Dans le cadre d’une opération « coup de balai » destinée à détecter les infractions en matière de protection des consommateurs, la Commission européenne s’est intéressée au greenwashing dans le e-commerce. C’est ainsi que de nombreuses entreprises, dans des domaines comme l’habillement, les cosmétiques ou encore l’électroménager, ont été passées au crible. Les résultats de la Commission sont sans appel : dans 42% des cas étudiés, les arguments écologiques mis en avant par les opérateurs commerciaux pour se donner une image éco-responsable seraient exagérés, faux ou fallacieux. Sans surprise, le greenwashing s’étend à une large gamme de marques et produits.

Eco-friendly, 100% naturel, durable, éthique, éco-conçu… Derrière ces qualificatifs qui envahissent les vitrines des magasins et les sites web des grandes marques comme des produits revendus en dropshipping, il n’y a pas toujours de réels engagements. Désireux de répondre à la demande des nombreux consommateurs qui placent le respect de l’environnement au centre de leurs préoccupations, de plus en plus d’entreprises mettent en avant divers arguments écologiques pour se forger une image plus éthique et plus éco-responsable. Mais si certaines d’entre elles agissent réellement en faveur de l’environnement, d’autres stratégies de communication et de marketing relèvent clairement du greenwashing, une tendance manipulatoire désormais largement répandue.

Lutter contre le greenwashing

Pour différencier ces entreprises entre elles, plusieurs outils existent. Des applications qui scannent aliments ou produits cosmétiques pour évaluer leur éco-responsabilité ont ainsi vu le jour, comme Yuka, qui comptabilise à ce jour plus de 20 millions d’utilisateurs. En France, l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) contribue également à lutter contre le greenwashing, légalement considéré comme de la publicité abusive ou mensongère. L’organisation a par exemple publié un guide disponible gratuitement, qui décode les principes et techniques du greenwashing et fournit aux entreprises des outils pour l’éviter.

Les arguments et logos « écologiques » envahissent les sites web des marques. Source : Freepik Nourriture vecteur créé par pch.vector – fr.freepik.com

Au niveau européen, une nouvelle étape dans la lutte contre ce phénomène a été franchie avec la dernière opération « coup de balai » de la Commission européenne, menée conjointement avec les autorités nationales de protection des consommateurs. Chaque année, de nombreux sites web ont été passés au crible afin de repérer d’éventuelles infractions à la législation de l’Union Européenne en matière de protection des consommateurs sur les marchés en ligne. Après des opérations consacrées au opérateurs de tourisme en ligne ou aux télécommunications, c’est la première fois cette année que cet exercice portait sur le greenwashing. L’opération s’est ainsi donnée pour but de détecter les entreprises dont le discours en faveur de la protection de l’environnement est plus engagé que leurs actions réelles.

Des arguments fallacieux dans près de la moitié des cas

Divers secteurs d’activité étaient dans le viseur des autorités, à commencer par le textile, les cosmétiques et l’équipement ménager. En ligne, au-delà des stratégies des marques pour tenter de redorer leur blason, le développement du dropshipping apporte son lot de nouveaux cas de greenwashing. Cette méthode consiste pour un site internet à revendre des produits low-cost déjà disponibles en ligne sur d’autres sites souvent chinois, avec bilan environnemental souvent désastreux. Surfant sur la vague de consommation responsable, nombre d’entre eux n’hésitent pas justifier des prix parfois démesurés à grand renforts d’arguments écologiques fallacieux. On pense notamment aux Gargouilles, ces boules de lavage sans lessives dont l’efficacité n’est pas prouvée et qu’on retrouve à l’identique sur Aliexpress pour quelques euros.

Après un examen général, la Commission européenne et les autorités chargées de la protection des consommateurs ont analysés en détail pas moins de 344 allégations environnementales qui semblaient douteuses. Les résultats de cet examen révèlent que dans 42 % des cas, les autorités en question ont eu des raisons de croire que les affirmations étaient exagérées, fausses ou fallacieuses. Celles-ci pourraient ainsi être considérées comme des pratiques commerciales déloyales, en vertu des réglementations européennes. Dans plus de la moitié des cas analysés, la marque n’a en outre pas fourni assez d’informations pour permettre aux consommateurs de juger de l’exactitude de l’allégation.

Des affirmations souvent trop vagues

Les autorités pointent également, dans 37% des cas, des affirmations vagues et générales qui mentionnent des termes souvent galvaudés comme « durables » ou « conscients » afin de donner l’impression au consommateur qu’il fait un achat responsable. « Je félicite les entreprises qui s’efforcent de produire des marchandises ou de fournir des services respectueux de l’environnement, a déclaré le commissaire européen en charge de la justice Didier Reynders. Cependant, il y a également des opérateurs commerciaux peu scrupuleux qui cherchent à duper les consommateurs avec des allégations vagues, fallacieuses ou exagérées. La Commission est fermement résolue à donner aux consommateurs les moyens d’agir dans le cadre de la transition écologique et à lutter contre l’écoblanchiment. »

Suite à cette opération, les entreprises concernées par les problèmes mis en évidence seront contactées par les autorités nationales afin de corriger leurs arguments. Les conclusions de cet examen viendront également alimenter les travaux d’élaboration d’une nouvelle proposition législative européenne visant à « aider les consommateurs à jouer leur rôle dans l’avènement d’une économie plus durable. » S’il est important de dénoncer les stratégies marketing trompeuses et mensongères des entreprises pour permettre à chacun de faire des choix éclairés, rappelons toutefois que le poids de la transition ne doit pas reposer sur les seules épaules des consommateurs. Contrairement à ce que certaines mesures politiques semblent trop souvent suggérer, ceux-ci ne détiennent en effet qu’une faible partie des leviers d’actions, et le renforcement des réglementations encadrant les conditions de production doit demeurer une priorité pour les autorités européennes.

Raphaël D.

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Rapport : ec.europa.eu

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