Marque irlandaise de vêtements bien connue des fashionistas adeptes de tenues tendance et bon marché, Primark est devenu le symbole d’une fast-fashion qui accumule les excès. Avec un dixième magasin en France ouvert récemment à Évry, l’enseigne attire des clients séduits par ses très bas prix, mais aussi des médias qui ont tôt fait d’aller voir ce qui se cache derrière. Primark intrigue, et à raison : depuis quelques mois maintenant, des témoignages de plusieurs dizaines d’employés et anciens salariés ont émergé sur la toile, révélant une réalité peu glamour, bien éloignée de l’image branchée et décontracte de la marque…

En France : différentes boutiques, même son de cloche

À l’origine du low-cost. Apparus sur la toile l’été dernier, différents témoignages recueillis auprès d’anciens employés de Primark révèle des conditions de travail accablantes. Relayée par différents médias, l’histoire de Sophie Duray, une ancienne employée de la boutique Primark de La Valette, dans le Var, avait suscité l’attention. Embauchée en mars 2016, la femme d’une soixantaine d’année avait saisi les prud’hommes après avoir été licenciée pendant sa période d’essai, sans justification apparente. Une décision arbitraire prise par les dirigeants du magasin, qui sont soupçonnés d’avoir exploité une main d’œuvre délibérément flouée, à qui l’on faisait miroiter des contrats longue durée censés perdurer au-delà de l’ouverture.

Image : Gerard Stolk / Flickr

Mais le cas de Sophie Duray avait également marqué les esprits de par la description qui avait alors été faite des conditions de travail en vigueur dans les boutiques de l’enseigne : tâches répétitives et physiquement éreintantes, inadéquations entre la fiche de poste et les missions réellement attribuées, interdictions formelles de boire ou de se rendre aux toilettes… Autant d’absurdités qui témoignent d’une entreprise carnassière, et qui ont par la suite été confirmées par les employés d’autres magasins. Ouvert en octobre 2015, le Primark de Lyon Part-Dieu a lui aussi semble-t-il été déserté par des salariés au bord de l’épuisement. Et ce n’est ici que la partie émergée de l’iceberg quand on ose imaginer la condition de ceux qui produisent les vêtements.

Des témoignages qui font froid dans le dos

Sur la page Facebook « Primark La Valette — des employés scandalisés », les témoignages anonymes fleurissent depuis avril dernier, époque à laquelle plusieurs salariés ayant travaillé en amont de l’ouverture du magasin ont été remerciés à la suite de celle-ci, sous prétexte de ne pas correspondre aux standards de la marque.

Depuis, la page recueille les nombreux témoignages d’employés et anciens employés qui ont à cœur de partager leur expérience, souvent traumatisante, de l’enseigne. Ainsi, plusieurs évoquent un management inhumain, des tâches aliénantes (par exemple, passer 6 heures d’affilée à plier des t-shirts) et indues, des insultes perpétrées par la direction devant les clients, ou encore des retards dans les paies, et même des impayés. Certains salariés handicapés ont même signifié que certains de leurs besoins et contraintes spécifiques n’avaient pas été respectés par la direction, alors même qu’ils faisaient l’objet d’une clause dans leur contrat de travail.

Des scandales qui témoignent d’une mondialisation déshumanisée

Primark n’en est pas à son premier scandale. Avec une chaîne de production délocalisée au Bangladesh et en Chine, l’image de la marque a été à plusieurs reprises éclaboussée par certains faits et rumeurs qu’elle a tenté tant bien que mal de démentir. En 2013, la catastrophe de Rana Plaza (Bangladesh), où une usine s’était écroulée en faisant plus d’un millier de morts dans les ateliers, avait déjà valu à la marque irlandaise — et à 28 autres marques occidentales — de devoir s’expliquer quant au choix de ses fournisseurs. En 2014, des messages brodés sur les étiquettes des vêtements viennent une nouvelle fois obscurcir la réputation de la marque.

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Sur ces messages, trouvés sur des robes vendues au Pays de Galle, les mots  « Forcés de travailler jusqu’à l’épuisement » ou encore « Conditions de travail dégradantes ». Un scandale de plus, que la marque espérait décrédibiliser en parlant de « mauvaise blague ». Mais il ne s’agit pas là du seul message qui soit venu entacher l’image d’une marque dont l’éthique pose question : en 2014 toujours, une cliente trouvait un mot rédigé en chinois dans un de ses pantalons nouvellement acheté. Cette fois-ci, l’appel à l’aide émanait d’un détenu de la prison de Xiangnan, et dénonçait des conditions de travail inhumaines, et une exploitation éhontée. Une mondialisation low-cost dont on peine à cacher désormais le véritable prix : celui-ci d’une exploitation systématique de l’Homme mais aussi de l’environnement.

Un modèle économique bulldozer

Du côté de Primark, les démentis et les « investigations » internes s’accumulent. Cependant, il est un fait que la marque aura bien du mal à contredire : son modèle économique se présente comme l’archétype d’une organisation où la réduction des coûts prévaut sur la qualité et l’humain. Alors que la marque possède désormais 320 boutiques à travers le monde, dont 10 en France, pour un chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros, les conditions dans lesquelles les vêtements sont non seulement produits, mais également distribués, témoigne d’une industrie qui ravage tout sur son passage. Les vendeurs français se disent éreintés, humiliés, bafoués, quand les ouvriers, à l’autre bout du monde, souffrent d’une exploitation quasi-esclavagiste, loin des yeux du consommateur.

Image : wwwuppertal / Flickr

Côté clients, il est difficile de penser que le succès de Primark n’est autre chose que la conséquence directe d’une politique de prix agressive, permise par des économies d’échelle corrélées à des volumes titanesques, et d’un turnover fréquent dans des collections si vite sorties, aussi vite démodées. Un principe qui permet à la marque d’étirer ses marges au maximum en produisant en quantités phénoménales, appliqué en parallèle d’une politique salariale rapace capable, entre autre, de suggérer des augmentations de l’ordre d’un centime brut par heure à ses travailleurs français. Primark, tant aimé d’une part pour ses mini-prix, s’érige ainsi en symbole particulier d’une certaine indécence ordinaire où, au nom du profit et du libre marché, tout semble bon pour tirer la mondialisation vers le bas.

Vous êtes salarié(e) ou ex-salarié(e) de Primark et vous souhaitez partager votre expérience ? Vous pouvez témoigner à redaction@boutique2mode.com


Sources : Varmatin.com / 20minutes.fr / TheGuardian.com / BBC.com

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