La détermination du sexe des tortues marines dépendent de la température. L’augmentation des températures globales et l’intensification des vagues de chaleur dans leur région de nidification a donc résulté en une explosion de jeunes femelles parmi les naissances de deux espèces de tortue de mer. Alors que nous nous dirigeons vers un monde de plus en plus chaud, les conservationnistes s’inquiètent pour l’avenir de ces espèces marines, et redoublent d’effort pour garantir la sauvegarde de leur population. Présentes dans nos océans depuis le temps des dinosaures, les tortues marines pourraient ne pas survivre à l’anthropocène.

Au cours des quatre dernières années, la quasi-totalité des tortues de mer nées sur la plage de Floride sont nées femelles. La nidification des tortues caouannes enregistrant un fort déclin du ratio mâle-femelle, l’État américain pourrait bientôt les voir disparaitre de ses plages.Cette augmentation des naissances de tortues femelles est le résultat direct de la crise climatique croissante avec l’apparition de vagues de chaleurs intenses et répétitives qui réchauffent considérablement le sable des plages lors de la période de nidification.

Plus alarmant, cette tendance ne semble pas se limiter aux tortues caouannes. Une étude menée en 2018 rapporte un résultat identique pour les tortues marines vertes du récif de la Grande Barrière, en Australie. En effet, alors que la température des plages australiennes n’a cessé de se réchauffer, 99% des éclosions étudiées ont produit des juvéniles femelles.

Tortue caouanne – Flickr

Détermination du sexe en fonction de la température

Contrairement aux vertébrés, dont le sexe est déterminé lors de la fécondation et la transmission des chromosomes sexuels, le sexe des tortues marines est déterminé à partir de la température à laquelle les œufs se développent. Ce phénomène est également observé chez de nombreuses espèces de crocodiles et alligators.

Des recherches scientifiques ont révélé que si l’incubation des œufs d’une tortue marine est inférieure à 27,7° Celsius, les bébés seront de sexe masculin. En revanche, au-delà de 31° Celsius, elles naitront femelles. Entre ces deux extrêmes, la température des œufs en développement produit tant des bébés tortures mâles que femelles.  Ainsi, les scientifiques ont observé que plus la température du sable est importante, plus la proportion de naissance de tortues femelles est élevée.

Une nouvelle technique d’identification de leur sexe

Pouvant vivre plus de 100 ans, leur maturité est particulièrement lente. Par ailleurs, ne présentant pas de dimorphisme sexuel apparent, traits masculins ou féminins, avant l’âge de 25 ans, dans un monde où les températures ne cessent d’augmenter, il devient de plus en plus crucial de pouvoir identifier le sexe des jeunes tortues marines pour assurer la gestion et sauvegarde des populations.

À cette fin, des chercheurs de la Florida Atlantic University (FAU) ont récemment mis au point une technique inédite et peu invasive capable d’identifier le rapport mâle-femelle des populations de jeunes tortues sur les sites de nidification.

Jeune tortue marine – Pixabay

En effet, l’étude de la FAU a révélé la présence de l’hormone « anti-müllérienne » dans le sang des mâles, hormone clé dans le développement des organes sexuels chez les tortues marines. Absentes chez les femelles, les échantillons de sang prélevés chez les nouveau-nés, relâchés immédiatement après le prélèvement, constituent un outil fiable de détermination du sexe de l’individu après éclosion.

Selon les auteurs de cette étude, « cette nouvelle technique pourra aider à estimer comment le changement climatique affectera les futures générations d’éclosions, et permettre une évaluation accélérée des stratégies de gestion nécessaires pour assurer le rétablissement des populations de tortue de mer en danger et autres espèces de reptiles dont la détermination du sexe dépend de la température ».

L’avenir des tortues marines menacé

Parmi les sept espèces de tortues marines qui sillonnent les océans, six sont actuellement menacées ou en voie de disparition, les scientifiques manquant simplement d’information pour se prononcer sur le sort de la septième, la tortue plate d’Australie. Il est estimé qu’environ 1 tortue marine sur 1000 atteint l’âge adulte, le chemin de la maturité étant parsemé d’embûches. Une fois l’âge adulte atteint, ayant très peu de prédateurs naturels, les tortues marines vivent habituellement paisiblement. En effet, à l’exception des requins-tigres et des orques, très peu d’animaux tentent de les manger.

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Hélas, une fois n’est pas coutume, les activités humaines exercent une pression considérable sur le développement fragile de ces différentes espèces de tortues marines. Nous les nourrissons de plastiques, nos bateaux de pêche les capturent accidentellement ou les heurtent, éclatant leur carapaces. Nous menaçons leurs plages de nidification en accélérant l’urbanisation côtière. Nous volons leurs œufs pour les vendre sur le marché noir, tuons les adultes pour leur viande, utilisons leur peau pour fabriquer des bottes et sac à mains, ainsi que leur carapace pour satisfaire nos désirs abjectes de bracelets, lunettes, brosses à cheveux et boîtes à bijoux façonnés à partir de ce précieux matériau.

Rien qu’aux Etats-Unis, près de 250 000 tortues marines sont piégées par des chaluts chaque année. – Crédits : Jordi Chias/WWF/PA

Alors que les menaces sont déjà nombreuses, cette nouvelle tendance observée lors des naissances des tortues de mer pourrait sonner le glas de ces paisibles animaux marins, et plus généralement nous alerter quant aux risques d’inadaptabilité de nombreuses espèces face à l’accélération bien trop rapide des effets du changement climatique.

« Au cours des prochaines années, nous allons assister à une forte diminution de leur population, n’ayant tout simplement plus de diversité génétique suffisante. Par ailleurs, nous n’aurons plus le ratio mâle-femelle nécessaire pour la mise en place de sessions de reproduction réussies », s’inquiète Melissa Rosales Rodriguez, soigneuse à l’hôpital pour tortues marines récemment ouvert au zoo de Miami.

Alors qu’elles parcourent les océans depuis plus d’une centaine de million d’années, espérons que face à la bêtise humaine, elles fassent une nouvelle fois preuve de résilience afin de continuer à traverser les âges.

– W.D.


Photo de couverture : Photo de Marc-André Julien sur Unsplash

 

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