Une étude de l’INRA (Institut National de Recherche Agronomique) publiée dans Scientific Reports en 2017 suggère un lien entre le dioxyde de titane, un additif alimentaire, et plusieurs maladies, dont le cancer du côlon chez le rat. Depuis, 25 nouvelles études ont été publiées au sujet de cet additif, avec des indications souvent similaires. Deux ans plus tard, où en sommes nous ? Retour sur cette étude et ses conséquences.
Présent dans nos cosmétiques, nos peintures, mais aussi notre alimentation, le dioxyde de titane est depuis quelques temps sous les feux de la rampe. Dans l’agroalimentaire, on le surnomme « E171 », et on le retrouve notamment abondamment dans les confiseries pour enfants. D’origine minérale et parfaitement naturelle, on le retrouve sous forme de micro et nanoparticules dans nos aliments où il joue le rôle de pigment blanc. Il va notamment être utilisé pour nuancer d’autres pigments, ou pour rendre une surface bien brillante. Son utilité est essentiellement esthétique. Son innocuité ayant déjà été questionnée par le passé, l’INRA a récemment jetté un nouveau pavé dans la mare et suggère que l’exposition à ces nanoparticules par voie orale chez le rat pourrait être liée à plusieurs maladies, et ce à des concentrations similaires à celles auxquelles l’humain est exposé.
Après exposition par voie orale pendant une semaine, des nanoparticules ont été retrouvées dans plusieurs tissus et organes comme le foie (signifiant que les nanoparticules passent bel et bien la paroi intestinale vers le sang), et les plaques de Peyer. Ces dernières font partie du système immunitaire associée à l’intestin, et sont donc directement impliquées dans la réponse immunitaire locale. À cet endroit, les chercheurs ont relevé également une augmentation du nombre de cellules dendritiques (impliquées dans la réponse immunitaire) et la diminution des lymphocytes T régulateurs qui ont pour rôle de tamponner la réponse inflammatoire. Ce déséquilibre immunitaire persiste jusqu’à 100 jours après exposition. Au niveau de la rate, les auteurs ont observé une réponse inflammatoire avec présence de lymphocytes T auxiliaires 17 dont la prolifération serait impliquée dans nombre de maladies auto-immunes.
Des expositions de plus longue durée ont aussi été réalisées. Ainsi, pour les rats exposés 100 jours au dioxyde de titane, plusieurs anomalies ont pu être observées : des micros inflammations ; des lésions prénéoplasiques (signe d’un possible développement cancéreux) ; et des anomalies dans la muqueuse, indicatrices de cancer (foyers de cryptes aberrantes).
Ainsi, pour des expositions relativement courtes et à des concentrations similaires à celles que nous sommes susceptibles de rencontrer au quotidien, les chercheurs ont pu démontrer des effets non négligeables, in vivo, et surtout sur un modèle au système digestif assez proche de l’homme. Cette étude soulève donc un problème sanitaire et nous met en garde face à ce type d’ingrédient aujourd’hui largement consommé.
Suite à la parution de cette étude, le gouvernement a saisi l’ANSES (L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) afin de pousser les recherches pour déterminer une éventuelle toxicité chez les consommateurs. En avril 2017, l’agence publie un avis en réponse : bien que l’étude de l’INRA mette en lumière des effets jusqu’alors inconnus, l’institution estime qu’il faudra effectuer des études complémentaires pour déterminer si oui ou non la toxicité du dioxyde de titane mérite d’être réévaluée par l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments). Pourtant, le 4 juillet 2018, après avoir étudié quatre publications scientifiques, l’EFSA annonce que malgré les résultats de ces études, le statut du E171 ne mérite pas d’être réévalué. Néanmoins, sur base du principe de précaution, le gouvernement a interdit l’usage du E171 dans les aliments à partir de janvier 2020. Cependant, on pourra encore retrouver l’additif dans les cosmétiques, les dentifrices ainsi que les médicaments.
Dans un contexte de méfiance croissante vis-à-vis des additifs et produits phytosanitaires, le dioxyde de titane est une goutte d’eau supplémentaire dans un océan d’additifs agroalimentaires douteux. On estime que l’additif est utilisé par 252 marques alimentaires dans des milliers de produits. Selon Que Choisir, entre 4000 et 5000 produits seraient concernés. Des études complémentaires nous diront bientôt si oui ou non nous devons bannir définitivement le E171 de nos salles de bains et de nos assiettes.
Consultez maintenant la liste des marques et produits contenant du E171
Source : BETTINI, Sarah, BOUTET-ROBINET, Elisa, CARTIER, Christel, et al. Food-grade TiO 2 impairs intestinal and systemic immune homeostasis, initiates preneoplastic lesions and promotes aberrant crypt development in the rat colon. Scientific Reports, 2017, vol. 7, p. 40373.