L’Hexagone est un grand consommateur de papier. Nous en utilisons plus de 346 kilos par seconde, soit environ 11 millions de tonnes par an. Un appétit qui pèse lourdement sur notre bilan écologique. Vecteur de déforestation massive à l’étranger et gourmande en eau, cette industrie lourde est aujourd’hui en pleine mutation. Immersion dans la chaîne de production de ce matériau si familier, à travers la fabrication d’un simple livre.

[Durant la semaine du 28 novembre au 5 décembre, la chaîne Arte a diffusé une série de 10 courts-métrages plutôt déroutants, sous le nom de « Product ». Le concept est novateur. Il plonge le spectateur en immersion totale dans la chaîne de production de divers produits de consommation de masse. En se plongeant dans les yeux d’un produit, ces films retracent le parcours invisible des biens que nous consommons. À travers le carnet de route de bonbons, crevettes, textiles ou même des extensions de cheveux, ces images insistent particulièrement sur la distance, et donc pollution, des trajets parfois absurdes effectués par une même cargaison. Sans autre commentaire qu’un compteur kilométrique, Arte nous dévoile ainsi la face cachée de la mondialisation.]

Logging Truck Approaching Paper MillImage : jenike.ocm

De l’arbre à la couverture, l’incroyable épopée du papier

La technique de fabrication du papier repose sur l’isolement des fibres de cellulose végétale présentes dans les arbres (ou autres végétaux), grâce à des procédés mécaniques ou, de plus en plus, à des procédés chimiques. On reproche à l’industrie du papier d’être extrêmement vorace en énergie, principalement à cause des longs trajets effectués par les troncs d’arbre jusqu’aux usines. Mais le plus alarmant est sûrement la quantité astronomique d’eau nécessaire à sa fabrication. Les rondins de bois passent en effet par toute une série de traitements afin d’éliminer tout ce qui n’est pas de la cellulose. Ces résidus de bois sont broyés jusqu’à obtenir de la pâte à papier, qui, étirée, puis séchée, permet de produire des bobines de plusieurs dizaines de mètres de papier. Un procédé qui réclame des quantités d’or bleu démesurées.

Ainsi, comme nous le démontre ingénieusement cet épisode de Product, 500 litres d’eau sont nécessaires à la fabrication d’un seul kilo de papier. Une nécessité qui génère un impact environnemental local lourd qui fait aujourd’hui débat, d’autant plus qu’à cette problématique s’ajoute celle d’une déforestation systématique qui nuit à la biodiversité des forêts (revoir le reportage de #datagueule). En effet, de nombreuses forêts naturelles ont tendance à disparaître au profit de plantations intensives d’arbres destinés à l’industrie du papier. Le rendement pose également question, puisqu’on estime que trois tonnes de bois sont nécessaires à la fabrication d’une seule tonne de papier

Au total, ce sont donc 2658 km parcourus entre les forêts finlandaises et la librairie dans laquelle est vendu le livre que l’équipe à décidé de suivre. Mais le domaine littéraire est bien loin d’être le seul concerné par la consommation du papier. À l’heure du tout numérique, on a longtemps cru que la demande en papier allait diminuer dans les bureaux alors que l’information se dématérialisait. Il semblerait que le processus ne se soit pas passé comme prévu… Le papier représente près de 70 % des déchets générés par les activités tertiaires. En pratique, près de 77% des factures numériques seraient imprimées par les entreprises. La version papier conserve cette caractéristique, au moins symbolique, d’archivage de long terme. En France, la consommation de papier a ainsi augmenté de 18% en 10 ans (2003-3013) pour ensuite légèrement décroître à partir de 2005.

En dépit de cette situation, il existe des alternatives viables. L’utilisation de papier recyclé permet notamment d’économiser jusqu’à 90% de l’eau nécessaire à la fabrication d’une même quantité de feuilles. Par ailleurs, la gestion rationnelle et durable des forets reste une option possible et divers labels s’assurent volontiers de cette bonne gestion. De belles avancées qui, on l’espère, seront suivies par les consommateurs dans leurs choix au quotidien.


Sources : future.arte.tv / wikipedia.org / Image à la une Romeo Gacad – AFP

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