En dépit de la crise écologique profonde qui menace notre capacité d’existence sur terre, tout le monde n’adopte pas (encore) un comportement éco-responsable. Les raisons sont multiples : manque d’intérêt, je-m’en-foutisme, dissonance cognitive, le manque d’alternative, la croyance que les gestes individuels ne servent à rien. Mais d’après une récente étude, une autre raison surprenante apparaît : la peur que notre orientation sexuelle soit remise en question ! L’écologie serait profondément stéréotypée. Explications.

Une étude de 2016 mené par Aaron Brough de l’université d’état de l’Utah annonçait déjà la couleur : la plupart des comportements écologiques sont perçus comme étant largement féminins. En effet, dans l’imaginaire de certains, l’écologie serait une notion liée aux rythmes paisibles de la nature, à la maternité ou encore à la poésie. Une idée issue d’un stéréotype de genre aboutissant à ce qu’une partie des hommes craignent que leur masculinité soit remise en question et délaissent donc la responsabilité écologique aux femmes pour un certain nombre de tâches (principalement ménagères). Par réaction, ceux-ci vont au contraire renforcer des stéréotypes masculinistes, en niant par exemple la réalité du réchauffement climatique.

Ce rapport s’appuyait sur une série de sept études démontrant le lien entre les concepts d’écologie et de féminité sur le plan cognitif. Et par conséquent que les consommateurs qui adoptent des comportements écologiques sont stéréotypés par d’autres personnes comme étant plus féminins et d’ailleurs eux-mêmes se perçoivent comme plus féminins.

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Les activités ménagères sont encore largement féminines.

Une nouvelle étude dirigée par Janet K. Swim, psychologue de l’université d’état de Pennsylvanie, confirme que ces stéréotypes sont toujours d’actualité en 2019. Avec comme découverte supplémentaire qu’une personne, homme ou femme, adoptant un comportement écolo qui ne correspond à son stéréotype de genre peut conduire les gens à s’interroger sur son orientation sexuelle et les inciter à ne pas sociabiliser avec elle. En d’autres termes, s’associer à l’écologie peut vous éloigner de certains cercles sociaux.

Une conclusion étonnante à laquelle Janet Swim et son équipe ont abouti après avoir mené trois expériences avec des participants extérieurs. Lors de la première, 170 participants choisis en ligne devaient évaluer un personnage fictif, David ou Diane, qui effectuait quotidiennement plusieurs activités respectueuses de l’environnement. Soit des activités typées « féminines » (selon le stéréotype dominant) comme le recyclage ou typées « masculines » comme le calfeutrage des portes et des fenêtres ou typées « neutre » comme payer des factures en ligne ou éteindre la climatisation.

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L’entretien de la voiture, cette tâche jugée masculine…

Les participants devaient ensuite juger la sexualité de David et Diane. Et dans la majorité des cas, ces personnages fictifs ont été perçus comme davantage comme féminins. Et lorsque David effectuait des activités « féminines », les participants « étaient incertains de son identité hétérosexuelle » rapporte les chercheurs. De même lorsque Diane effectuait des activités « masculines » ! Des résultats qui ont été confirmés par deux autres expériences où les chercheurs ont pu aussi noter que les hommes évitent les activités typées féminines.

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Pour Janet Swim, son étude nous montre que les comportements écologiques ont une portée plus étendue que leur but principal. Ils permettent également de renvoyer un message au sujet de la personne qui les tient et qui est susceptible d’influencer l’attitude des gens autour d’elle. Grâce à un panel de 303 personnes à qui il a été demandé quel type de personne les attirait pour parler écologie, les chercheurs ont remarqué que les hommes ne se dirigeaient pas vers une femme qui n’est pas clairement hétérosexuelle. Quant aux femmes, elles préfèrent interagir socialement avec des femmes. Une décision en partie guidée par leur intérêt commun pour les comportements écolos jugés comme majoritairement féminins.

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Quelle leçon tirer de ces constatations ? Principalement que le poids d’un certain sexisme envers l’écologie vu comme féminine est indiscutable. Elle agit globalement comme repoussoir envers une partie des hommes, moins enclins à adopter des comportements respectueux de l’environnement de peur de voir leur virilité et hétérosexualité remises en question. Il est d’ailleurs intéressant de constater que dans les mouvements réactionnaires, la négation de la crise climatique s’accompagne également de propos masculinistes et d’un rejet radical du féminisme.

Une situation à laquelle les associations, les politiques et les militants écologiques doivent s’attaquer pour que l’écologie ne se résume plus en premier lieu à l’image qui est renvoyée de soi, les enjeux au niveau planétaire étant infiniment plus importants que la peur de passer pour un gay

S. Barret


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