À l’occasion de la 77e Assemblée Générale des Nations-Unies, 238 organisations du monde entier ont appelé les dirigeants politiques à agir pour « stopper la crise mondiale de la faim » à travers une lettre ouverte poignante publiée le 20 septembre dernier. 345 millions de personnes souffrent aujourd’hui de faim aiguë à travers le monde, un nombre qui a plus que doublé depuis 2019. En cause : les conflits, les catastrophes climatiques, les crises économiques,… Mais aussi et surtout, l’inaction politique. « Il s’agit de l’injustice de l’humanité tout entière », clament les associations de lutte contre la faim.
Toutes les quatre secondes, une personne meurt de faim quelque part dans le monde. Voici le constat alarmant que dressent plus de 200 ONG à l’aube de la réunion annuelle de l’Assemblée Générale des Nations-Unies. Les organisations de lutte contre la faim appellent les dirigeants politiques réunis à New-York (Etats-Unis) à « agir pour stopper la crise mondiale de la faim » à travers une vibrante lettre ouverte.
« Nous, soussignées, les 238 organisations non gouvernementales travaillant avec les communautés les plus vulnérables et témoins des effets catastrophiques de la crise alimentaire mondiale sans précédent qui se déroule, vous demandons instamment d’agir immédiatement pour éviter davantage de souffrances inutiles », commencent les signataires de plus de 75 pays.
Au XXIe siècle, les famines sont plus que jamais d’actualité
Episodes de sécheresse extrême, désertification, inondations destructrices, conflits, crises économiques…. Cinquante millions de personnes ne se retrouvent plus qu’à un pas de la famine aujourd’hui. Plus de 345 millions d’autres ploient sous le poids écrasant de la faim, luttant pour nourrir leur famille au quotidien.
« De la Somalie à Haïti, du Sud-Soudan au Yémen, de l’Afghanistan au Nigeria, les vies des personnes vivant dans les contextes les plus fragiles sont dévastées par une crise alimentaire mondiale », continue la lettre. Pour Soumaya, mère de quatre enfants, le quotidien dans un camp de personnes déplacées dans la région de Somali, en Éthiopie, est brutal : « pas d’eau, pas de nourriture, une vie sans espoir. Par-dessus tout, mes enfants sont affamés. Ils sont sur le point de mourir. S’ils ne reçoivent pas de nourriture, j’ai peur qu’ils ne meurent. »
Des millions de vies touchées
Derrière chaque statistique « se cachent en effet de vraies personnes », rappellent les ONG, qui déplorent l’inaction politique et ses conséquences terribles et bien réelles sur la vie et la mort de milliers de familles.
« Pour la femme qui a fui son pays pour échapper à la violence de la guerre et qui voit maintenant sa ration alimentaire réduite de moitié ou complètement mise en suspens. Pour l’enfant affamé contraint d’abandonner l’école pour travailler afin que sa famille puisse manger. Pour la jeune fille contrainte au mariage, où elle est confrontée à l’exploitation et aux abus sexuels. Et pour le soignant qui effectue un long voyage pour chercher un traitement pour un jeune enfant souffrant de malnutrition sévère et qui découvre que la clinique est fermée en raison d’un manque de fonds », retracent les auteurs de la lettre ouverte.
Plusieurs facteurs expliquent en partie cette insoutenable situation. « La crise mondiale de la faim a été alimentée par un mélange mortel de pauvreté et d’injustice sociale. Les inégalités, les conflits, le changement climatique et les chocs économiques, avec les effets persistants de la pandémie de COVID-19 et la crise en Ukraine font encore grimper les prix des denrées alimentaires et le coût des vivant », détaillent les organisations dans un communiqué.
Des pays particulièrement vulnérables aux changements climatiques
Rien que dans les pays les plus exposés aux catastrophes climatiques, la « faim aiguë » a plus que doublé en six ans, révèle le dernier rapport d’Oxfam intitulé La faim dans un monde qui se réchauffe, qui décompte plus de 48 millions de personnes souffrant gravement de la faim contre 21 millions en 2016, soit une augmentation de 123%.
À titre d’exemple, la Somalie est actuellement confrontée à la pire sécheresse qu’elle n’ait jamais connue. D’après les estimations de l’organisation, la famine éclatera dans les deux villes de Baidoa et Buur Hakaba. Un million de personnes ont déjà été contraintes de fuir leur foyer en raison de la sécheresse.
Au Niger, 2,6 millions de personnes souffrent aujourd’hui de la faim aiguë, ce qui représente une augmentation de 767 % par rapport à 2016. « La production céréalière a chuté de près de 40 % : les chocs climatiques récurants, joints aux conflits en cours, ont rendu les récoltes de plus en plus difficiles. La production des denrées alimentaires de base comme le millet et le sorgho risque de s’effondrer encore de 25 % si le réchauffement mondial dépasse les 2 °C », déplorent les auteurs du rapport, pour qui la faim due aux événements climatiques est une preuve criante des inégalités mondiales.
En effet, les pays les moins responsables de la crise climatique sont malheureusement ceux qui en subissent le plus les conséquences, alors qu’ils disposent de moins de ressources pour y faire face.
Une inégalité grandissante
Alors qu’ils ne sont responsables que de 0,13% des émissions de carbone à l’échelle mondiale, les dix pays les plus sensibles aux risques climatiques se situent dans le dernier tiers du classement des pays les mieux préparés pour faire face aux changements climatiques.
« En revanche, les pays industrialisés et polluants comme ceux du G20, qui contrôlent 80 % de l’économie, sont responsables de plus des trois quarts des émissions mondiales de carbone », poursuit Guillaume Compain, chargé de plaidoyer climat et énergie chez Oxfam France.
Selon l’ONG, les profits issus de moins de 18 jours d’activités des entreprises du secteur des énergies fossiles, soit environ 49 milliards de dollars, permettraient de financer la totalité des appels humanitaires de l’ONU pour 2022. Pour que ces inégalités insensées cessent, les organisations signataires de la lettre ouverte appellent à une mobilisation sincère et immédiate de la part des dirigeants. « Nous appelons les États membres de l’ONU à faire preuve de leadership politique face à la crise alimentaire mondiale en traduisant les promesses en actions immédiates. La prévention et l’atténuation de la famine, maintenant et à l’avenir, doivent être une priorité absolue lors de l’Assemblée générale des Nations Unies de cette année »
Des engagements politiques ambitieux sont attendus
Pour les associations de lutte contre la faim, ces engagements doivent se traduire avant tout par un financement suffisant, rapide, flexible et pluriannuel des projets permettant de sauver la vie des 882 000 personnes qui souffrent actuellement d’une faim catastrophique et pour empêcher que 50 millions de personnes supplémentaires ne sombrent dans des niveaux de faim comparables. Parallèlement, d’autres actions doivent s’atteler à renforcer la résilience des systèmes alimentaires mondiaux et des pays les plus vulnérable. Cela passera notamment par le soutient des « petits exploitants agricoles, hommes et femmes, pour accroître de manière durable la production locale d’aliments culturellement appropriés, sûrs et nutritifs ».
Enfin, un objectif de sécurisation de l’avenir se dessine également en octroyant davantage de fonds à titre de subventions (et non de prêts à intérêts comme c’est souvent le cas) aux populations vulnérables. Les organisations appellent aussi à un allègement de la dette des pays concernés.
« Dans un monde d’abondance, laisser les gens mourir de faim relève d’un choix politique », concluent très justement les ONG.
– L.A.