Entre un accès à l’information biaisé, et l’omniprésence du médical conventionnel dans nos vies, l’accouchement en milieu hospitalier est devenu la norme en France et dans la majorité des pays occidentaux. Pourtant, des générations entières d’êtres humains ont été mis au monde dans des environnements bien moins aseptisés. Alors que les hôpitaux subissent un manque de personnel et de places, certains proposent de jeter un regard neuf sur l’accouchement, le rapport de la femme à son propre corps lorsqu’elle s’apprête à donner la vie, et les conditions dans lesquelles celui-ci se fait.

L’accouchement à domicile : plus ou moins répandu selon les pays

Alors que certains pays européens ont intégré l’accouchement à domicile (ou AAD, pour Accouchement Assisté à Domicile) dans leurs politiques familiales et de santé, la pratique reste très rare en France. Une rareté qui s’explique par de nombreux facteurs, notamment psychologiques, et qui fait suite aux développements important des services hospitaliers et de la médecine dans notre société, notamment dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Dans un contexte social et historique différent, cette évolution fut une avancée sanitaire notoire. Mais qu’en est-il dans notre époque moderne ?

Aujourd’hui, en France, ce sont seulement 1 000 à 3 000 accouchements qui se font à domicile chaque année, sur un total de 800 000 naissances par an. Un chiffre très bas par rapport aux proportions constatées dans d’autres pays européens, notamment dans les pays nordiques où ce choix est plus commun et accepté. Aux Pays-Bas, par exemple, le taux d’AAD est de presque 30% — avec une grande majorité de ceux-ci encadrés par une sage-femme. Car la pratique ne se fait évidemment pas sans un minimum d’encadrement. En Grande-Bretagne, l’accouchement à domicile est également inscrit dans les textes, et au cœur du système de soin. Un choix assumé comme un autre. Les femmes peuvent exercer ce choix librement, et en cas d’AAD, les hôpitaux ont l’obligation de pourvoir à leur accompagnement et de leur garantir l’accès à leurs services.

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En France, encore de nombreux obstacles

À contrario, accoucher à domicile reste une pratique minoritaire dans les pays du Sud de l’Europe, dont la France. Si le suivi et l’accouchement assisté à domicile sont entièrement remboursés par la Sécurité Sociale, au même titre qu’un accouchement en milieu hospitalier, les sages-femmes souhaitant le pratiquer se retrouvent confrontées à des barrières administratives et légales hautement dissuasives. En effet, afin de pouvoir exercer, celles-ci doivent se munir d’assurances particulières et très coûteuses (compter environ 20 000 euros par année). Conséquence directe de ces coûts faramineux, en 2011, parmi les 72 sages-femmes déclarant pratiquer l’AAD, seulement quatre étaient assurées. Les autres étaient donc condamnées à exercer en toute illégalité, et prêtes à risquer une amende de 45 000 euros, mais surtout l’interdiction d’exercer.

En outre, un accouchement à domicile coûte aujourd’hui souvent plus cher aux mères faisant le vœu de l’alternative à l’hôpital. En 2012, le Ciane (Collectif Interassociatif Autour de la Naissance) sortait un rapport attestant de l’existence d’une discrimination économique à l’encontre de l’accouchement assisté à domicile, qui a un coût. Remboursées à hauteur de 312,70 €, les sages-femmes le pratiquant se voient dans la nécessité économique d’appliquer des dépassements d’honoraires relativement importants (de 200 à plus de 500 euros). En ce sens, le Ciane définit l’AAD comme une pratique encore tristement réservée aux familles les plus aisées, et d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un accompagnement global sur toute la durée de la grossesse par une sage-femme libérale.

Des mentalités en évolution ?

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Encensé comme la norme dans les médias et à la télévision, l’accouchement en milieu hospitalier apparaît aujourd’hui comme une évidence pour beaucoup de femmes françaises. Pourtant, il est judicieux de rappeler que celui-ci n’a pas toujours existé, et que son caractère systématique est on ne peut plus récent. À l’heure actuelle, encore 90% des naissances qui ont lieu dans le monde se font à domicile. En France, la médicalisation de l’accouchement ne s’est démocratisée qu’après la Seconde Guerre Mondiale.

Aujourd’hui, alors que la lumière est faite sur un service public surchargé, dépassé et en manque de moyens et de personnel, l’AAD apparaît pour certaines comme une solution en rempart aux impératifs de rentabilité et d’efficacité qui ont lieu en milieu hospitalier. Louant l’intimité et le confort regagnés en accouchant chez soi, les femmes qui font le choix de l’AAD sont également séduites par les vertus physiologiques et naturelles de ces accouchements. Contrairement à ce qui est pratiqué en milieu hospitalier, la position allongée n’est en effet pas la plus adaptée à l’expulsion du bébé. Il s’agit avant tout d’assurer le confort de l’obstétricien. Une priorité qui témoigne encore du biais d’autorité qui entoure l’acte, loin de mettre le bien-être de la femme et de l’enfant au centre des préoccupations.

La résurgence des violences obstétricales contribue également à détourner des futures mères d’un accouchement médicalisé, monitoré, et dans certains cas tristement bâclé. Des pratiques comme le déclenchement systématique de l’accouchement (voué à libérer les lits plus rapidement), les épisiotomies non consenties, ou encore l’ignoble « point du mari » témoignent d’expériences négatives qui justifient aujourd’hui la nécessité d’alternatives. Pour que celles-ci aient une chance de voir le jour, il est potentiellement urgent de redonner leur place centrale aux spécialistes que sont les sages-femmes, d’informer, et de donner les moyens aux mères d’opérer un choix réel en toute conscience. Enfin, rappelons qu’accoucher à domicile ne comporte pas plus de risques aujourd’hui qu’un accouchement à l’hôpital. L’encadrement de la grossesse et la possibilité de transferts d’urgence, couplés au fait que seules les grossesses jugées sans risques peuvent en bénéficier, assurent de façon quasi-certaine le bon déroulé de l’opération.


Sources : LeMonde.fr / Ciane.net / Temesira.org / Reportage « Entre leurs mains » / Francetvinfo.fr /  Alternatives.blog.lemonde.fr

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