« Méga prison » de Haren : manque de transparence troublant pour un projet public-privé

Alors que le chantier de la Prison de Haren, en périphérie de Bruxelles, bat son plein, le webmédia belge Tout va bien sort sa première enquête qui illustre à quel point les contrats qui lient l’État et le consortium de grandes entreprises chargées de la construction, Cafasso, est opaque. Et relance le débat à propos de l’opportunité des partenariats public-privé (PPP).

En mars 2018, notre équipe se rendait sur le site de la futur « mégaprison » de Haren, en périphérie de Bruxelles. Là-bas, le Gouvernement fédéral belge prévoit depuis le début des années 2010 la construction d’une prison géante de 1190 places. L’argument martelé : le manque de places dans les établissements pénitentiaires du pays et les mauvaises conditions dans lesquelles les prisonniers sont détenus.

Mais des groupes de citoyens convaincus que cette construction ne répond pas à une nécessité s’organisent. Selon eux, une autre politique carcérale est possible dans le pays et le projet contribue à la bétonisation d’un espace vert devenu rare. Le terrain visé, au milieu d’une périphérie déjà très dense, n’est certes pas exceptionnel en termes de biodiversité. Mais ne faut-il pas justement freiner la frénésie de la construction ? C’est la question qu’évoquent les militants. En effet, si l’idée même de construire une « mégaprison » suffit à cristalliser les critiques, c’est également le souhait de bétonner cet espace vert vierge de toute construction qui pose question. Difficile de ne pas être surpris par le paradoxe, alors que tout le monde semble aujourd’hui d’accord sur la problématique de l’étalement urbain et du recul général de la biodiversité qu’il entraîne. Dans les faits, rien ne semble arrêter les projets de ce genre dont les promoteurs trouvent toujours le bon motif.

Zad de Haren en mars 2018. Photo : Mr Mondialisation
Zad de Haren en mars 2018. Photo : Mr Mondialisation

Les militants espéraient alors que puisse émerger un autre avenir pour les presque 18 hectares de terres concernées. Entre 2010 et 2018, leur combat a été rythmé par les manifestations, les tentatives d’installer une ZAD ainsi que les nombreux recours juridiques introduits pour empêcher que le projet de construction puisse aboutir. Mais malgré tous leurs efforts, le chantier a débuté début 2019, et ce en dépit d’un avis défavorable rendu par le Conseil d’État.

Tout va bien nous fait désormais découvrir une autre facette de ce dossier, cette fois-ci du point de la vue du contrat qui régit la construction de l’imposant complexe. Le collectif s’est rendu auprès des élus et techniciens en charge du dossier. Entre conflits d’intérêts, dossiers introuvables et responsables qui ne souhaitent pas se prononcer sur le sujet, ils exposent un dossier opaque à propos duquel les informations importantes ne peuvent pas être consultées. Au fil de leurs recherches, les journalistes vont aller de surprise en surprise.

Ainsi, ils auront la plus grande difficulté à mettre la main sur le contrat qui lie l’État, la Régie des bâtiments et le consortium d’entreprises chargées de la construction de la prison. S’ils arrivent finalement à obtenir ces documents, en dépit de leurs efforts répétés, ils n’accéderont pas aux clauses les plus importantes, c’est-à-dire aux données chiffrées, rendues volontairement illisibles sur les pages transmises. Selon la Régie des bâtiments, cette pratique n’est pas anormale, le partenaire privé ayant le droit de conserver ces éléments. Étrange, alors que de l’argent public est en jeu.

La situation est d’autant plus gênante que parmi les multinationales impliquées dans le consortium figurent des noms d’entreprises qui étaient pointées en raison de leur mauvaise gestion d’infrastructures liées au service public, notamment en Angleterre. C’est le cas de la société Macquarie, société responsable entre 2006 et 2017 de la gestion de l’eau potable et des eaux usées à Londres. En 2013 elle sera accusée, entre autres, de rejeter des eaux non traitées directement dans la Tamise.

L’important travail réalisé par Tout va bien n’est qu’un début, puisqu’il ne permet pas de faire la lumière sur l’ensemble des dessous du contrat. En revanche, il montre l’opacité importante qui a entouré ce partenariat-public-privé, et pousse à s’interroger à propos de la nécessité d’imposer la transparence concernant ce type de procédure où de l’argent du contribuable est abondement injecté dans un projet critiqué.

Pour visionner l’ensemble du documentaire du webmédia Tout va bien, ici. Leurs sources peuvent être consultées sur leur site.

Crédit image : tout va bien

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