En ce moment même, l’équivalent d’un semi-remorque de plastique est déversé dans les océans… chaque minute ! et la situation ne fait qu’empirer. La fondation de la navigatrice Ellen MacArthur tire la sonnette d’alarme. À ce rythme, il y aura bientôt autant de résidus de plastiques dans les océans que de poissons.
L’information surprenante a été révélée lors du Forum Économique de Davos cette semaine dans un rapport de la Fondation Ellen MacArthur. Si aucune mesure drastique n’est prise rapidement par les décideurs et les acteurs économiques, les déchets plastiques viendront à dépasser en poids la population piscicole qui peuple les océans. Ceci est la conséquence inévitable d’un double phénomène. D’un côté les stocks de poisson se raréfient inexorablement sous le poids d’une pèche industrielle non durable. De l’autre, la demande en plastique augmente chaque année en dépit du bon sens que nous impose la crise écologique globale.
Selon le rapport présenté au gueuleton annuel des puissants, dans la fameuse station de ski Suisse, nos « futurs plastiques » devraient consommer jusqu’à 20% de la production brut de pétrole d’ici les 35 prochaines années. Car en dépit du recyclage, des actions de nettoyage ou des grands projets de filtration des océans, la situation va en s’aggravant pour nos océans. Ces bonnes actions, plus que nécessaires, ne suffisent pas à contrebalancer notre appétit pharaonique et grandissant pour ce dérivé de pétrole. À ce jour, à peine 14% de tout le plastique produit est trié, pour 2% concrètement recyclé. Une quantité équivalente est brulée pour générer de l’énergie. Le document précise également que 40% de tout le plastique termine sa route dans une décharge. Enfin, 32% du plastique se perd directement dans l’environnement pour se disperser ensuite dans les cours d’eau jusqu’aux océans.
Croissance oblige, la production de plastique dans le monde a été multipliée par vingt depuis les années soixante pour atteindre les 311 millions de tonnes en 2014. Le rapport estime, sur base de projections crédibles, que la production de ces polymères artificiels risque de quadrupler d’ici 2050, dépassant vraisemblablement le milliard de tonnes annuel. Une estimation tout à fait plausible, les ressources fossiles le permettant allègrement. « Dans un scénario de type « business-as-usuel », les océans devraient contenir une tonne de plastique pour trois tonnes de poisson vers 2025, et en 2050, le plastique dépassera la quantité de poissons (en poids) » précise le rapport.
Rien de neuf sous l’océan…
Le fait n’a rien de nouveau. L’inquiétude collective quant à cette « fuite » massive de plastique dans les océans a gagné l’opinion publique depuis plusieurs années déjà. En témoigne, notamment, cette vague de soutien sans précédant envers Boyan Slat, jeune génie de 20 ans qui avait l’ambition de nettoyer les océans avec des filtres géants. Si l’idée fait son bout de chemin, beaucoup doutent du bilan de l’opération très couteuse quand l’industrie produit du plastique bien plus vite qu’on ne le capture. Par ailleurs, s’il est possible d’en recueillir les plus gros morceaux, que faire des micro-plastiques par milliards ?
S’il est vrai que le plastique a tendance à se désagréger naturellement, le processus peut prendre plusieurs centaines d’années selon la composition du produit. Entre temps, il se décompose d’abord en petites pastilles, puis en particules microscopiques. À chaque stade de la décomposition, la faune marine en paye le prix fort. Nombre de poissons, mammifères marins et tortues confondent les plus gros morceaux aux couleurs aguichantes avec d’éventuelles proies. Quand ils ne s’étouffent pas avec un sac plastique, ces animaux ingèrent les polymères qui s’accumulent dans leur organisme et se transmettent à toute la chaine alimentaire jusqu’à l’Homme. Même les plus petits organismes sont concernés. Des chercheurs ont notamment observé que le corail avalait les particules de plastique à la place du plancton sans pouvoir les digérer, fragilisant davantage cet organisme essentiel et grandement menacé. Le plancton lui-même s’en nourrirait.
On estime à au moins sept millions de tonnes la masse de plastique concentrée dans l’ensemble des océans. Si nombre de ces plastiques tapissent désormais le fond des océans, les plus légers flottent en surface et constituent de véritables « îles » invisibles. En 2006, une étude du Programme des Nations unies pour l’environnement estimait à 18 500 morceaux le nombre de ces morceaux par km2. Dans les zones à plus forte concentration, ce chiffre atteindrait les 334 000 déchets par km2 voir plus ! À n’en pas douter, il devient difficile de camoufler ce désastre environnemental dont l’issue nous concerne tous.
Revoir l’économie d’urgence
Le bilan est clair. Il faut s’attaquer à la cause du problème et fermer le robinet à sa source. La situation est tellement grave aujourd’hui qu’on se demande si les quelques encouragements courtois des gouvernements envers les industriels peuvent décemment suffire. Comme le rappel justement Paul Watson, fondateur de l’ONG Sea Shepherd : « Si les océans meurent, nous mourrons ». Il serait opportun d’en prendre pleinement conscience car ceux-ci meurent sous nos yeux. Mais que faire ? Une possible solution : l’économie circulaire (produire moins et durable, réparer, recycler, réutiliser, développer les ENR, etc).
La Fondation caritative Ellen MacArthur ne s’arrête en effet pas qu’aux tristes constats. Érigée en 2009 par la fameuse navigatrice du même nom, l’association encourage l’émergence d’une économie circulaire en faisant pression sur l’opinion public. Détentrice du record du tour du monde à la voile en solitaire et décorée de la Légion d’Honneur, Ellen MacArthur a bien eu des occasions d’observer cette crise de civilisation de ses propres yeux. Son projet a pour but d’inspirer la nouvelle génération à repenser les méthodes de production pour construire un avenir positif. Une seule question, qu’attend-t-on exactement ?
Source : theguardian.com / wikipedia.org / ellenmacarthurfoundation.org / Image à la une Coastalcare.org