Depuis déjà quelques décennies, les aliments ultra-transformés ont envahi nos habitudes de consommation. Malgré les sonnettes d’alarme sur les effets néfastes qu’ils ont sur notre santé, de nouvelles techniques poussent toujours plus loin la dénaturation des produits. C’est le cas du craking. Technique issue de la pétrochimie adaptée à l’industrie agroalimentaire, il est aujourd’hui accusé de déséquilibre nutritionnel et même d’augmentation de la mortalité. Il se généralise pourtant en ce moment pour l’industrie alimentaire dans une indifférence collective qui fait froid dans le dos.

Qu’est-ce que le cracking dans l’industrie agroalimentaire ?

En pétrochimie, le craquage désigne le procédé de raffinage qui casse une molécule complexe pour la diviser en éléments plus petits. Cela permet d’isoler certains éléments du pétrole, qui vont servir à la composition d’hydrocarbures plus légers par exemple l’essence. Le problème, c’est que dans la mouvance des aliments ultra-transformés, cette technique a été adaptée pour l’industrie agroalimentaire. Via ces techniques, il est désormais possible, par exemple, de faire du poulet sans aucune trace de viande de poulet, selon un directeur commercial interrogé dans un reportage d’Envoyé Spécial de septembre 2018. Et les possibilités sont pratiquement infinie…

Sur le papier, le processus est ingénieux : les usines agroalimentaires fractionnent des aliments non-transformés, pour obtenir de nombreux ingrédients sous forme de poudre ou de sirop. Par exemple, un blé va être divisé entre le germe, le son et l’amidon. Puis, le germe lui-même peut être divisé en protéines et en fibres, et ainsi de suite jusqu’à 10 ou 20 fois. Ainsi simplifiés, ces résidus sont additionnés à la préparation d’aliments pour en modifier la texture, le goût et même la couleur.

Ces aliments ultra-transformés par le craking se retrouvent aujourd’hui dans un grand nombre de produits qui font partie de notre vie quotidienne. Entre autres, on les rencontre dans les céréales pour enfants, les plats préparés, les barres chocolatées, le poisson pané, les nuggets de poulets, les confiseries, les biscuits, les chips, les pizzas surgelées, les nouilles instantanées, et même dans des aliments présentés comme meilleurs pour la santé tels que la margarine ou les steaks végétaux.

Image par Cindy Kalamajka sur Freeimages

Déséquilibre nutritionnel et mortalité précoce

Le produit final du craking est donc un aliment ultra-transformé, composé de l’addition d’éléments séparés de leurs produits d’origine. Anthony Fardet, auteur du livre Halte aux aliments ultra transformés et déjà interrogé par Mr Mondialisation en mai 2018, explique le danger que peut représenter ce type d’alimentation qu’il qualifie de « réductionnisme nutritionnel ». La séparation et la recombinaison d’ingrédients réduisent ce que nous mangeons à une suite de nutriments additionnés les uns aux autres. Or, l’apport nutritif est bien plus complexe que cela.

Chaque produit naturel que nous consommons est une matrice complexe composée de centaines de nutriments en interaction les uns avec les autres. En pratiquant le craquage, les agroalimentaires livrent des plats qui ne comblent pas les besoins nutritionnels dont a besoin un adulte ou un enfant. Pire encore, leurs emballages colorés affichent les compléments alimentaires ajoutés pour contrebalancer le déséquilibre, comme du phytostérol ou des oméga-3. Au final, ces produits sont enrichis en sucre, en sel et en gras ; ils n’apportent aucun bienfait à la santé, et peuvent même se montrer délétères à long terme.

Image de Scasha sur Freeimages

Les effets néfastes de la consommation régulière de produits issus du craking ne se limitent malheureusement pas à un déséquilibre nutritionnel. Ils seraient aussi à l’origine d’un accroissement de la mortalité causée par des maladies graves, comme le cancer. Une étude française de février 2019 a observé qu’une augmentation de 10 % de la proportion d’aliments ultra-transformés dans les habitudes de consommation était associée à 14 % d’augmentation des décès. Dans 1 cas sur 3, cette hausse de mortalité est due à un cancer. C’est une étude de plus qui vient appuyer les résultats de nombreuses autres sur le lien établi entre les aliments ultra-transformés et le cancer, mais aussi le syndrome du côlon irritable, l’hypertension et l’obésité.

Quelques astuces pour échapper au craking

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Les aliments ultra-transformés et soumis au craking ne sont pas toujours faciles à repérer. Anthony Fardet donne quelques conseils pour s’en préserver. Il préconise un minimum de 85 % de calories d’origine végétale et un maximum de 15 % d’aliments ultra-transformés. Les produits qui contiennent plus de 5 ingrédients sont aussi à proscrire. Pour guider nos choix pendant nos courses, il existe des applications qui permettent de scanner les denrées pour indiquer s’ils sont ultra-transformés ou non. Citons Open Food Facts, une base de données libre et collaborative qui répertorie les ingrédients, la composition nutritionnelle et d’autres informations pertinentes présentes sur les étiquettes. Il existe aussi ScanUp qui liste le profil nutritionnel des aliments scannés, et affiche les additifs à risque, les ingrédients dénaturés ou purifiés, les sucres cachés ou encore les modes de production et le type d’emballage. Pourtant, ces instruments ne sont pas toujours suffisants pour détecter les aliments craqués.

Image par Jerzy Gorecki sur Pixabay

La méthode la plus sûre pour s’en préserver, c’est encore de consommer des produits les moins transformés possible, voire pas du tout. C’est à dire, le choix d’une alimentation la plus naturelle et fraîche possible. Anthony Fardet propose d’appliquer la règle des trois V pour remplir nos besoins nutritionnels en toute simplicité : végétal, vrais et variés. À titre d’exemple, une chips composée d’éléments ayant subi du craking est ultra-transformée, une purée avec de la pomme de terre écrasée mélangée à du beurre et du sel est transformée, alors qu’une pomme de terre seule est un aliment vrai. De cette façon, il est aussi préférable de faire des choix bios, locaux et de saisons, bénéfiques autant pour la santé que pour l’environnement et l’amélioration de la condition animale.

À ce jour, la législation étant relativement laxiste et certainement favorable aux industriels de l’alimentaire, c’est à l’individu de faire des choix éclairés pour s’assurer une vie en bonne santé le plus longtemps possible. C’est d’autant plus vital pour les enfants qui doivent uniquement compter sur l’intelligence de leurs parents. Car dans la plupart des cantines de France, en dépit d’avancées timides, les logiques dominantes restent à l’alimentation la moins chère sur le marché, donc industrielle et transformée…


Sources :

Fardet, A (2017). Halte aux aliments ultra transformés ! MANGEONS VRAI. Editions Thierry Souccar, 256 pp. ISBN : 978-2-36549-242-3

Fardet A, Rock E (2016). Vers une approche plus holistique de la nutrition. Les Cahiers de nutrition et de diététique, n° 51, volume 1, janvier 2016.

C.G.


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