L’interdiction de l’utilisation du « Bisphénol A » vient à peine d’entrer en vigueur en France que des chercheurs tirent déjà la sonnette d’alarme : les remplaçants ne seraient pas beaucoup mieux sur le plan la santé.
Quasi-identique mais légal
L’information publiée le 16 janvier n’a pas fait grand bruit dans l’actualité française en raison des récents évènements médiatiques. Elle n’en est pas moins capitale. Selon l’équipe du CEA/Inserm menée par René Habert, les tests sur le bisphénol S et le bisphénol F démontrent que leur effet sur l’organisme serait très similaire au BPA (publication). Conclusions qui viennent confirmer l’étude canadienne similaire publiée très récemment dans les Actes de l’Académie des sciences américaine (PNAS). Ces composants alternatifs remplaceront pourtant le BPA tant critiqué.
Une découverte difficile à avaler alors que le Bisphénol A est interdit depuis 2011 dans les biberons en plastique, depuis 2013 dans les contenants alimentaires des 0 à 3 ans et depuis 2015 dans toutes boîtes ou bouteilles à usage alimentaire. L’industrie s’adapte toujours en ce moment même à ces interdictions en usant, notamment, de ces autres bisphénols.
Malgré une structure chimique proche du BPA, ces alternatives n’avaient jamais été testées chez l’homme jusqu’ici. Il n’existe aucune règlementation en la matière car ils sont considérés comme « à part » du fait de leur légère différence structurelle. Que faire si ces alternatives ont le même niveau de « perturbateur endocrinien » que leur cousin incriminé ? Jusqu’à quand vont-ils bénéficier de cette impunité légale ?
Image : wikimédia
Le système hormonal touché
Pour étudier les effets des BPS / BPF, les chercheurs ont appliqué le même procédé que pour le BPA. Des cellules de testicules de fœtus mâle cultivés in vitro furent exposées aux différents composés.
Les travaux ne laissent pas de place au doute. Leurs résultats, publiés dans la revue «Fertility & Sterility», indiquent une réduction de la production de la testostérone par les testicules. L’hormone mâle est directement touchée par les différents Bisphénols. Elle joue pourtant un rôle capital dans le développement des organes de l’enfant, notamment ses organes génitaux et provoque soit des stérilités, soit des défauts de masculinisation.
Le corps d’une femme enceinte qui absorberait des bisphénols via des produits de consommation peut les transmettre à son enfant. Le docteur Habert précise que le fœtus n’est absolument pas protégé, le bisphénol pouvant traverser la barrière placentaire facilement.
Les chercheurs canadiens, quant à eux, vont jusqu’à observer une perturbation du développement cérébral chez des poissons zèbres in vivo. Comment connaître l’effet exact sur l’homme ? Pour l’industrie et ses lobbies, pas de soucis. Le BPA serait fondamental au bien-être humain, en témoigne cette petite vidéo de propagande communication sur les bienfaits du bisphénol, réalisée par BPA Coalition, un lobby défendant l’intérêt des industries sur cette question.
Opacité industrielle
Si le bisphénol S et F ne seront pas les seules alternatives, il demeure difficile de déterminer les utilisations actuelles et/ou futures de ces produits. Les compositions de certains produits sont de l’ordre du secret industriel et les producteurs n’ont pas l’obligation légale de les fournir, estime René Habert. On sait cependant que le BPS est un composé possible du polyéthersulfone. On le retrouve dans les biberons, la vaisselle pour enfants, les appareils et accessoires médicaux, les installations d’eau chaude ou bien encore les tickets de caisse. Autant dire que le Bisphénol, sous ses différentes formes, est présent un peu partout dans les produits industriels et dérivés.
«Cela serait dépourvu de bon sens d’échanger un danger sanitaire pour un autre» conclut le chercheur dans son article. Les scientifiques réclament d’urgence de plus amples études sur les dangers sanitaires des substituts au BPA.
Source : L’Obs / sante.lefigaro.fr