Pizzas industrielles : derrière les prix cassés, l’enfer alimentaire (Reportage)

Le plus gros des pizzas mangées en France est fabriqué en usine par des machines. Mais peut-on tout de même se faire plaisir en mangeant une pizza industrielle ? C’est ce qu’interroge l’enquête réalisée par Sophie Romillat dans laquelle elle nous expose l’envers du décor de la fabrication de ce plat tant apprécié.

« La pizza industrielle a envahit la table des français ». Un engouement qui a non seulement pour cause l’identification de ce plat à la cuisine italienne, mais aussi son côté bon marché et facile à cuisiner. Mais derrière le succès intemporel de la galette de pâte à pain garnie, désormais emballée sous plastique, se trouve une lutte commerciale acharnée dont les industriels sont devenus les principaux acteurs. Pour convaincre les consommateurs dont l’un des critères d’achat est souvent celui des petits prix, les fabricants redoublent d’ingéniosité afin de rester concurrentiels. Pas d’autres choix : il faut externaliser les coûts ! Leur principal levier ? Les ingrédients et leur qualité…



Une production déconnectée du sens de la cuisine


Ah, qui n’a jamais apprécié une bonne pizza préparée avec amour et cuite au feu de bois… Aujourd’hui, c’est pourtant une rareté. La très large majorité des pizzas consommées sortent des usines. Pour comprendre comment les fabricants arrivent à baisser leurs prix, Sophie Romillat nous emmène, de Florence à Paris, découvrir les coulisses de la fabrication des pizzas industrielles. Dans les usines, les recettes sont calculées au gramme près et une chasse minutieuse au gaspillage est organisée afin de maîtriser les coûts de production et éviter la moindre perte. L’automatisation et les achats en gros sont autant de techniques pour limiter les frais.

Mais ces méthodes ne suffisent pas lorsqu’on veut proposer une pizza à environ 2 euros (parfois 1!), le prix que dépensent en moyenne les Français et Françaises pour une pizza. Ainsi, nous montre la réalisatrice, plus les prix des pizzas sont cassés, plus la proportion de pâte par rapport à la garniture a tendance à augmenter. Pire, si les étiquettes nous ne informent que rarement à propos de la provenance des ingrédients, elles illustrent en revanche la tendance des industriels à utiliser des produits de basse qualité, de provenance étrangère ou ultra-transformés.

Faut-il alors s’étonner de retrouver sur les pizzas des sauces à base de concentrés dilués avec de l’eau ? Des ingrédients qui n’ont du fromage que l’apparence, mais qui sont en réalité fabriqués à partir de protéines végétales hydrolysées ? On donnera au tout plus ou moins l’apparence d’une pizza. En tous cas, les publicités alléchantes nous ferraient presque oublier qu’il s’agit de tout sauf de pizzas au sens propre. Car nous sommes ici à des années lumière de la fameuse pizza napolitaine faite main à partir de produits locaux… De la machine à la bouche, nous nous alimentons comme nous produisons : de manière froide, mécanique et fade.


Le combat pour le local et le fait main

Car force est de constater, l’industrialisation de la pizza conduit principalement à éclater les circuits de production, parfois aux quatre coins du monde, puisque certains industriels vont jusqu’à chercher leur sauce tomate en Chine afin de pouvoir casser les prix. La rupture totale entre l’image du produit (via la publicité et le packaging) et sa structure réelle offre le champ totalement libre aux industriels. La mondialisation de notre alimentation conduit à ce que des produits alimentaires parcourent des distances de plus en plus importantes avant de terminer dans nos assiettes, sans pouvoir garantir leur qualité.

Selon une étude de la Direction générale de l’agriculture et de l’environnement wallon, une seule pizza hawaïenne parcourt ainsi au total jusqu’à 21.000 kilomètres lorsqu’elle n’est pas produite à partir d’ingrédients locaux… Et tout ceci dans un parfait mépris de la crise climatique. Car si les effets d’échelle permettent de rendre négligeable le coût économique de ces déplacements, la pollution est bien réelle. Leur empreinte carbone s’en voit considérablement augmentée, si bien que les circuits économiques en place contribuent aux pollutions environnementales globales. Si consommer local ne suffit pas, les produits locaux pouvant être issus de l’agriculture conventionnelle (on remarquera à ce titre que, dans une logique commerciale, les acteurs du secteur alimentaire sont désormais nombreux à entretenir volontairement une confusion entre « local » et « bio »), une réflexion à propos des circuits d’approvisionnement est indispensable si nous voulons réduire les émissions globales de gaz à effet de serre. Alors peut-être que le meilleur moyen de manger des pizzas éthique reste de les préparer soi-même à la maison ou de s’adresser à des pizzaïolo professionnels et consciencieux.

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