Lorsque nous avons décidé de retracer dans un livre les 10 années d’information indépendante publiées chez Mr Mondialisation, nous avons tenu, en toute cohérence, à travailler avec un co-éditeur indépendant et engagé : Les éditions Massot. Pour l’occasion de la sortie du livre, nous inversons les rôles et laissons la plume le temps d’un article au fondateur de la maison d’édition : Florent Massot.
Quid de l’empreinte des livres publiés chez les éditions Massot, qu’ils soient sous la forme papier ou numérique ? Éditeur indépendant et militant depuis 40 ans, j’ai plus à cœur de faire circuler les idées que l’objet livre en soi. Pourtant, j’ai choisi ce support pour l’expérience sensorielle inédite qu’il offre. Pour l’approfondir, je vous emmène dans les coulisses des éditions Massot.
Imprimer ou ne pas imprimer
Alors que les technologies numériques ont révolutionné la façon dont nous accédons à l’information et aux divertissements, les livres papiers continuent d’être produits et consommés à grande échelle malgré leur impact écologique. La production de livres numériques ne serait pas pour autant la solution. À chaque fois que nous publions des livres, la question se pose : Devons-nous puiser dans les ressources planétaires pour publier des livres qui défendent la sauvegarde de celles-ci ?
Le bilan écologique comparé du livre numérique et du livre papier est assez difficile à réaliser. Il existe plusieurs études mais la plupart du temps elles sont partisanes et les chiffres varient à la faveur du commanditaire. Amazon a commandé à Cleantech une étude qui défend que sa liseuse Kindle ne serait responsable que de l’émission de 168 kg de CO2, alors qu’un seul livre le serait de 7,4 kg.
À l’inverse, l’étude commandé par Hachette livre qui plebiscite la production du livre papier estime quant à elle que la fabrication d’un livre émettrait 1,3 kg de CO2, quand une liseuse Sony Reader 1re génération en produirait 235 kg. Dans le premier cas, il faudrait lire 23 livres pour que la liseuse soit écologiquement rentable. Dans le deuxième, il en faudrait 180. La réalité se situe sans doute entre les deux.
La difficulté d’imprimer écologiquement
Depuis une vingtaine d’années, en tant qu’éditeur indépendant et militant j’ai essayé de faire des livres avec la meilleure empreinte écologique et sociale mais c’est loin d’être facile. Il y a quelques années, nous avions un imprimeur dans l’est de la France qui essayait d’être le plus vertueux en utilisant de l’encre végétale, du papier recyclé et qui utilisait des systèmes d’aération permettant aux salariés de l’imprimerie de respirer le moins possible les particules fines qui se dégagent des machines d’impression (il y a beaucoup de cancer du poumon dans cette profession) mais le coût de ces livres était de plus de 50% du prix d’un livre imprimé industriellement. L’imprimerie a fermé car les éditeurs n’étaient pas prêts à payer ce surcoût, et les lecteurs n’auraient sans doute pas été prêts à supporter une augmentation du prix du livre en conséquence.
Après leur fermeture, j’ai bien sûr continué à privilégier l’impression de proximité, soit en Île-de-France ou dans les régions autour afin de limiter le transport entre l’imprimerie et notre stock chez le distributeur. J’ai essayé d’utiliser des papiers recyclés mais la dernière fabrique en France de papier recyclé pour l’impression de livre – Arjowiggins dans la Sarthe en 2019 – a fermé en 2019, faute de volonté politique qui aurait pu soutenir et subventionner cette fabrication afin d’arriver à des prix concurrentiels et que cela puisse rentrer dans les mœurs car de la même manière, les éditeurs n’étaient pas prêts à payer plus cher un papier recyclé, certes moins beaux mais plus vertueux et sans doute le lectorat non plus. Pour un papier qui comporte déjà des certifications écologiques qui coûtait 1€, il fallait compter vingt centimes de plus en moyenne pour un recyclé de bonne qualité fabriqué en France.
Le papier recyclé est souvent moins souple et moins blanc même si de gros progrès ont été fait. Il est vrai que nous avions des remarques sur l’objet du livre, un peu plus dense et lourd. C’est donc tout un travail d’éducation au niveau du lectorat et au niveau de la chaîne du livre qu’il faudrait faire. Certains éditeurs font du greenwashing en utilisant du papier recyclé qui provient d’usines lointaines. Quand on commande ce papier recyclé en Chine ou aux États-Unis et que l’on imprime en France, l’empreinte écologique de ce livre est catastrophique même si on peut marquer en gros : livre imprimé en France sur du papier recyclé !
Le livre des 10 ans de Mr Mondialisation
Pour parler de la production du livre Vous êtes l’Évolution publié pour les 10 ans de Mr Mondialisation, nous avons cherché à rendre ce livre le plus vertueux. Nous avons quand même pris le parti de faire un beau livre, ce qui veut dire de la couleur à la place du noir et blanc donc 4 fois plus d’encre.
Mais les encres utilisées pour ce livre ont comme principaux constituants des ingrédients issus de matières premières renouvelables. Ces encres standards contiennent une part importante d’huiles végétales telles que l’huile de lin ou l’huile de soja. Aucune huile minérale n’est introduite volontairement dans la formulation de ces encres et vernis gras. L’ensemble des encres et vernis utilisés pour ce livre ne contient aucun ingrédient issu d’organismes génétiquement modifiés (OGM).
Nous avons choisi aussi, puisque c’est un beau livre, un format un peu plus grand qu’un livre noir et blanc standard, ce qui entraîne plus de papier. Nous avons essayé de réduire l’empreinte en ne faisant pas de couverture cartonnée et en n’utilisant pas de pelliculage pour la couverture mais un vernis qui permet à l’encre de ne pas finir sur les doigts du lecteur.
Il est primordial de bien choisir la matière première de son livre. Nous avons choisi le grammage le plus faible possible sans qu’il ne soit transparent, le format le plus proportionné avec le moins de perte et utilisé un papier ayant obtenu le label Pan European Forest Certification (PEFC), ce qui permet d’identifier la provenance du bois venant de forêts gérées durablement.
Le PEFC a cependant été critiqué par des ONG pour ses failles systémiques qui autorisent la déforestation et permettent à des entreprises parfois douteuses en matière de droits humains de bénéficier de la certification. Il y a encore beaucoup à faire et à améliorer sur l’empreinte, l’éthique et la fabrication du papier, mais le PEFC est pour le moment le meilleur choix à défaut d’autres possibilités comme des papiers recyclés.
Nous avons essayé d’adapter notre production en réduisant les distances le plus possible avec un papier français et un imprimeur en France. Nous imprimons le livre à la Nouvelle Imprimerie Laballery qui se trouve en Bourgogne-Franche-comté au sud d’Auxerre. Elle est détentrice de la marque Imprim’vert, utilise des papiers PEFC et aucun produit toxique. Le distributeur est à Malsherbe en Seine-et-Marne. Il y a seulement 150 km entre les deux endroits.
L’empreinte carbone des livres
J’ai essayé de dimensionner l’empreinte carbone de nos livres. Cette une démarche complexe. Revenons aux fondamentaux : L’empreinte carbone, c’est le décompte des émissions de gaz à effet serre (les différents gaz qui réchauffent le climat terrestre) sur le cycle de vie d’un livre. On mesure la quantité d’émissions de gaz à effet de serre, convertis en « équivalent dioxyde de carbone » ce qui permet de convertir les différents gaz à effet de serre en une unité commune, en tenant compte de leurs effets variables sur le climat.
Selon les différentes études, comme nous l’avons vu, l’empreinte carbone d’un livre varie entre 1,2 kg pour un livre de faible pagination et 7,5 kg de CO2. Je me méfie de ces chiffres sans connaître le mode de calcul car cette empreinte, même à 7,5 kg de CO2, prend-elle bien tout en compte ? La méthode la plus honnête serait de prendre en compte le bilan carbone des trois étapes de la vie du livre : l’avant, le pendant et l’après.
Mais où s’arrête l’après et où commence l’avant ? L’avant, cela peut-être les émissions liées à la gestion des plantations d’arbres mais aussi le transport vers la fabrique de papier et de quelle manière est acheminé le bois ? Le pendant, c’est la fabrication proprement dite des matières premières (papier très chronophage en eau et les encres qui peuvent être très différentes dans leur impact selon qu’elles soient végétales ou minérales), puis la livraison de ces matières chez l’imprimeur. Jusqu’à l’impression et le brochage des livres en imprimerie. Mais est-ce que ce calcul prend bien en compte les ouvrages défectueux en bout de chaîne et la passe, c’est-à-dire les feuilles qui servent à caler la machine et qui finiront dans une benne ? Pour un livre en couleur cela peut être important.
L’après, ce sont toutes les interventions externes pour la distribution, l’empaquetage, le transport jusqu’aux points de vente… Il y a aussi une grande variable selon que ce livre soit imprimé en France ou en Asie avec les conséquences de sa livraison sur l’empreinte CO2. Mais l’après c’est aussi ce que génère un livre quand il est retourné par le libraire vers le distributeur puisque le libraire a la faculté de retourner les invendus et ce n’est certainement pas pris en compte à sa juste valeur dans ces calculs. Les calculs que l’on trouve prennent-ils réellement en compte le pilonnage (destruction) du livre ou encore son stockage ?
Le difficile recyclage des livres
J’ai une anecdote par rapport au groupe Hachette qui aujourd’hui s’engage à donner l’empreinte carbone de ses livres. J’avais participé à la réunion du syndicat national de l’édition lors de l’ouverture d’une section écologie. Le directeur de la communication d’Hachette était venu car le gouvernement de l’époque réfléchissait à faire passer une taxe sur un grand nombre de produits par rapport à leur empreinte écologique. Ce directeur, numéro 2 du 1er groupe d’éditions s’était déplacé en personne dans l’intention de convaincre les autres d’éditeurs de faire du lobbying pour éviter que le livre n’ait de taxe carbone. Son argument : « Un livre ça ne se jette pas ! »
Les livres invendus et retournés chez le distributeur par le libraire représentent 21,2% du flux « Aller » des commandes. « Un livre ça ne se jette pas ! » mais plus de la moitié de ces livres sont pilonnés soit en moyenne 26 300 tonnes chaque année. 100% des ouvrages mis au pilon sont censés partir au recyclage nous dit le SNE (Syndicat national de l’édition) pour en refaire du papier mais… Une couverture de livre pelliculée par exemple n’est pas recyclable. Mais il n’y a plus de fabricant de papier recyclé pour l’impression de livre en France… Ce que ne dit pas le SNE c’est que ce papier recyclé, en fait ne redevient quasi jamais du livre. Il est transformé en papier hygiénique ou en cartons d’emballage.
Recycler un livre est aussi très énergivore et demande l’utilisation de beaucoup d’eau et de nombreux produits chimiques comme le peroxyde d’hydrogène ou le carbonate de calcium. Le papier peut être recyclé 6 à 7 fois au maximum. Au-delà, la fibre est cassée et inutilisable. Il est donc nécessaire pour les éditeurs de s’efforcer à baisser le nombre de livres mis au pilon.
Les kilomètres parcourus par les livres
Le think tank Shift Project qui travaille sur ces questions estime que la distance parcourue lors des différentes étapes de cycle de vie d’un livre pourrait être divisée par 20.
Le premier transport c’est la matière première qui va chez le papetier ou le fabricant d’encre. Puis ces matières sont livrées à l’imprimeur. Après son impression, le livre peut être broché sur place mais peut aussi être broché/relié à un autre endroit. Puis le livre part au stock du distributeur qui ensuite va le livrer à des sous-stocks régionaux. Le livre est ensuite livré chez le libraire ou aux plateformes de ventes ; soit il est vendu soit il ne l’est pas et le libraire décide le renvoi au stock qui ensuite peut soit l’envoyer à un pilonneur soit le rentrer à nouveau en stock pour refaire le chemin dans l’autre sens. Ça fait beaucoup de kilomètres tout ça.
Un des points les plus importants est donc le nombre de livres retournés et invendus. La surproduction de titres et la mauvaise gestion des mises en place rendent effectivement la gestion compliquée pour le libraire. Les plus grandes librairies ont plus de 100 000 références ; autour de 50 000 pour les moyennes ; 5000 à 20 000 pour les spécialisés (jeunesse, BD, religion…) et 5 000 à 10 000 pour les plus petites.
Le libraire doit réaliser un turnover entre les nouveautés et le fond donc quand un livre ne se vend pas, souvent il le retourne. La durée de mise en place d’un livre se raccourcit, à cause du nombre de titres publiés qui a augmenté d’année en année. La durée de vie d’un livre en librairie peut aller de 2 mois à 1 an. Les libraires normalement ne peuvent retourner les livres qu’au bout de 3 mois mais la durée s’est réduite d’année en année. Les ouvrages doivent également avoir été exposés 2 mois minimum en librairie mais souvent au bout d’une semaine le livre n’est plus sur table et peut se retrouver dans la réserve. Certains livres rentrés ne seront même jamais sur table et mis directement en rayon.
L’édition, un petit monde
Bien sûr, je suis pour la multiplicité des créations et des références mais savez-vous que 80% du chiffre d’affaires de l’édition de livre est réalisé par une dizaine de maisons d’éditions – Hachette et Editis en sont les principales – et la surproduction vient surtout de ces grands groupes qui inondent les librairies de livres qui tiennent parfois plus du renvoi d’ascenseur ou du copinage que de livres sélectionnés pour leur qualité et donc de livres qui ne seront pas forcément lus mais qui sont là pour rendre service. Je parle de la publication d’un ou une journaliste pour ensuite avoir un article de sa part pour un autre livre. Je parle de la publication de telle ou telle personnalité pour ensuite se rapprocher d’elle et lui demander certains services… tous ces livres encombrent la librairie et laisse moins de chance aux éditeurs indépendants et aux jeunes auteurs.
Je serai d’ailleurs pour la création d’un label éditeur indépendant et que les médias et les libraires s’engagent à prendre un certain quota des livres provenant de ces éditeurs afin de respecter une pluralité qui se réduit d’année en année. Pour exemple, le groupe Editis, c’est 56 marques en France et le groupe Hachette 200 marques différentes d’éditions dans le monde dont une cinquantaine en France mais les lecteurs ont l’impression d’une certaine pluralité alors que ce ne sont que deux structures éditoriales qui se partagent cette centaine de marques.
Il serait juste que le lecteur puisse lire sur une couverture si un livre est publié par une maison d’éditions indépendante ou par une marque d’un grand groupe d’éditions. Acheter un livre à des artisans du livre n’a pas le même impact écologique et social qu’à des industriels du livre. Je serai pour que chaque maison d’édition appartenant à ces grands groupes ou dont le groupe est majoritaire fasse figurer aux côtés de sa marque le nom du groupe propriétaire afin que le lecteur et le libraire puissent s’y retrouver.
Une des empreintes principales étant le transport, je serai aussi pour le développement de l’impression à la demande qui pour l’instant est réservé aux grands groupes, dans leurs entrepôts de distribution mais qui pourrait être présente au sein de librairies, de bibliothèques ou d’autres points afin que le public puisse imprimer des livres qui ne sont pas forcément en stock chez le libraire et ainsi réduire les flux aller et retour, et le transport qui va avec. Un livre à la demande, c’est un livre produit et livré directement à son lecteur, il ne sera pas invendu et retourné au distributeur puis pilonné.
Encore bien du chemin à parcourir
Il existe donc des solutions pour que l’édition puisse faire sa révolution écologique mais nous en sommes loin. L’exemple de la fermeture de la dernière usine de papier recyclé en France le montre bien. On voit qu’il n’y a pas de volonté politique de donner plus de vertu aux livres mais ce n’est pas étonnant quand on sait qui sont les propriétaires de 80% de l’éditions, des oligarques pour la plupart….
Pour minimiser l’empreinte de ce livre nous avons demandé à notre distributeur d’affiner au maximum la quantité de livres à mettre en place en librairie afin que le tirage ne soit pas trop important et qu’il y ait peu de retours et peu de stocks en invendu. Mais ce n’est pas évident car comme pour les trois autres plus gros distributeurs – qui donc à eux quatre s’occupent de la livraison de 90% des livres sur le marché – ils n’ont pas assez développé d’outils permettant d’anticiper ces retours et la justesse des mises en place. Il faudrait des outils accessibles pour tous donnant plus d’informations sur les sorties caisses et les précommandes de libraires.
Florent Massot : « Face aux grands groupes, l’édition indépendante doit se montrer solidaire » https://t.co/m8aJNnlWwS via @LObs
— MASSOT éditions (@massot_editions) July 27, 2022
Il y a beaucoup d’efforts à faire encore. Souvent les prises de commandes de la mise en place arrivent après que nous ne devions décider du tirage, ce qui veut dire que nous devons en gros être visionnaire ou médium, pour anticiper en imaginant qu’elle sera la mise en place finale.
« Vous êtes l’Évolution » de Mr Mondialisation
Par exemple pour ce livre, nous avons fixé avec le distributeur le nombre de 2950 exemplaires comme objectif de mise en place en librairie, mais à ce jour la tendance donnée par le distributeur à l’heure où j’écris cet article, ne nous donne que 690 exemplaires alors que nous devons lancer le tirage auprès de l’imprimeur. Nous avons décidé d’en imprimer quand même 3000 exemplaires car nous savons que la tendance des commandes va grandir mais au final nous ne connaitrons le nombre d’exemplaires mis en librairie qu’un mois avant la sortie du livre ce qui sera trop tard.
Si finalement, l’objectif n’est pas atteint et que nous n’avons que 1500 exemplaires de mis en place et non 2950 que se passe-t-il ? Nous aurions imprimé 1500 exemplaires de trop par rapport à nos prévisions. Vous me direz, vous les vendrez sans doute par la suite, nous l’espérons. Mais si nous regardons sur l’ensemble de notre catalogue se sont des dizaines de milliers de livres qui ont été imprimés en trop.
Heureusement, nous avons pour ce livre recours aux préventes en passant par le site Kiss Kiss Bank Bank, ce qui est une autre façon de mieux maîtriser la vente et la production et d’éviter ces retours ou surstocks. Une partie de la production sera faite en fonction du nombre des précommandes et sans doute l’objet d’une impression avec la quantité juste que nous déciderons en fin de campagne. L’empreinte écologique du livre sera quand même impactée à travers l’envoi postal du livre mais nous n’aurons pas de surproduction.
Il faudrait d’ailleurs réfléchir même si c’est ambitieux à une possibilité pour les acheteurs de la campagne de venir chercher les livres à un endroit pour éventuellement éviter un transport fort en carbone.
Éviter le gaspillage des invendus
Un des autres problèmes du livre concerne les livres invendus. Comment éviter le pilon et que ces livres puissent avoir une vie sans être détruit ? Le prix unique du livre depuis la loi Lang de janvier 1982 a sauvé l’existence de la librairie en empêchant les grands groupes de vendre à des prix plus bas que les librairies indépendantes ne pourraient le faire.
Mais cela a pour conséquence que ces stocks de livres invendus ne peuvent être mis sur le marché à un autre prix, mis à part le prix du solde. Bien sûr, il y a la possibilité de faire un changement de prix au bout de 2 années mais c’est assez compliqué à mettre en place. Le lecteur n’est pas habitué à trouver un livre à moitié prix et il aura tendance à se reporter sur le poche quand il veut un livre à moindre coût. Le libraire ne prendra pas de commande particulière sur cette remise en circuit de ces livres invendus. Là encore, il faudrait que cela évolue.
En réaction à ce gaspillage qu’est le pilon, My Fair Book, plateforme de vente de livres neufs en ligne lancée en 2022, se présente comme une librairie virtuelle qui déniche des ouvrages éclipsés et les revend après sélection. Des applications de vente, comme Book Village ou Recyclivre font du prêt et de la location de livre d’occasion, une des meilleures façons de lutter contre le taux de pilon.
Il reste le solde peu développé et très mal vu. La loi oblige à vendre à 10% du prix public d’origine et l’auteur ne touche rien !!! Il faudrait donc réfléchir à de nouveaux statuts et circuits entre le prix de vente d’une nouveauté et un livre soldé, sans pour autant mettre en danger les libraires. Réfléchir à la gratuité des invendus ou à des bibliothèques de ceux-ci et permettre d’éviter le pilonnage.
Bien sûr, l’impact écologique n’est pas le seul critère et il y a aussi l’impact social qui doit être pris en compte. L’écologie, ce n’est pas seulement une question d’avoir l’empreinte la plus faible, c’est aussi une question d’être respectueux des droits humains. Je pense aux personnes qui travaillent en imprimerie et à la santé des gens qui travaillent sur toutes la chaîne du livre.
Nous avons aussi choisi la Nouvelle Imprimerie Laballery car le capital appartient aux salariés qui sont tous associés et les décisions sont prises en interne, meilleur gage de l’indépendance de l’entreprise.
Des pistes existent, à nous de les développer. En fin de compte, la clé pour réduire l’impact environnemental des livres est de trouver un équilibre entre la production de livres durables et la préservation de l’environnement mais nous ne réussirons qu’en nous regroupant en tant qu’éditeur indépendant pour faire pression sur les politiques, pour accompagner ce changement car nous ne pouvons compter sur les oligarques qui n’ont aucun intérêt que cela change, si ce n’est pour la survie de leurs enfants, ce qui ne semble pas être un argument suffisant à leurs yeux mais ça c’est un autre débat.
Sources :
- Rentrée littéraire : comment la filière du livre tente de réduire son empreinte carbone ? – Capitaine Carbone, 08/09/22
- 13,2 % de la production française de livres finissent pilonnés et recyclés – Actualitté, 21/06/21
Photo de couverture de Antoni Shkraba. Pexels