Depuis un certain temps, la majorité semble s’arroger le droit de fixer unilatéralement ce qui est républicain ou non. Par cette attitude, il poursuit sur la voie de la pensée unique propre au néolibéralisme de Reagan et Thatcher. Décryptage de ce dangereux glissement autoritaire. 

La Première ministre Elisabeth Borne affirmait récemment que le mouvement de Mathilde Panot serait « sortie de l’arc républicain ». Ce n’est pas la première fois que le gouvernement excommunie des élus et personnalités politiques du champ républicain. Un outil efficace aux bords flous pour discréditer toute personne qui remettrait en question l’ordre établi. Mais qu’est-ce que la République ? Qu’est-ce qu’être républicain et le macronisme en a-t-il le monopole ? Explications.

La République comme un totem

La « République » fait sans doute partie de ces mots dont la définition reste compliquée à établir, mais que les politiciens utilisent à tort et à travers. Elle aurait des valeurs fortes, mais un sens dont on peine à définir les contours. Cependant, ce qui est certain, c’est qu’il faut absolument en être membre au risque d’être inaudible.

Toutefois, lorsque l’on parle de République, selon le lieu ou l’époque, on n’évoque pas du tout de la même chose. La grande majorité des pays dans le monde portent d’ailleurs aujourd’hui ce titre. Pourtant, notre régime ne présente-t-il pas plus de points communs avec celui de l’Espagne (Royaume) qu’avec celui de la Corée du Nord (République) ?

Critiquer le système n’est pas antirépublicain

Il est donc aisé de comprendre que cette institution n’est, en réalité, que le reflet de l’intention de ses créateurs. Même en se focalisant sur la France, on ne peut que constater que les systèmes républicains n’ont pas toujours été semblables à travers le temps.

Les gens qui ont fait la première ou la troisième République étaient-ils moins républicains que ceux qui ont fait notre actuelle constitution ? Est-ce que critiquer la cinquième république, basée sur une autorité centrale, est un anti-républicanisme ?

Car, c’est sur ce fondement que le gouvernement attaque ses adversaires. Jouissant de tous les pouvoirs et en capacité d’imposer des réformes de manière non démocratique, il n’hésite pas à exclure du cercle du « raisonnable » tous les individus qui remettraient en cause ce système.

Sois républicain et tais-toi

Au fond, la définition d’un bon républicain selon ce gouvernement, ce serait un individu qui se contente d’obéir sagement à ce que lui dicte l’exécutif et qui ne remettrait surtout pas en cause le système. Vote une fois tous les 5 ans, puis tais-toi.

Pourtant, étant donné l’absence totale de leviers démocratiques dans notre pays (on l’a d’ailleurs bien constaté durant la réforme des retraites), comment réclamer des changements dans un contexte de soumission ? Le propre de la République ne devrait-il pas au contraire être un exercice du pouvoir par le peuple pour le peuple ? À l’inverse, nous faisons plutôt face à un président entièrement au service d’une petite minorité possédante.

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Les donneurs de leçon qui bafouent nos valeurs

Au-delà de ces lois, on pourrait aussi s’interroger sur les valeurs de notre République qui sont censées unir les Français. On pense par exemple à la fameuse devise popularisée par Robespierre : Liberté, Égalité, Fraternité. On peut de même songer à la laïcité au sens de la loi de 1905 – l’idée que chacun est libre de suivre le culte qu’il souhaite – ou au caractère « social » de notre système selon notre constitution. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ceux qui donnent des leçons sont très loin de respecter ces valeurs.

Que dire de la liberté quand de multiples manifestations sont sans cesse interdites bien que ce droit soit pourtant garanti par la constitution ? Même constat lorsque l’on pense à la surveillance de masse mise en place, la répression des opposants ou encore la dissolution des soulèvements de la terre. Où est l’égalité lorsque l’on songe aux nombreuses lois concoctées par ce pouvoir pour toujours plus enrichir les plus aisés et s’attaquer aux plus pauvres ? On ne voit d’ailleurs pas les Macronistes contrôler avec autant de ferveurs les grandes entreprises, aidées par milliards sans contrepartie, que les plus précaires, bénéficiaires du RSA et constamment harcelés.

Tandis que Renaissance (bien épaulé par l’extrême droite) ne cesse de dénoncer la gauche pour sa prétendue connivence avec l’islamisme (alors qu’elle ne fait en réalité que défendre la liberté de culte), c’est en réalité lui qui bafoue le principe de laïcité en le transformant en un athéisme d’État… Ou plutôt en anti-islam d’État, car du côté du gouvernement, on ne brandit la laïcité que lorsqu’il s’agit de parler des musulmans. Emmanuel Macron, qui accepte le titre de chanoine de Latran, avait même poussé le bouchon jusqu’à dire vouloir réparer le « lien entre l’Église et l’État ». En 2021, il avait par ailleurs visité le sanctuaire de Lourdes, une première depuis Pétain.

Nul besoin d’épiloguer sur la « République sociale » tant le pouvoir actuel a passé son temps à bâtir des réformes antisociales : retraites à 64 ans, assurance chômage, loi travail, casse des services publics, privatisations… Le bilan est sans appel.

La fraternité, enfin, est elle aussi bien mal en point avec un exécutif qui ne cesse de monter les plus pauvres les uns contre les autres. Dans un pays à dix millions de citoyens précaires, pour lesquels l’État ne fait pratiquement rien, on peut voir un préfet de police déclarant qu’il n’est « pas dans le même camp » que les Gilets Jaunes. On ne constate guère plus de solidarité chez un président qui méprise les Français et une majorité qui durcit sans cesse le ton face aux immigrés et qui sert la soupe à l’extrême droite.

Gilets jaunes. Pris place de la République, Paris, France. Le 3 août 2019. Fin d’après-midi. Les manifestants des « gilets jaunes » descendent dans les rues de Paris pour la 38e semaine consécutive, pour manifester contre la politique du gouvernement français. Source : Wikicommons

La Macronie ouvre la brèche pour le RN

Le pire dans le comportement du gouvernement qui décrit à l’envi la gauche comme le diable absolu, c’est qu’il rend le RN respectable aux yeux du grand public. D’autant plus qu’il n’a pas de scrupules à distribuer des bons points a son ancien adversaire du deuxième tour des présidentielles.

On a ainsi vu par exemple Gérald Darmanin expliquer que « Le Pen est plus intelligente que Mélenchon ». Dans un esprit similaire, la présidente du palais Bourbon, Yaël Braun-Pivet, encensait Sébastien Chenu (RN), qui n’est pas « un bon, mais un très bon vice-président de l’Assemblée ».

Le parti d’extrême droite n’en demandait d’ailleurs pas tant. En appuyant les propos de l’exécutif, il s’achète son brevet de républicanisme. C’est même sans doute pour cette raison qu’il demeure aussi inactif d’un point de vue législatif. En ne faisant absolument rien et en restant dans la roue du gouvernement, il échappe aux polémiques et tente de récolter les fruits de la crise.

Il est vrai qu’en agissant de cette manière, la majorité espère une nouvelle fois installer l’extrême droite comme adversaire principal en comptant sur le « barrage républicain » pour l’emporter. La stratégie semble pourtant avoir du plomb dans l’aile tant les électeurs de gauche paraissent de plus en plus dégoûtés par ce manège. Toujours est-il qu’il est assez cocasse de voir la Macronie décréter qui mérite le statut de républicain alors qu’elle sert de marchepied à un mouvement fondé par des néonazis et dont les principes sont incompatibles avec notre régime.

Il faut, pour finir, se souvenir qu’à l’aube des législatives de 2022, Emmanuel Macron, en appelant à voter pour son parti, déclarait qu’il ne devait « pas manquer une voix à la République ». Là encore, il montrait son visage autoritaire, affirmant, par là, que tous ceux qui ne trancheraient pas en sa faveur se situeraient de facto à l’extérieur de nos institutions. Quand on sait que près de 75 % des Français ont fait un autre choix que celui de Renaissance, il y a de quoi s’inquiéter pour ladite République…

– Simon Verdière


Photo de couverture : Eugène Delacroix – Le 28 Juillet. La Liberté guidant le peuple. Peinture d’histoire romantique. Commémore la Révolution française de 1830 (Révolution de juillet) le 28 juillet 1830.

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