Dans un thriller percutant, se révèle l’ampleur du scandale des algues vertes en Bretagne. Avec les traits de Céline Sallette, est retracé le parcours admirable d’Inès Léraud, journaliste française dépêchée sur les Côtes-d’Armor, enquêtant depuis plusieurs années sur les causes et conséquences des marées vertes ayant cours dans la région. Grâce à une intrigue bien ficelée aux multiples rebondissements et à un enjeu cruellement actuel, le film adapté de la bande dessinée Algues vertes, l’histoire interdite, convainc et, plus encore, mobilise.
Bretagne, été 2015. Inès Léraud, journaliste d’investigation, atterrit un peu par hasard dans la région. Des témoignages intrigants les y ont amenées, elle et sa compagne : plusieurs morts suspectes auraient été enregistrées dans les environs. Des animaux, comme des sangliers ou de chevaux, mais aussi des hommes. Leur point commun ? La présence envahissante d’algues vertes, sur les plages et sur les rives des affluents. Mais aussi cette puanteur qui s’en dégage, une odeur putride.
Danger mortel sur les plages
Et pour cause : si les algues vertes ne représentent aucun danger pour la santé lorsqu’elles sont en mer, la fermentation engendrée par leur décomposition une fois échouées produit du sulfure d’hydrogène (H2S), un gaz potentiellement mortel pour l’homme comme pour l’animal.
Depuis les années 1970, les végétaux marins envahissent les littoraux bretons, leur croissance étant favorisée par la présence des nutriments dont elles se nourrissent, notamment l’azote et le phosphore. Malgré les persistances des pouvoirs publics à lutter contre le phénomène au moyen de solutions courtermistes comme le ramassage systématique des algues sur les plages, des associations locales dénoncent les effets des élevages intensifs particulièrement nombreux en Bretagne.
La Bretagne occupe le premier rang de la production porcine
En 2019, on dénombrait en effet plus de 7,6 millions de porcs sur le territoire, soit deux fois plus que le nombre d’habitants de la région. Les lisiers, particulièrement riches en azote et en phosphore, s’infiltrent dans les terres et les cours d’eau, avant de rejoindre la mer pour nourrir les algues vertes qui prolifèrent.
Au fil des indices et des rencontres, la journaliste dresse ainsi le portrait d’une Bretagne au teint verdâtre, malade : les élevages de porcs démesurés, les agriculteurs en détresse, les rouages de l’agrobusiness, la pollution, les morts…et le silence, l’omerta.
Les intérêts de l’industrie agroalimentaire semblent plus forts que tout dans cette région. Rien de plus normal, chacun connait quelqu’un qui vit de l’élevage ou de la coopérative. Un mari, une soeur, un ami… Même les élus et les autorités sanitaires semblent devoir se taire, jouer le jeu pour ne pas risquer de le perdre.
Une abnégation sans failles
Envers et (presque) contre tous, Inès Léraud s’efforce tant bien que mal de dérouler le fil d’un scandale sans précédent, un scandale qui coûte la vie d’individus, qui détruit des écosystèmes, mais qui ne fait aucun bruit. Elle s’appuie petit à petit sur un réseau d’acteurs engagés dans ce combat local pour le faire reconnaître au niveau national et enfin tenter de réveiller les consciences et d’activer des changements de pratiques.
Dans ce thriller dramatique aux tenants sociaux et environnementaux très actuels, le parcours et le travail acharné d’Inès Léraud forcent le respect. Si la lutte n’est pas encore gagnée, la journaliste signe dès 2019 une bande dessinée retraçant les hauts et les bas de cette dernière aux côtés de Pierre Van Hove. Intitulée Algues vertes, l’histoire interdite, elle inspirera profondément le long métrage dont Inès Léraud est également co-réalisatrice avec Pierre Jolivet.
Fort de son succès, le film mobilise
Sorti en salle le 12 juillet dernier, le film crève l’écran et totalise près de 350 000 entrées sur le territoire français, particulièrement en Bretagne où la population se sent concernée. Suivi de nombreux débats et tables rondes, il épouvante autant qu’il mobilise, comme le raconte André Ollivro, un des lanceurs d’alerte mis en avant par le film, au Télégramme :
« j’ai été très agréablement surpris. Bien qu’il n’ait pas pu retracer l’intégralité du combat de notre association, il est fidèle à l’histoire que nous avons vécue, avec une bonne dose de suspens ».
Pour cet habitant breton, le travail de la journaliste s’est avéré payant et la diffusion du long métrage l’est encore plus : « Le film acte un tournant, il met en lumière les réalités de l’agrobusiness et toutes ses conséquences. Plus rien ne sera jamais comme avant ». Le même été, de nombreuses actions de sensibilisation publique sont organisées dans différents endroits de Bretagne, comme sur les plages du Moëlan-sur-Mer ou de Locquirec.
Aujourd’hui, il n’est pas trop tard pour prendre connaissance de l’enjeu incontournable des marées vertes. Les algues vertes est disponible, dès ce 21 novembre, en Blu-Ray et DVD distribuée par BlaqOut, accompagné du court-métrage Mona Lisier, pointant cette fois-ci la focale sur une autre conséquence de l’agriculture intensive en Bretagne.
– L.A.
Photo de couverture : Crédits : Haut et Court