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Rencontre avec « la famille Crusoé » de Yuo Island, en Papouasie-Nouvelle-Guinée

Bienvenue sur Yuo Island, ce petit confetti perdu dans le Pacifique mesure à peine un kilomètre carré et fait partie des quelques 600 îles de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Débarquer sur ce petit territoire, c’est vivre le mythe de l’île (presque) déserte de Robinson Crusoé, mais également ressentir le lien formidable entre une population modeste et son environnement. Une conscience écologique au bout du monde et une leçon pour l’humanité.

L’île de Yuo est luxuriante, entourée de sables blancs et d’eaux bleu turquoise, un petit paradis tropical habité par une centaine de personnes à peine. À eux seuls, Robert et Catherine Marek ont peuplé quasi un dixième de ce petit îlot : ils ont 9 enfants, 7 garçons et 2 filles dont l’une est malheureusement décédée. Leur famille vit ici depuis des décennies sans se soucier des folies du monde « moderne ». Quoi que, pas totalement…

Robert – Photographie : Pascale Sury pour Mr Mondialisation

Dans un pays où 85% de la population vit dans les villages, s’intégrer pleinement à ces communautés est sans doute le meilleur moyen de comprendre le mode de vie unique de ces populations très éloignées de notre type de développement et surtout goûter à leur sens de l’accueil et leur gentillesse. Les habitants sont naturellement fiers de nous montrer leur cadre de vie préservé et nous expriment à quel point ils sont heureux de cette vie très simple. Non pas dans le but d’attirer de quelconques curieux, mais de témoigner qu’une vie équilibrée et minimaliste ne s’est pas totalement éteinte dans ce monde.

« J’ai vécu toute ma vie sur Yuo, je suis né sur cette île et j’y suis resté pendant 52 ans », nous dit Robert, assis à l’ombre d’un arbre au bord de l’océan. « C’est une belle vie, on profite des choses gratuitement. On a le poisson gratuitement, on le pêche et on le vend aussi au marché sur le continent. Tout ce qu’on consomme, on le reçoit gratuitement de notre île. Si on vivait en ville sur le continent, on devrait dépenser, trouver de l’argent pour s’acheter des choses. En restant dans notre propre village, on est libre. On est heureux ici et on ne s’inquiète de rien. »

Bref : « I Love Yuo ! » s’esclaffe-t-il. À tel point que Robert, fils du chef du village, est devenu l’un des gardiens des traditions locales. Il veille au respect des coutumes et de leur environnement. Pendant plusieurs mois chaque année, par exemple, la pêche est interdite pour laisser la place à une pratique ancestrale : « la tradition à ce moment est de ne pas laisser les enfants et les femmes se balader aux quatre coins de l’île entre 3 et 4 heures, c’est le moment des gardiens des coutumes. Ces hommes parcourent l’île, s’assoient, chantent des chansons traditionnelles et parlent aux poissons. On demande aux poissons des grandes rivières de rejoindre l’île. Ils nous écoutent, nagent et après 6 mois, nous avons des tas de poissons autour de l’île ! » Derrière ce folklore original, on trouve une volonté de laisser respirer les stocks de poissons pour maintenir un certain équilibre des ressources.

Photographie : Pascale Sury pour Mr Mondialisation

À ce jour, le Programme des Nations Unies pour le Développement (UNDP) classe la Papouasie-Nouvelle-Guinée parmi les pays les moins développés du monde : 40% de la population survit avec moins d’un dollar US par jour et 75% de ce peuple dépend directement d’une agriculture de subsistance, une production tout juste autosuffisante pour nourrir la famille.

Pour agrémenter les produits de la mer, Catherine, la mère de famille, entretient un potager gigantesque et luxuriant. Bananes, choux, concombres, petits pois, vanille et une jungle de plantes que nous ne connaissons pas chez nous, comme le sago (farine tirée du tronc d’un palmier), l’aliment de base de chaque repas. « Je suis la ‘maman‘ du potager », dit Catherine en nous faisant visiter son jardin d’Eden. « C’est moi qui m’en occupe… À part le riz et le sucre dont on a besoin pour les petits enfants et qu’on doit acheter, on est autosuffisant, nous ne manquons de rien ! »

Catherine – Photographie : Pascale Sury pour Mr Mondialisation

On l’imagine aisément, la conscience écologique ici est inscrite dans leurs gènes. Cette famille de Yuo, comme toutes les communautés que nous avons rencontrées, vit en communion avec la nature… question de survie ! Pour l’instant, curieusement, la petite famille bénéficie temporairement du réchauffement climatique puisque des cultures comme la banane ou le cacao, impossibles auparavant, sont aujourd’hui tout à fait praticables. Quant à la montée des eaux, heureusement, Yuo n’est pas encore menacée pour l’instant. L’île n’a pas changé, nous assure Robert. Une illusion qui risque de tourner malheureusement court si le phénomène s’amplifie.

Photographie : Pascale Sury pour Mr Mondialisation

À Yuo, le soleil tape fort toute l’année et les moustiques s’en donnent à cœur joie, mais pour rien au monde Robert, Catherine et leurs enfants ne voudraient échanger cette vie insulaire. Mary, la maman de Catherine, en visite ce week-end en parle aisément, elle qui a quitté son île pour travailler à Wewak, la ville voisine sur le continent : « Ici, dans le village, les liens de la famille et de la communauté sont très forts. C’est quand on va en ville qu’il y a beaucoup de négativité. Ici les gens sont super aimables, accueillants, même si la vie est simple et qu’on n’a pas de riches maisons. L’important c’est cet environnement humain où chacun s’apprécie malgré les différences. »

Mary – Photographie : Pascale Sury pour Mr Mondialisation

Pas étonnant que certains curieux apprécient cet îlot préservé de la course à la production. Si l’île n’est pas encore frappée par le tourisme de masse, de rares curieux, chercheurs et journalistes s’y aventurent volontiers. Robert aime accueillir les « white skins » comme il dit (les peaux blanches) de temps en temps pour expliquer sa vie et discuter du monde : « Les peaux blanches possèdent beaucoup de choses, ils ont des grosses usines etc… Il y a beaucoup de choses dans vos pays ! En Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans les villages reculés, on est resté les mêmes. Cela n’a pas l’air tellement bien chez vous car quand les peaux blanches viennent se balader dans le village, ils voient dans quoi nous vivons et nous disent que nous sommes riches car nous avons beaucoup sur notre île et nous en profitons gratuitement ! »

Photographie : Pascale Sury pour Mr Mondialisation

Le soleil se couche, les enfants profitent encore un peu de la mer alors que les pêcheurs prennent place autour de l’île avec harpons et cannes à pêche de fortune. Une vie toute simple et riche à la fois.

– Pascale Sury & Mr Mondialisation


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