En dénonçant le manque de transparence des membres du parlement européen Nigel Farage, Renato Soru and Michele Alliot-Marie, Transparency International EU* relance le débat sur l’indépendance des élus et l’évolution des règles pour mieux contrôler leurs activités exercées en plus de leur mandat.
Transparency International EU a adressé le 24 juillet dernier une lettre au Président du Parlement européen pour dénoncer la violation des règles éthiques par au moins trois eurodéputés. Les trois députés en cause sont Nigel Farage (Royaume-Uni), Renato Soru (Italie) et Michele Alliot-Marie (France). Tous trois déclarent des revenus mensuels qui dépassent 10 000 euros, mais n’ont pas apporté de détails à propos des activités qu’ils mènent en dehors du cadre de leur mandat, alors que c’est une obligation dans leur situation.
« Comment peut-on savoir s’ils votent dans l’intérêt commun et non pas dans leur propre intérêt »
Suite à un changement dans les règles éthiques du parlement européen en janvier, les députés disposaient de 6 mois pour mettre à jour leurs informations relatives aux activités autres que celles de parlementaire européen ainsi qu’à leurs revenus. Les trois parlementaires contre qui porte la plainte n’avaient pas rempli leurs obligation à la date butoir, le 16 juillet dernier. Or, selon Transparency International EU, ces trois parlementaires font partie des rares membres de l’assemblée dont les revenues dépassent les 10 000 euros mensuels.
Pour Transparency international, ce manque de transparence pose des questions en terme de neutralité : comment être certain que les élus, qui mènent des activités parallèles à celle de leur mandat, prennent des décisions en toute indépendance dans le cas où ils perçoivent d’importantes rémunérations liées à des activités tierces dans le privé ? « Je ne sais pas combien les députés gagnent à côté et dans quel cadre, comment peut-on savoir s’ils votent dans l’intérêt commun et non pas dans leur propre intérêt » interroge Daniel Freund de Transparency International EU.
À ce jour, 751 membres du parlement déclarent 1217 activités parallèles pour des revenus annuels atteignant entre 4,7 et 12,9 millions d’euros. Une approximation qui en dit long sur la transparence des revenus des parlementaires européens. Sur base de ces déclarations uniquement, 103 de ces activités complémentaires seraient directement enregistrées auprès de lobbies. Les autres 90% déclarent des activités génériques de « freelance » ou de consultance… Difficile donc d’affirmer à quoi ces activités sont liées.
Daniel Freund estime qu’il appartient au Parlement européen de « de rectifier la situation aussi vite que possible » et demande à ce que les députés soient condamnés, si une atteinte au code de conduite est constatée. En France, à l’initiative de l’organisme, une pétition s’adressant directement à Michèle Alliot a été lancée. Elle réclame à l’euro-député de respecter les règles en vigueur : « Nous avons le droit de savoir quels intérêts sont servis par nos représentants élus au Parlement. Dites-nous qui vous paie : dites-nous quels sont les enjeux financiers – maintenant ! » plaident ainsi les organisateurs.
Transparency International EU demande à ce que les règles évoluent
Selon l’organisme, il est urgent de réformer le Parlement européen. « Nous avons besoin de contrôles efficaces et de sanctions suffisantes pour assurer que les parlementaires pour assurer que les parlementaires partagent toutes les informations utiles », rappelle Transparency International EU, selon qui les règles en vigueur ne permettent pas d’éviter d’éventuels conflits d’intérêts. Pour cette raison, sont réclamaient des règles plus strictes et plus effectives : il ne s’agit pas seulement de mettre en place des sanctions contraignantes, mais surtout d’établir des règles qui empêchent l’apparition de ces situations, dans un esprit de prévention. Il s’agit, par exemple, de légiférer sur le cumul des emplois, notamment dans les lobbies.
À l’image de cette affaire, les confits d’intérêts sont au centre des enjeux démocratiques contemporains aussi bien sur le plan national qu’européen. Diverses voix issues de la société civile s’élèvent pour demander la mise en place de garde-fous. Très régulièrement, l’actualité met sur le devant de la scène médiatique des doutes sérieux quand à l’intégrité des députés qui portent une double casquette. Or, dans un contexte où les multinationales gagnent toujours plus en pouvoir économique, il est urgent de rétablir un état de confiance, car le discrédit qui pèse sur les élus entame également la politique.
Certains pays, et notamment les pays scandinaves, font de la transparence une véritable culture. Ils ont instauré depuis longtemps des règles strictes vis-à-vis des élus. Elles portent leurs fruits, puisque ces pays font partie des moins corrompus au monde. Faut-il s’inspirer d’urgence de leur modèle ?
Sources : transparency.eu
*Transparency international se définit comme « un mouvement mondial animé par une vision : un monde dans lequel les États, les entreprises, la société civile et les individus dans leur quotidien seraient épargnés par la corruption sous toutes ses formes ».
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