Après le livre Le climat n’est pas le bon combat, dans lequel il fustige l’inaction et les fausses solutions face aux enjeux non seulement climatiques mais aussi sociétaux, Jean-Christophe Anna revient avec sa suite : Écrivons ensemble un nouveau récit pour sauver la vie. Le ton fataliste a laissé place à un souffle d’espoir. Alors que l’auteur affirmait initialement que « la transition est morte » et l’« utopie bornée », son nouvel ouvrage invite de manière « vitale » à la « révolution »à travers une « utopie éclairée ».

En octobre 2020 Jean-Christophe Anna nous accordait une interview, au cours de laquelle il relatait son parcours et sa prise de conscience face à l’urgence écologique et l’effondrement en cours. Il nous exposait également son projet ambitieux pour y faire face : le développement de micro-sociétés auto-gérées. Un propos alimenté et appuyé par de nombreuses références aux travaux de chercheur·euses, de scientifiques, d’ONGs, de médias, etc. qu’il ne manque pas de citer pour permettre aux lecteur·ices d’aller nourrir leurs propres réflexions en parallèle de celles qu’il développe.

Le climat n’est pas le bon combat !

Le premier tome, Le climat n’est pas le bon combat – Utopie bornée, la transition est morte, dresse un constat sévère sur la crise que l’humanité traverse dont le climat n’est qu’un symptôme et qui est pourtant le seul facteur mis en avant par les médias mainstream. À la crise climatique s’ajoute une urgence sociale et écologique toute aussi vitale. Son origine est à chercher dans l’anéantissement du vivant en cours depuis l’avènement de notre civilisation industrielle.

Couverture de l’ouvrage Le climat n’est pas le bon combat ! publié aux Éditions L’Archipel du Vivant en juillet 2020  

Y a-t-il besoin de rappeler que l’espèce humaine fait partie du vivant ? Son anéantissement et l’effondrement de notre civilisation sont intrinsèquement liés. Cet effondrement, Jean-Christophe Anna le présente sous la forme de « 12 dominos » interconnectés, sous-tendus de facteurs anthropologiques, psychologiques et sociologiques. Ce maillage explique notre inertie. Les premiers effets en sont d’ores et déjà perceptibles : apparition de zoonoses, creusement des inégalités de richesse et d’accès aux ressources essentielles, fréquence accrue de phénomènes climatiques extrêmes…

Pour finir ce premier volet, l’auteur démantèle les fausses solutions mises en avant par le système capitaliste et libéral qui nous gouverne : les énergies « propres », la transition écologique, la croissance verte, le développement durable, la neutralité carbone, le Green New Deal, le Pacte Finance-Climat, l’économie bleue, le mirage du progrès technologique, les COP(s) et autres « Sommets de la Terre » inutiles, la farce de la Convention Citoyenne pour le Climat, etc. Autant d’utopies pour rassurer les citoyen·nes et s’assurer de leur docilité. Pendant ce temps, le business perdure as usual. Le constat décrit est sombre : il n’y a plus rien à attendre des dirigeant·es politiques et des responsables économiques – multinationales du commerce, des énergies, etc. – situé·es au plus haut niveau décisionnaire, déconnecté·es du réel et qui s’acharnent à maintenir coûte que coûte un système nous menant droit dans le mur.

Ces affirmations peuvent laisser aux lecteur·ices un sentiment amer d’impuissance et de découragement : Que faire à notre échelle ? Comment agir ?

C’est dans le second tome Écrivons ensemble un nouveau récit pour sauver la vie ! – Utopie éclairée, la révolution est vitale que l’auteur nous livre ses réponses et nous fait voir la lumière au bout du tunnel, quand bien même les défis qui nous attendent sont immenses. Ne rien faire équivaut à détourner les yeux de la comète qui arrive pour nous anéantir ou à croire qu’il va être possible de l’arrêter #DontLookUp.

Écrivons ensemble un récit pour sauver la vie !

Couverture de l’ouvrage Écrivons ensemble un nouveau récit pour sauver la vie ! publié aux Éditions L’Archipel du Vivant en novembre 2021

Dans la continuité de la première publication, le ton adopté par Jean-Christophe Anna demeure direct voire acerbe, sans concession ni consensualité, pour aller droit au but. Car nous n’avons plus le temps martèle l’auteur :

« Il nous faut absolument tout repenser, requestionner, tout déconstruire, déconditionner. Transition ? Non, RÉVOLUTION ! » Jean-Christophe Anna 

Jean-Christophe Anna est dur mais lucide. Il nous invite à prendre notre courage à pleines mains, arrêter de nous voiler la face et enfin admettre qu’il va être impossible de garder notre niveau de vie et de confort si l’on veut endiguer notre empreinte carbone. Cette remise en cause globale qui est au cœur de ce nouvel opus. L’auteur assène qu’il est trop tard pour se lamenter sur les dégâts immenses qui ont déjà été causés. Cependant, nous pouvons – et même, devons – infléchir la trajectoire dramatique que nous suivons actuellement pour survivre ; rien de moins.

Cette prise de conscience pour déconstruire notre mode de pensée formaté est brutale. Elle est pourtant nécessaire pour bâtir une société plus égalitaire, responsable et respectueuse de toutes les formes de vie. Un système corrompu et dysfonctionnel, qui ne peut se maintenir à long terme et qui a perdu la confiance des citoyen·nes (du moins celleux qui en pris conscience) doit se transformer. Depuis des décennies maintenant les ONGs, les marches citoyennes, les scientifiques, le GIEC lancent l’alerte, en vain ! Le rapport Meadows sur les limites de la croissance célèbre tristement ses cinquante ans en 2022. Trop peu de chemin vers plus de justice sociale et écologique a été parcouru alors que l’humanité court toujours plus vite vers son extinction.

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« le Monde se divise en deux catégories, celles et ceux qui ont compris (et accepté) qu’il fallait changer De Système, et celles et ceux qui pensent encore pouvoir changer Le Système » Jean-Christophe Anna

L’auteur ajoute que pour sauver la vie, celle des humain·es, de la biodiversité animale et végétale, c’est vers la préservation de ce qu’il reste du vivant que nos efforts doivent se concentrer en priorité. Restaurer, soigner, protéger, « sanctuariser et réensauvager » un environnement que nous avons jusqu’à présent détruit. La solution ne peut venir que de nous, « la base », tant celleux « d’en-haut » nous ont démontré la force de leur inaction, l’arnaque de greenwashing dont se nourrie le capitalisme sous le concept rassurant de « transition écologique ».

Intervention de Jean-Christophe Anna à la Foire ÉcoBio de Colmar le 27 mai 2022 © François Perrin

Pour être cohérent avec cet ambitieux défi, il nous faut aussi en relever d’autres :
> Repenser les droits et devoirs humains vis-à-vis des autres formes de vie contre l’anthropocentrisme dominant qui les surexploitent (déforestation, pollution des terres et des océans, agriculture intensives, etc.).
> Déconstruire notre mode de vie urbain – aujourd’hui artificialisé – pour se diriger vers un biocentrisme où le vivant sera intégré et non plus bétonné.
> Revoir notre démocratie défaillante alignant lois liberticides sur fake news pour parvenir enfin à une souveraineté entière des peuples via l’auto-gestion, le bio-régionalisme et l’anarchisme (au sens politique du terme).
> Rebâtir notre économie – ainsi que la finance – sous l’angle de la résilience contre celui de la destructrice et mythique croissance infinie qui privilégie les profits immédiats pour une infime classe d’oligarques et condamne l’habitabilité de notre unique terre pour tous·tes.
> Refonder notre vision de l’enseignement, des connaissances indispensables à acquérir (sur la nature, la culture de son alimentation, les plantes essentielles) et les moyens de s’informer autres que les médias de milliardaires imposant les idéologies favorables aux intérêts de leur propriétaire.
> Questionner le travail pour qu’il devienne utile et épanouissant (ikigai) et bousculer la consommation qui génère aujourd’hui gâchis et gaspillage.
> Imaginer la notion de bonheur basée sur la mise en commun, le partage et l’entraide plutôt que sur les futilités de la réussite matérielle et sociale.

C’est notre société toute entière qui est concernée. Les 18 défis résumés ci-dessus, et méthodiquement décrits par Jean-Christophe Anna dans son ouvrage, s’interconnectent, se complètent en vue de réaliser l’unique « révolution vitale pour l’ensemble des espèces végétales et animales qui peuplent Gaïa ».

Après la présentation de son projet radical, l’auteur conclut par le récit de quelques exemples d’actions victorieuses et inspirantes que furent Ecotopia, Cascadia, le Chiapas, le Rojava et la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Autant d’expériences qui nous (dé)montrent que l’utopie éclairée est possible puisqu’elle existe d’ores et déjà en ces lieux.

Une fresque dessinée par Vito pour son livre Utopique ! que Mr Mondialisation vous a déjà présenté

Pour conclure, laissons le dernier mot à l’auteur qui se dit « rebelle amoureux du vivant » :

« Notre situation n’est pas simple, elle est éminemment complexe et nous avons grandement besoin de changer radicalement de prisme pour engager cette révolution. Ce n’est pas une révolution armée comme en 1789 ou toutes les autres révolutions humaines qui ont au final échoué. Non, il s’agit d’une révolution de la même envergure que les révolutions cognitive, agricole et industrielle qui l’ont précédée. Ces trois premières ont abouti à la destruction du Vivant. La quatrième doit impérativement le restaurer. C’est notre défi ultime, c’est notre dernière chance. Vive la vie, vive le vivant ! ».

L’Archipel du Vivant, ONG co-fondée par Jean-Christophe Anna qui s’est donnée la mission de développer la résilience locale, de faciliter la coopération entre les initiatives alternatives pour créer un monde écologiquement soutenable qui prend soin du vivant, sans rapport de domination. Les livres de Jean-Christophe Anna sont disponibles sur le site de l’ONG L’Archipel du Vivant que les ventes financent à 100%. Imprimés en France, ils contiennent du papier 100% recyclé non blanchi. L’encre est à base d’eau et de pigments naturels pour l’intérieur et une couverture non pelliculée à l’encre végétale.

S. Barret

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