Une vague humaine nourrie au soleil vert ? Des hordes d’âmes en peine cherchant à se nourrir ? Sommes nous voués à subir cette vision pessimiste et apocalyptique de l’avenir ? La surpopulation frappe-t-elle à nos portes ? Devrons-nous bientôt barricader nos portes et fenêtres ? Démystifions la croyance fortement répandue que la surpopulation est responsable de la misère dans le monde.

Comme disait Ghandi, « il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins humains, mais pas assez pour assouvir leur avidité ». En effet, l’on n’est pas trop nombreux sur Terre. Le problème est, en réalité, notre rapport au monde et à la concentration des ressources aux mains d’une minorité. Décryptage en règle du mythe tenace de la surpopulation.

La menace de la surpopulation : comment tout a commencé

Le concept de la surpopulation est né en Angleterre en 1798, lorsque le révérend Thomas Robert Malthus a vu que la production alimentaire augmentait progressivement, alors que les gens se reproduisent de façon exponentielle. Sur la base de calculs simples, il « prédit » que le monde sera en manque de nourriture d’ici l’an 1980. Malthus, alarmé par ses résultats, encourage une réduction de la population…

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Dans son essai sur le principe de population, motivé par la crainte d’une marée humaine, Malthus appelle à accroître la mortalité chez les pauvres par d’horribles procédés :

« Tous les enfants nés, au-delà de ce qui serait nécessaire pour maintenir la population à ce niveau, doivent nécessairement périr, sauf si un nouvel espace leur est fait par les décès de personnes adultes … Pour agir de manière cohérente, par conséquent, nous devrions faciliter, au lieu de bêtement et inutilement chercher à les entraver, les opérations de la nature dans la production de cette mortalité; et si nous redoutons la visite trop fréquente de l’horrible famine, nous devrions encourager assidûment d’autres formes de destruction (…). Au lieu de recommander la propreté aux pauvres, nous devrions encourager des habitudes contraires. Dans nos villes, nous devons rendre les rues plus étroites, entasser plus de gens dans les maisons, et encourager le retour de la peste. » (R. Malthus, Livre IV, chap V.).

Ce qu’ignorait Malthus, c’est que l’humanité allait développer des solutions pour nourrir abondamment l’espèce humaine au delà de toutes espérances. La faim touchera principalement les populations victimes de l’accaparement occidental des richesses. Ainsi, la peur de la surpopulation va conduire Malthus à penser que certaines maladies ne devraient pas être guérie par souci de contrôle de la population :

« Mais par-dessus tout, nous devons réprouver des solutions spécifiques pour les maladies ravageuses; ainsi que ces hommes faussement bienveillants qui ont pensé qu’ils faisaient un service à l’humanité en projetant des programmes pour l’extirpation totale de troubles particuliers. » (R. Malthus, Livre IV, chap V.)

Aussi dur que cela puisse paraître, la volonté de « dépopulation » a été définie par ceux qui soutiennent cette pensée et voient la mort comme un mal nécessaire pour sauver l’humanité et la planète. Naturellement, ce sont les plus pauvres et les personnes les plus fragiles physiologiquement qui en sont les victimes : un programme eugéniste, validiste et classiste.

Le révérend Thomas Robert Malthus. Wikimedia

En 1968, dans La bombe de la population, Paul Ehrlich, de l’Université de Stanford a adopté et propagé la théorie de Malthus. Il a affirmé que la reproduction humaine excessive allait submerger la planète et prédit que le monde subirait des famines massives, tuant des centaines de millions de personnes, dès la fin des années 70. L’évocation de tels scénarios a conduit au transfert d’importantes sommes d’argent à l’UNFPA (Fonds des Nations Unies pour la population).

La population mondiale pourrait entrer dans l’État du Texas

Beaucoup s’imaginent que le problème de la surpopulation est une affaire d’espace. Et non ! À ce jour, il y a plus de 8 104 870 500 personnes sur terre. La superficie du Texas est de 696 241 km2. Si nous divisons cet espace par 8 104 870 500 personnes, nous obtenons 86m2 par personne. Ceci représente un espace suffisant pour que chacun puisse vivre dans une large maison individuelle avec le reste de l’humanité comme voisin, tout ça sur la seule superficie du Texas. Et ceci ne prend même pas en compte qu’une famille moyenne fait 4 personnes qui partagent volontiers leur habitation.

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Ce calcule ne signifie pas qu’une telle division territoriale et concentration serait une bonne chose. Un tel entassement d’une population qui continue de surconsommer comme nous le faisons actuellement serait la bonne recette pour un désastre écologique. Ce raisonnement par l’absurde donne cependant une idée de la façon dont il faut penser la problématique. La surpopulation n’est PAS une question d’espace. Donc, quel est le vrai problème ?

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Les villes sont surpeuplées, pas le monde !

Les conditions d’une surpopulation apparente existent seulement dans les villes, pas ailleurs. Il s’agit donc d’une « illusion » propre à l’urbanisation et à la concentration des individus en un même lieu.

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En pratique, la population urbaine est en hausse constante depuis la révolution industrielle. Depuis 2008, plus de la moitié de l’humanité est devenue urbanisée. En cause, l’exode rural. En effet, il y a davantage de possibilités de gagner de l’argent, donc de survivre, dans les villes que dans les campagnes. Les villes sont prises d’assaut par une population venant parfois de très loin afin de s’y installer. La forte population en ville n’est ainsi pas directement liée à la reproduction. Par opposition, les campagnes se vident.

Pas assez de nourriture ? La rareté est un mythe

Paradoxalement, le monde actuel abonde de ressources, de quoi largement combler les besoins de tout le monde. Mais, chaque année, les pays riches gaspillent plus de 220 millions de tonnes de nourriture. Pendant ce temps, les populations qui ne disposent pas de l’argent nécessaire pour avoir accès aux denrées alimentaires sur le marché mondial ou local, meurent de faim.

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Le mythe de la surpopulation tente de camoufler une réalité tragique : l’humanité ne manque de rien, mais ne distribue pas équitablement. Porter la cause sur la surpopulation profite ainsi aux logiques élitistes en détournant le problème de fond : la distribution des richesses et l’accès aux ressources.

La surpopulation ne provoque pas la faim dans le monde, la mauvaise gestion en est à l’origine

Les sociologues Frédéric Buttel et Laura Raynolds ont publié une étude sur la croissance démographique, la consommation de nourriture, et autres variables dans quatre-vingt-treize pays. Les statistiques ne montrent aucune preuve que la croissance rapide de la population provoque la faim. Cependant, ils ont trouvé que les populations des pays les plus pauvres ont moins à manger. En d’autres termes, la pauvreté et les inégalités causent la faim, pas la surpopulation.

 

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La pauvreté n’est pas du fait de la rareté et de la surpopulation. Elle est organisée par des politiques et des manoeuvres qui empêchent les personnes affamées d’avoir accès à la nourriture et aux terres arables. Comment oublier la « dette » que les pays du Sud global « doivent » aux pays du Nord alors que le niveau de vie des pays du Nord repose en grande partie sur l’exploitation des pays du Sud.

« L’histoire de la dette du tiers monde est l’histoire d’une formidable ponction par la finance internationale sur les ressources des personnes les plus démunies. Ce processus est conçu pour se perpétuer, grâce à un mécanisme diabolique qu’est la reproduction de la dette sur une plus grande échelle encore, un cycle qui ne peut être rompu que par l’annulation de la dette. » – Third World Debt, a Continuing Legacy of Colonialism.

Pas assez de terres ?

Contrairement à l’idée reçue, la terre ne manque pas d’espaces productifs. Même en 100% bio, les scientifiques s’accordent aujourd’hui à dire qu’il serait possible de nourrir l’humanité toute entière couplé à une régulation du gaspillage. Le mythe des rendements bio « insuffisants » pour nourrir le monde reste cependant tenace dans les discours. De plus, même si l’alternative fait polémique, il existe aujourd’hui de très nombreuses alternatives pour produire beaucoup, même en biologique, sur de très petites surfaces en hors-sol.


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Pourquoi est-ce si difficile d’admettre, comme l’indique les chercheurs, que nous vivons sur une planète spacieuse qui pourrait fournir à tout le monde de quoi vivre dignement si nous étions en mesure de l’utiliser intelligemment ? Ces solutions, bien plus complexes que la peur démographique, nécessitent un effort, une réflexion, un changement et surtout du courage.

Propriété et contrôle de la Terre

On entend souvent dire que la pauvreté serait le résultat de la surpopulation, le manque d’éducation ou même la paresse. Certains à l’extrême droite vont jusqu’à prétexter honteusement une infériorité liée à l’origine. Mais parce que la plupart des gens ne pensent jamais à remettre en question les fondements du système actuel, peu se rendent compte comment la société est orientée vers l’enrichissement matériel par l’accaparement des terres productives dans les pays émergents et la mise au travail forcée des individus.

Nécessairement, les possédants sont plus enclins à reporter la responsabilité de la faim sur les pauvres plutôt que sur un manque de redistribution. Alors, à nouveau, on blâme le nombre. Le passage suivant de The World’s Wasted Wealth: the political economy of waste de J.W. Smith, décrit cette réalité :

« La faim dans les pays sous-développés d’aujourd’hui est tout aussi tragique et absurde. Les colonisateurs européens ont bien compris que la propriété des terres donne le contrôle sur le produit. Les puissants ont simplement redistribué les titres fonciers de valeur entre eux, entrainant l’éradication de traditions millénaires d’usage courant. (…) Pour cette raison, la plupart des terres sont inutilisées ou sous-utilisées jusqu’à ce que les propriétaires décident d’en faire un usage plus rentable. Ceci est le mode d’utilisation des terres qui caractérise la plupart des pays du Tiers-Monde aujourd’hui, et c’est ce qui génère la faim dans le monde. »

Agriculture et logement durable : créer l’abondance pour tous

Des alternatives à l’agro-industrie existent. Le succès de Cuba à surmonter une crise alimentaire à travers l’autonomie et l’agriculture durable, pratiquement sans pesticides, est un excellent exemple. Même dans les villes, des solutions urbaines se développement à vive allure partout à travers le monde. Respectueuses de l’environnement, des alternatives agricoles saines se voient parfois plus productives à long terme que leurs homologues destructeurs de l’environnement. La permaculture en est un excellent exemple.

L’habitat durable et l’agencement intelligent de la ville sont d’autres alternatives qui devraient être mises en œuvre à l’échelle mondiale au lieu de pointer du doigt la population croissante. Les possibilités sont infinies, de la yourte aux éco-villages à l’intégration de hautes technologies dans les futures éco-villes. Naturellement, ces solutions, aussi positives soient-elles, ne peuvent occulter le fait d’une nécessaire critique structurelle de la propriété en matière de production alimentaire.

La destruction de la Terre : la surpopulation ou un système dépassé ?

La surpopulation est trop souvent jugée coupable de la destruction de la planète, mais avons-nous jamais pensé à pointer du doigt nos pratiques destructrices ? Nous continuons à perpétuer le même schéma au nom du profit et de l’illusion d’une croissance infinie malgré les nombreuses solutions existantes. Nous savons désormais que ce n’est pas une question du nombre de personnes qui habitent notre planète. C’est une question de responsabilité personnelle et collective.

Pour vivre équitablement et en autonomie, il « suffit » d’y mettre les moyens techniques, politiques et financiers. Par opposition, céder au mythe de la surpopulation, c’est faire le jeu des puissants et des pires dictatures dont l’habileté est d’orienter les véritables causes d’une problématique vers un épouvantail insaisissable : le nombre.

La vérité, c’est que nous avons le choix d’évoluer vers un style de vie favorable à la terre entière, concevoir des villes durables qui permettraient l’autosuffisance et la collaboration pour le bien de tous. Nous ne serions plus considérés comme une menace pour la planète, mais comme un élément parmi les éléments. Nous devons enfin travailler avec la nature et non contre elle. Nous sommes une partie de la nature et il est temps de cesser de se sentir coupable d’exister. Par contre, nous devons faire preuve d’autocritique dans nos actions individuelles (consommations) et nos choix collectifs (politiques sociales, production..). Il est encore possible de transformer cette société si nous cessons de prétendre à notre supériorité face à la nature.

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Si nous avons construit ce monde, qu’est-ce qui peut vous faire croire que nous sommes incapables d’en construire un autre ? À partir de maintenant, faisons la promesse de ne plus utiliser notre main-d’œuvre, notre créativité et notre intelligence pour construire des armes de guerre, des technologies non-durables et produisons du sens à la place, de la résilience, du progrès utile.

Nous avons aujourd’hui le potentiel et l’intelligence de créer des technologies durables, des produits bénéfiques et un système harmonieux qui permettraient à l’humanité de prospérer au bénéfice de tous. Ceci n’est pas une utopie, mais l’irréalisé. Mais ce monde plus beau n’aurait pas de sens s’il n’est pas destiné aux 7 milliards de personnes sur la planète, sans exception.

– Mr Mondialisation & Elina St-Onge


Photo de couverture : Pixabay

Sources :

http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/rue89-planete/20150511.RUE9028/oui-l-agriculture-biologique-peut-nourrir-la-planete.html

Overpopulation is not the problem – a sustainable world begins!

http://www.prolifeinfo.ie/mcms_print.php?nav=p-25120

http://www.theguardian.com/commentisfree/2010/aug/26/urban-planning-overcrowding

http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=40698#.VE0iE4vF-mA

The Entire World Population can Sink into the State of Texas

http://overpopulationisamyth.com/

http://www.pop.org/content/debunking-myth-overpopulation

http://www.globalissues.org/article/7/causes-of-hunger-are-related-to-poverty

http://informationwarfareblog.com/a-simple-solution/

http://leaksource.info/2013/03/09/overpopulation-debunked-every-person-in-the-world-could-fit-inside-australia-with-14-acre-of-land-each/

http://www.globalissues.org/article/205/does-overpopulation-cause-hunger

http://theratchet.ca/no-population-bomb

http://www.slate.com/articles/technology/future_tense/2013/01/world_population_may_actually_start_declining_not_exploding.html

Rédigé avec l’aide du Collective-Evolution

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