Sélection à l’université : les dessous des débats filmés à l’Université Jean-Jaurès

La loi sur l’orientation et la réussite des étudiants (loi ORE) a fait l’objet de nombreuses controverses et protestations depuis son adoption le 15 février 2018. Au-delà des débats de forme, Thomas Oger, lui-même étudiant, nous emmène au cœur des longues discussions ayant eu lien au sein de l’Université Mirail Toulouse-II Jean-Jaurès et nous offre ainsi une autre vision des évènements depuis l’intérieur, alors que les journaux et télévisions se sont principalement arrêtés sur les blocus, délaissant la réflexion de fond sur la réforme du gouvernement. 

Le printemps 2018 a été marqué par les manifestations étudiantes et le blocage de certaines universités. En cause, la Loi ORE ou loi Vidal (du nom de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur), adoptée et promulguée au premier trimestre 2018. Selon les critiques, le texte instaure une procédure de sélection discriminatoire à l’entrée des universités. Si les débats médiatiques se sont éternisés à propos du bien-fondé de la méthode utilisée par les étudiants, le fond de la nouvelle loi a été bien moins discuté. Qui saurait vraiment en expliquer le détail ? Ses conséquences ? Ses implications sur le terrain ? Thomas Oger, lui-même étudiant, a filmé les débats depuis l’intérieur l’Université Mirail Toulouse-II Jean-Jaurès dans un court reportage. Il nous fait entendre la voix des grévistes et nous montre des images inédites de leur mobilisation.

Crédit image : Thomas Oger

La loi ORE et « parcousup » fermement critiqués

La loi ORE modifie les conditions d’accès à l’université avec pour objectif selon le gouvernement de soulager les filières « saturées », de supprimer le tirage au sort qui avait été mis en place pour pallier cette difficulté, et de réduire le taux d’échec à la fin de la première année de licence. Par conséquent, la loi permet une sélection sur base d’un dossier, une disposition qui s’est vu concrétisée avec la nouvelle platefeforme de candidatures et de vœux post-bac, parcoursup.

Mais de nombreuses personnes, (enseignants, intellectuels, étudiants, syndicats) ont rapidement exprimé leur opposition à ce nouveau système, considérant que les lycéens sont placés dans une situation d’injustice. En effet, alors que jusqu’à présent la réussite au bac ouvrait l’accès aux différentes filières universitaires, les jeunes peuvent désormais être classés au fonction de leur dossier. Jusqu’à la promulgation de la loi ORE,  l’article L. 612-3 du Code de l’éducation indiquait que toute personne titulaire du baccalauréat est « libre de s’inscrire dans l’établissement de son choix ». Cette liberté est révolue. Désormais, le même article précise que « lorsque le nombre de candidatures excède les capacités d’accueil d’une formation, les inscriptions sont prononcées par le président ou le directeur de l’établissement dans la limite des capacités d’accueil, au regard de la cohérence entre, d’une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences et, d’autre part, les caractéristiques de la formation. » La nouvelle disposition modifie donc profondément la donne pour les lycéens, puisqu’ils peuvent désormais être jugés en fonction de leur parcours scolaire entier, ce qui renforce inévitablement les inégalités. De plus, la loi soumet par avance les étudiants aux lois du marché, bien avant qu’ils soient jetés à la merci du système marchand.

À l’université du Mirail Toulouse-II Jean-Jaurès, c’est également la fusion de l’université qui cristallisait les critiques. Le projet d’une « Université de Toulouse » regroupant quatre établissements et votée le 12 décembre 2017 a pour objet d’obtenir de nouveau le label « Initiative d’excellence » (IDEX) et les financements qui vont avec. Mais certains étudiants craignent que cette manœuvre soit accompagnée d’une invisibilisation des sciences humaines et des filières artistiques au profit des sciences. Par ailleurs, l’opportunité d’obtenir le label IDEX est également questionné, puisqu’il accompagne une mise en concurrence croissante des campus avec des universités à l’international introduisant au fur et à mesure une logique économique dans le fonctionnement des universités. Là encore, les logiques de marchés prennent un peu plus le contrôle des universités.

Caricature signée Nawak Illustrations.

Montrer le fond plutôt que la forme

Thomas Oger, le réalisateur de ce reportage immersif, est étudiant en L1 de musicologie et détenteur d’un BTS Audiovisuel. « Je ne viens pas d’une culture gréviste », nous explique le jeune homme, qui admet qu’ « il ne voyait que les grèves aux informations et était plutôt contre ». C’est en se rendant aux AG étudiantes qu’il a finalement commencé « à se sentir concerné par ces questions ». Selon lui, les commentaires médiatiques à propos de la mobilisation de ce printemps ont été largement biaisés : « Le problème principal est que les médias courants s’attardent plus sur la forme que sur le fond. J’ai beaucoup regardé durant cette période les JT et les vidéos sur internet qui parlaient de la grève. La plupart avaient le mot « Blocus » dans leur titre. C’est normal, ils doivent faire des « vues », attirer le plus de monde donc ils utilisent ce qui fait réagir. Le blocus n’est qu’un outil pour faire parler et non pas le problème en soit ».

Le reportage a donc pour ambition de s’attarder sur le fond de la réforme plutôt que la forme de la mobilisation. Le spectateur découvre la grève depuis l’intérieur ainsi que les riches débats qui s’en suivent, une plongée dans une forme de démocratie locale et concrète, loin des labyrinthes institutionnels qui conduisent parfois à des lois iniques. Les images qui nous sont présentées ont été tournées ces 6 derniers mois dans l’université de Toulouse Jean-Jaurès, principalement auprès des étudiants en musique.

Crédit image : Thomas Oger

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