel le mycélium de pleurote, les projets de la coopérative foisonnent aujourd’hui et dépassent largement le projet initial, puisqu’aux côtés des pleurotes, des centaines de kilos de chicons poussent désormais dans ces mêmes sous-sols. Dans sa soif d’innover, la jeune équipe voit toujours plus loin et fait actuellement éclore un nouveau projet dans lequel les propriétés des champignons pourraient être utilisées pour fabriquer des meubles modernes et biologiques !
À l’instar de Permafungi à Bruxelles, associations et entreprises veulent faire des villes un nouvel eldorado pour une agriculture urbaine qui s’appuierait sur les nouvelles technologies pour se développer, tout en répondant aux défis locaux, parmi lesquels la « crise de l’emploi » et la gestion des déchets. Pour ces acteurs, les réflexions articulées autour de l’avenir de la production alimentaire sont devenues une opportunité pour penser une nouvelle économie, à la fois sociale, solidaire, locale et respectueuse de l’environnement. C’est dans cet esprit que s’est développée Permafungi, nous explique Caroline Pultz, membre de l’équipe depuis l’année passée. Selon elle, la coopérative affiche la volonté d’entreprendre autrement et s’appuie sur « un réseau de partenaires à travers toute la ville », ce qui accroît la portée des valeurs défendues. Leur secret ? Le champignon !
Du marc de café aux pleurotes
Dans la tentative de pousser cette logique le plus loin possible, Permafungi propose de faire pousser des pleurotes « bio » dans des caves sur un substrat composé de café recyclé et récupéré auprès des restaurateurs de la capitale à vélo, le tout mélangé à de la paille. L’entreprise se félicite ainsi de pouvoir valoriser un « déchet » de manière locale et de participer à son échelle au développement d’une économie circulaire. Pari tenu ? « Pour 5 tonnes de marc de café récupérés par mois, pas moins de 900 kilos de pleurotes sont récoltés ici chaque mois » affirme Caroline Pultz. Les champignons sont ensuite vendus par l’intermédiaire des commerces, marchés et restaurateurs locaux.
Ici, rien ne se perd ! C’est dans le même esprit que Permafungi a lancé la production de chicons avec le substrat précédemment utilisé pour faire pousser les pleurotes, prolongeant d’autant le cycle de vie du « champost ». À ce jour, ce sont 400 kilos de ce légumes qui sont produits chaque semaine.
Le projet doit une partie de sa réussite aux propriétés remarquables du mycélium de pleurote (partie végétative du champignon, généralement blanche et que l’on peut observer en soulevant le tapis de feuille d’une forêt), un champignon « saprophyte » qui se développe à partir de matières organiques en décomposition.
Contrairement aux champignons « parasites », il ne s’attaque donc pas aux êtres vivants (comme le fait le mildiou de la vigne par exemple). Inoculé dans un substrat stérilisé au préalable et dont le PH ainsi que le milieu en présence lui sont favorables (ici le mélange composé de café et de paille), il colonise ce milieu avant de fructifier, créant une masse relativement compacte. Ce sont ces particularités dont Permafungi souhaite désormais profiter à des fins architecturales et de design, aussi surprenant que cela puisse paraître. Un matériau écologique, bio et renouvelable à souhait. La limite est l’imagination !
Des meubles de champignon 100 % bruxellois ?
C’est ainsi que Caroline Pultz expérimente actuellement la possibilité de créer une matière suffisamment solide pour qu’elle puisse construire des meubles, voire des panneaux isolants et des briques en utilisant du mycélium de champignon. Le projet a été développé avec l’aide de Magma Nova, un laboratoire pour une « open bio-based economy ».En Indonésie et outre-Atlantique, des projets similaires ont conduit à des résultats encourageants. L’enjeu est non seulement de pousser encore un peu plus loin la logique de recyclage, mais également de se débarrasser autant que faire se peut du plastique et de ses dérivés de nos quotidiens en le remplaçant par un matériau plus écologique et biodégradable. Comme pour les chicons, ce serait le substrat utilisé pour faire pousser les pleurotes qui servirait de base au nouveau matériau. Après avoir permis de produire du café et de faire pousser des champignons, le marc de café mélangé à de la paille se voit donc offrir une troisième vie.
C’est ainsi que le Lumifungi a vu le jour, un luminaire d’intérieur à l’aspect moderne et épuré et qui respecte autant que faire se peut la volonté de Permafungi « de valoriser le local ». Si l’objet est encore au stade de prototype, Caroline Pultz espère qu’un modèle puisse être mis sur le marché d’ici la fin de l’année et aspire à ce que d’autres projets puissent voir le jour, notamment la fabrication de panneaux isolants.
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