« Tu veux vraiment habiter à la campagne ?! » : Le livre qui démythifie le rêve

Vous étouffez en ville où la vie est stressante, bruyante et souhaitez la quitter pour vous installer à la campagne ? Vous voulez retrouver l’air pur, de l’espace, de la tranquillité, une vie « simple » ? Attention aux désillusions qui ne manqueront pas si vous en avez une vision idéalisée ! Pour cause, de nombreux citadins rêvent de fuir la ville pour plus de verdure, mais découvrent une réalité difficile faites de nombreux compromis et de sacrifices. Mais après la lecture du dernier livre d’Aurélie Delahaye « Tu veux vraiment habiter à la campagne ?!« , vous serez préparés à ce que ce changement de vie qui vous réservera du positif comme de nombreux problèmes à surmonter.

C’est une quête de sens, un certain vide à combler qui a poussé Aurélie Delahaye, l’autrice de « Tu veux vraiment habiter à la campagne ?! » à changer radicalement de vie. De Parisienne travaillant en entreprise, elle est devenue une autrice campagnarde et décroissante. Une évolution qu’elle détaille d’ailleurs dans son précédent livre « Embrasser l’inconnu« , l’histoire d’une « révolution intérieure » et qu’elle nous résume ainsi :

« A l’âge de 33 ans, j’habitais Paris, je travaillais dans le monde de l’entreprise, et j’avais beau m’attacher à choisir de chouettes métiers, dans des entreprises humaines, je finissais toujours par manquer de sens dans mon quotidien professionnel. Je voyais que je n’étais pas la seule, alors, un jour, j’ai décidé de tout quitter et de partir pour mener un projet pour rendre les gens heureux, ça s’est appelé Ordinary Happy People. Je n’avais pas de plan, pas d’idée préconçue de ce que j’allais faire, j’ai donné le sourire à tout un tas de gens, semé quelques graines d’espoir, et au bout de ce voyage m’attendait un tout autre univers : je me suis installée à la campagne, dans « le trou du cul du monde », et je suis devenue autrice. Je vis pour l’instant de mes droits d’auteur, non pas parce que je suis best-seller, mais parce que je suis décroissante. »

Ce qui vous attend vraiment à la campagne

Si, comme Aurélie, vous décidez de vous installer à la campagne (la vraie campagne « profonde » pas celle située à quelques kilomètres d’une ville), soyez prêts à faire face à des situations que vous n’aviez même pas imaginées ou même, auxquelles vous vous pensiez préparés ! Heureusement, l’autrice vous « débroussaille » le terrain en nous contant sa propre expérience. Attention votre égo risque d’en prendre un coup, car sans nous ménager, Aurélie nous met directement face à la réalité du terrain non sans relever son discours d’une agréable pointe d’humour et d’autodérision.

Une fois installé « sur place », il vous faudra vous acclimater à un nouveau rythme de vie. Il se peut que la solitude vous prenne, les soirs de pluie. Mais la tranquillité, la possibilité de balades en pleine nature directement à la sortie de chez vous vous consolera. D’ailleurs, en parlant de « chez vous », si vous investissez dans un logement à rénover, préparez-vous à devenir bricoleur polyvalent ! Allumer un feu dans sa vieille cheminée ou cuisinière peut se révéler être un défi digne de « Koh Lanta », et ce n’est pas l’autrice qui vous dira le contraire ! Vous avez peur de vous ennuyer, loin de toutes les activités de la ville, du bar ou du restaurant au coin de la rue (où vous n’alliez pas vraiment en plus) ? L’autrice vous montrera que la vie à la campagne est bien plus animée que vous le soupçonnez, elle y prend simplement des formes différentes.

Autre point crucial : obtenir une connexion internet. Difficile, voire impossible de s’en passer dans notre société hyper-connectée où des démarches administratives ne se font plus que via le net. Pour vous, campagnard de fraîche date, cela peut être synonyme de (nouvelle) galère ! Quand vous aurez enfin souscrit un abonnement, le débit réduit en comparaison de la ville et les coupures (plus ou moins fréquentes selon les endroits) vous feront l’effet d’une douche froide ! Une expérience qu’Aurélie raconte d’ailleurs dans un chapitre dédié, bourré d’humour. Mais comme pour le reste, avec le recul, les atouts de la campagne compenseront largement ces aléas passagers.

Vivre à la campagne, c’est l’occasion de créer son potager et de cultiver ses propres fruits et légumes. Quoi de plus gratifiant en effet que de manger littéralement les fruits de son travail ? Encore faudra-t-il prendre le temps et l’énergie de l’entretenir ce potager, savoir quand planter, quand tailler, arroser… et surtout espérer que les intempéries et les animaux sauvages ne détruisent pas votre future récolte ! Du temps, de l’expérience, des ratés seront forcément au rendez-vous avant de passer maître dans l’art du jardinage ! Le tout est de ne pas se décourager, d’apprendre de ses erreurs, voire de ravaler sa fierté et d’aller demander conseil au voisin agriculteur qui connaît la terre bien mieux que vous.

Réussir son potager, c’est gratifiant mais fatigant ! Crédit : Aurélie Delahaye

Mais les problèmes ne se limitent pas aux « combats » avec Mère Nature. Plus ou moins près de chez vous, il y aura des voisins, des gens « du terroir » (comme l’agriculteur à qui vous demanderez conseil pour votre potager). De belles relations pourront se créer, faites d’entraides et de partages, plus fortes qu’en ville où parfois on ne connaît même pas son voisin de palier note l’autrice. Les difficultés du quotidien propres à la campagne, ça resserre les liens entre les individus. Mais comme partout, les relations humaines, ça peut être compliqué. Et dans le vase clos d’un village, le moindre conflit ou cancan peut prendre des proportions démesurées… Savoir « doser » sa relation aux autres est un exercice d’équilibriste constant.

Au final, quand on demande à Aurélie quelles sont les plus grosses « tuiles » survenues à cause de son inexpérience, elle nous répond :

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« Oh, je ne les compte pas ! Les tuiles sont assez variées en plus, tu penses que tu vas pouvoir les prévoir, et puis, en réalité, c’est l’expérience qui t’aide à les voir venir. Pour les sportifs du dimanche, comme moi, il y a le dos qui se bloque trois semaines parce que tu as rentré du bois pendant toute une journée sans prendre garde à ta posture.
Pour les citadins qui ont l’habitude d’ouvrir un robinet et que l’eau coule, sans avoir conscience de tout le trajet qu’elle a parcouru pour arriver jusque là, il y a les tuyaux d’eau qui gèlent sous l’effet du froid, parce qu’ils sont placés au-dessus du sol, qui te privent d’eau dix jours entiers, puis qui éclatent au dégel et inondent tous tes cartons de déménagement. Tu en veux d’autres ? J’en ai plein ! La bonne nouvelle : sur le moment tu râles, mais une fois que tu t’en sors, ça fait de chouettes anecdotes à raconter à tout le monde et ça t’aide à te sentir un peu plus « de la campagne » (même si, évidemment, tu ne le seras jamais). »

Un livre aux dimensions politique et sociale

La force principale de l’ouvrage, c’est la façon dont l’autrice parvint à partir de son expérience personnelle pour nous amener à des réflexions plus politiques et sociales. Le propos équilibré entre un style teinté d’humour et son fond sérieux rend la lecture agréable (et même souvent drôle !) et évite à son autrice de tomber dans le piège d’un ton purement moralisateur rebutant.

Avant de débarquer à la campagne, il vous faudra vous défaire de préjugés ancrés dans la mémoire collective sur « les bouseux ». C’est aussi revoir sa définition du bonheur, de la réussite sociale. C’est savoir qu’il y est évidemment plus difficile de trouver un emploi qu’en ville. C’est accepter un salaire moins élevé mais que l’on l’en sort financièrement mieux à la campagne car la vie y est moins chère. C’est penser à comment ses enfants -si on en a- y grandiront et qu’on y vieillira. C’est se résigner à devoir plus souvent prendre sa voiture malgré ses convictions écologiques car on est loin de tout, qu’il n’y a pas de transport en commun, et que les petites gares de campagne ont été supprimées faute de rentabilité.

La campagne, c’est de l’occasion de nouvelles rencontres. Crédit : Aurélie Delahaye

Aussi, Aurélie ne manque pas d’étriller gentiment les citadins qui ont fui le Covid lors des confinements, découvrant soudainement les vertus de la campagne. Mais ce sont surtout ceux qui débarquent à la campagne pour tout révolutionner qu’elle égratigne le plus. Ceux qui pensent tout savoir car ils ont lu des livres et déjà monté un projet de café associatif/de ferme biologique sans même s’être rendus sur le lieu où ils comptent s’installer. Ces « doux rêveurs », à la tête farcie de certitudes, qui s’imaginent savoir mieux que les gens du cru comment insuffler de nouveau la vie à leur village déserté. Forcément, dans de tels cas, les individualités se heurtent. Une invitation à l’humilité donc, nécessaire pour « Ne pas arriver en conquérant » dixit l’autrice et ne pas braquer contre soi les habitants.

Si vous avez des projets de développement, il faudra les partager avec les locaux qui connaissent bien mieux que vous la vie « ici », leurs besoins, ce qui peut marcher et échouer. Ne pas bousculer les habitudes, mais progresser pas après pas. Apprendre à faire ensemble, pour ne pas se diviser. Faire accepter votre projet novateur, l’adapter et ainsi s’implanter durablement. S’ouvrir aux autres, échanger, car si vous apportez des connaissances, vous en aurez tout autant à recevoir. Dans le cas contraire, les plus beaux projets tournent court et les révolutionnaires repartent dépités, laissant derrière eux amertume, regrets et une hausse des prix immobiliers. Et une fracture élargie entre « citadins » et « campagnards ».

L’autrice en pleine écriture de son prochain livre. Crédit : Aurélie Delahaye

Pour conclure, nous avons demandé à Aurélie, désormais forte de son expérience, ce qu’elle changerait si elle devait tout recommencer :

« Rien du tout ! Mais c’est ma philosophie de vie. Et puis, surtout, s’installer à la campagne quand on est citadin ou citadine, c’est avant tout un coup de folie, alors même s’il est important de se poser les bonnes questions avant de se lancer, et de ne pas avoir une vision idyllique des choses (c’est bien pour ça que j’ai écrit ce livre « sans filtre »), de toutes façons, on ne pourra pas tout prévoir, ni tout cadrer, à un moment, il faut juste se jeter à l’eau.« 

A présent, si vous souhaitez toujours vous installer à la campagne, vous avez toutes les cartes en main pour sauter le pas !

S. Barret

Pour vous procurer « Tu veux vraiment habiter à la campagne ?! », rendez-vous de préférence chez votre libraire !


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