Malgré les dispositifs censés préserver les milieux naturels en France, des projets qui portent atteinte à la biodiversité des espaces protégés continuent de voir le jour. En Provence, les espèces du Parc Naturel Régional de la Sainte Baume sont aujourd’hui menacées par un projet de carrière. Conscients de la richesse de ce territoire, qui abrite aussi d’importantes réserves d’eau, les citoyens et les élus locaux se mobilisent contre l’arrivée de l’exploitation. Mais l’entreprise en charge de la carrière entend bien passer en force, et elle peut compter sur la préfecture pour l’aider à y parvenir, au mépris de la démocratie et de l’environnement.

Un espace pas si protégé

En France, la situation des écosystèmes demeure préoccupante. Des pressions diverses fragilisent la biodiversité du territoire, comme la fragmentation des milieux naturels, les pratiques agricoles intensives, les différents types de pollution, le dérèglement climatique et l’artificialisation des sols. Face à ces menaces, de plus en plus d’espaces protégés voient le jour. Le réseau Natura2000 se déploie ainsi à l’échelle européenne pour préserver les milieux naturels. Les parcs naturels régionaux se développent également dans l’Hexagone, atteignant aujourd’hui le nombre de 56, soit plus de 15.5% du territoire national. Mais cette notion de « parc naturel » ne protège pas toujours, en pratique, les milieux concernés.

En effet, ces différents dispositifs de protection ne sont pas toujours suffisants pour préserver la biodiversité de ces espaces naturels concernés. Si les parcs naturels régionaux visent à protéger l’environnement, il n’existe en effet pas de réglementation spécifique pour la mise en œuvre de cette protection (contrairement aux parcs nationaux). Celle-ci se concrétise par une charte qui rassemble des mesures adoptées contractuellement par la Région, les collectivités et l’État. Or, ces instances ont parfois d’autres priorités et peuvent librement déroger à ces promesses de protection, comme l’illustre le cas du projet de carrière à Mazaugues, dans le Parc Naturel Régional de la Sainte Baume.

Pollution de l’eau et risques d’effondrement

Outre la biodiversité végétale et animale exceptionnelle qu’il abrite, le site, qui est par ailleurs classé Natura2000, possède une autre richesse : ses réserves d’eau. En partie liée au milieu karstique qui caractérise ce territoire, ces réserves abondantes alimentent huit des principaux cours d’eau de la région et jouent un rôle-clé pour la vie aquatique et les milieux humides. C’est au-dessus de cette masse souterraine d’eau potable, la plus importante du Var, que l’entreprise Provence Granulats tente d’imposer son projet de carrière depuis 2008.

Situé au coeur du Parc Naturel Régional de la Sainte-Baume, le site de la carrière est également situé au-dessus d’une importante réserve d’eau. –
Dirk Beyer GFDL and cc-by-sa-2.5

À l’époque, une demande avait également été émise par l’entreprise ValSud (filiale du groupe Veolia) pour un centre d’enfouissement technique, à quelques centaines de mètres de là. « Ces deux projets menaçaient un site d’une biodiversité rare et une réserve d’eau très importante, ce qui a motivé tous ceux qui connaissaient la richesse des lieux à lutter contre », explique Thierry Gontier, du Collectif Anti-Carrière de Mazaugues (CACM). C’est ainsi que de nombreux citoyens se sont mobilisés, aux côtés de plusieurs élus locaux, pour dénoncer la menace de pollution de l’eau, la pression sur les espèces protégées, mais aussi les risques d’effondrement que fait peser le projet de carrière.

Une opposition ignorée

Si Valsud a fini par abandonner le projet de décharge, ce n’est pas le cas de Provence Granulats, qui affirme qu’il n’y a aucun risque de pollution ni d’effondrement, tout comme elle niait au départ l’existence de galeries souterraines remplies d’eau et servant d’habitat à de nombreuses espèces de chiroptères. La réserve d’eau, qui alimente de nombreux cours d’eau et l’agglomération de Toulon a pourtant été reconnue comme « stratégique » depuis lors, et la carte des aléas miniers confirme selon le CACM les risques d’effondrement.

Malgré ces éléments, les recours en justice menés par les citoyens et les autorités locales pour empêcher le démarrage de l’exploitation ont tous été déboutés par les tribunaux. Même la motion signée par quelques 52 maires de la région contre la carrière est restée sans effet. Les services de l’état sont par ailleurs restés sourds aux demandes de rencontres des associations et aux recours gracieux. La préfecture du Var, que nous avons contactée, se borne à confirmer que « toutes les procédures de ce dossier ont été validées par les différentes juridictions saisies. » Sans barrière, la destruction du terrain a commencé.

Menaces et défrichement en cours

Le sous-préfet a tout de même convoqué le nouveau maire de Mazaugues dans le courant du mois de janvier. Une réunion surprenante, à laquelle participait également l’entreprise Provence Granulats. D’après le CACM, la commune aurait été menacée de mise sous tutelle, une requête pendante du carrier lui réclamant 1 500 000€ de dommages, soit une somme supérieure au budget total de l’administration municipale ! La pression exercée par le carrier et le sous-préfet aurait donc conduit le maire à signer le permis de construire. Résultat, l’ouverture de la carrière est imminente, et les travaux de défrichement ont déjà commencé sur une grande partie de l’exploitation.

Après l’obtention du permis de construire, l’ouverture de la carrière est imminente.

Les décisions de justice se sont donc succédées en faveur du carrier. Dernière action en date, le recours déposé par la mairie devant le conseil d’état n’a pas abouti non plus. Il ne reste aujourd’hui plus beaucoup de solutions pour éviter l’implantation d’une carrière à Mazaugues. Les opposants au projet n’ont pourtant pas encore dit leur dernier mot. « Nous avons sollicité les services d’avocats spécialisés dans l’environnement qui étudient les dossiers en vue d’attaquer le permis de construire » précise Thierry Gontier. Pour financer ces frais de justice, une cagnotte a été mise en ligne, qui rassemble déjà près de 8000 euros. Une manifestation a également eu lieu début janvier, et une pétition est disponible pour ceux qui souhaitent marquer leur opposition à un projet destructeur pour la biodiversité d’un espace protégé. L’option d’une ZAD n’a pas encore été soulevée.

Raphaël D.

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