Alors que les photographies de loups tués circulent sur les réseaux sociaux français, dont une paire de très jeunes louveteaux abattus début septembre dans le Vercors, une étude vient couper l’herbe sous le pied du gouvernement. Parue dans la revue scientifique « Frontiers in Ecology and The Environment », une étude menée à l’international révèle l’échec de certaines pratiques en termes de protection des troupeaux. Selon ses résultats, tuer les loups, qui évoluent au sein de meutes structurées, ne résoudrait en rien les problèmes rencontrés par les éleveurs. Bien au contraire ! Explications.
En juillet dernier, la ministre française de l’environnement, Ségolène Royal, donnait son feu vert à la création de brigades d’abattage des loups pouvant agir sur le territoire français. Motif, protéger le modèle économique des éleveurs qui auraient vu le nombre d’attaques augmenter sur leurs troupeaux avec des conséquences commerciales parfois lourdes. Les solutions alternatives ayant été éloignées du débat, c’est donc la mise à mort qui sera la solution retenue pour les pouvoirs publics, les chasseurs et les éleveurs. Si le phénomène reste peu médiatisé, une dizaine de loups auraient été ainsi tués sur tout le territoire, l’arrêté autorisant « officiellement » le tir de 36 loups maximum. Mais voilà, la pratique n’aurait rien de concrètement efficace, si on en croit cette étude récente menée au niveau international.
Photographie : www.leklanduloup.fr
Des méthodes dont l’efficacité n’a jamais été prouvée
L’introduction de l’article scientifique intitulé « Le contrôle des prédateurs ne devrait pas être un tir à l’aveugle » (Predator control should not be a shot in the dark), part de ce constat : jamais les méthodes létales et non-létales vouées à repousser les prédateurs n’ont vu leur efficacité scientifiquement testée. En effet, il n’a jamais été établi que ces techniques permettaient réellement de diminuer le risque d’attaques sur le bétail, ou qu’elles ne participaient pas à des dégradations écologiques. Le groupe s’est donc penché sur l’efficacité de chaque technique individuellement en vue d’en tirer un comparatif.
Afin de réaliser leurs recherches, les scientifiques se sont informés auprès de différentes fermes situées aux États-Unis et en Europe, et ont tenté d’évaluer l’efficacité de 5 méthodes non-létales et de 7 autres. Sur les 12 méthodes analysées, seulement la moitié — dont 4 n’induisant pas la mort du prédateur — a démontré son efficacité dans la protection des troupeaux domestiques. Les autres n’ont quant à elles témoigné soit d’une efficacité nulle sur l’endiguement des attaques, soit une aggravation dans le nombre de celles-ci.
Photographie : Arne von Brill
Le coup de fusil, plus dangereux qu’il n’y paraît
Ainsi, les méthodes impliquant la mort de l’animal, comme c’est souvent le cas pour les loups, se sont révélées bien moins efficaces que les méthodes de dissuasion qui peuvent exister. La chasse réglementée et l’abattage encadré ont notamment rapporté des résultats négatifs et seraient à l’origine d’une hausse du nombre d’attaques lorsqu’ils sont utilisés. Les méthodes mortelles dans leur globalité (chasse, appâts empoisonnés et pièges) ne seraient en réalité efficaces que dans 29% des cas, et dans une moindre mesure. Dans 43% des cas, au contraire, les dégâts infligés aux troupeaux augmentent après la mise en place de la mesure d’abattage.
Les méthodes qui épargnent les prédateurs, en revanche, ont démontré leur efficacité dans 80% des cas avec des pertes moins élevées pour les éleveurs. Moralité, un simple chien de troupeau bien formé, ou encore l’utilisation de rubans répulsifs semblent bien plus efficaces que de décocher son fusil.
Photographie : Tambako The Jaguar
Le loup, animal social au rôle essentiel
La raison pour laquelle l’abatage ne fonctionne pas est très simple à comprendre. Dans le cas spécifique des loups, ces écarts de résultat s’expliquent par l’éventualité qu’un membre important de la meute soit tué. Si celui-ci jouait un rôle clé dans la recherche de nourriture, il est alors possible que les autres loups s’en remettent à eux-mêmes dans la réalisation de cette tâche. D’où une multiplication des attaques. Ainsi, l’abatage se voit être une solution de facilité qui ne réclame aucune compréhension du comportement de l’animal, générant passablement un effet inverse à celui escompté. Pour les organisations de protection des animaux, il est regrettable que les plus hautes instances de l’État ne prennent pas en compte ces éléments d’ordre factuel.
Rappelons également que le loup reste une espèce protégée. Tirer à l’aveugle sur ces prédateurs, en plus de n’arranger en rien les problèmes rencontrés par les fermiers (sauf psychologiquement et politiquement), contribue à la mise en péril de l’espèce. Or, de nombreuses études ont déjà témoigné de l’importance du loup (et des prédateurs) dans l’équilibrage et la préservation de nos écosystèmes. La réintroduction du loup dans le parc de Yellowstone, aux États-Unis, a par exemple fait des merveilles en termes de biodiversité et de rééquilibrage géographique. Espérons donc que les résultats de l’étude évoquée parviendront à trouver écho dans les réglementations internationales afin qu’une solution adaptée soit étudiée dans le calme et la raison.
Sources : LeMatin.ch / Article : Predator control should not be a shot in the dark