Installé à Montréal, où il a suivi des études de commerce puis travaillé dans la publicité, le Français Mikaël Theimer décide un jour de démissionner pour repenser sa vie. Il crée alors un simple blog, Portraits de Montréal, et se découvre une passion pour la photographie. Une passion qui rencontre rapidement un certain succès. C’est ainsi qu’il se rend à Haïti, dont il rapporte autant de clichés profonds que de souvenirs émerveillés. Nous l’avons interrogé.

Pays parmi les plus pauvres du monde, marqué par des dictatures violentes autant que par d’importants séismes, Haïti est aussi, bien que cela soit trop souvent oublié, le premier territoire à avoir accédé à l’indépendance après les États-Unis d’Amérique et avant toute la vague d’indépendances des pays latino-américains. Comme un péché jamais pardonné par les puissances occidentales, le pays paraît expier dans la douleur et la misère ce moment exemplaire de l’histoire des luttes d’émancipation. D’épidémies en tremblements de terre, de dictatures répressives à un régime corrompu, Haïti paraît comme condamné à un destin tragique.

En dépit de l’image volontiers dramatique que sa situation objective d’un pays d’extrême pauvreté, la vie quotidienne connaît aussi ses moments d’allégresse, de joie et de bonheurs simples. Fondateur du blog québécois Portraits de Montréal, le photographe français Mikaël Theimer a ainsi décidé de s’y rendre, pour tenter de rendre compte de cette facette plus lumineuse du quotidien des Haïtiens. Nous avons croisé ses travaux sur la toile avant de le rencontrer pour lui poser quelques questions…

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On ne vous connait pas forcément, pouvez-vous nous parler un peu de vous ?

Je m’appelle Mikaël Theimer, j’ai 28 ans et j’ai grandi à Paris. À 20 ans, j’ai décidé de venir à Montréal sur un coup de tête, parce que j’avais besoin de changer d’air. J’ai travaillé trois ans dans une agence de publicité, puis un an comme brand strategist pour une grande marque de chaussures. J’avais toujours voulu ne pas travailler dans une grande entreprise, donc après quatre ans à faire précisément cela, j’ai finalement eu le courage (ou atteint ma limite de frustration) et j’ai démissionné sans autre programme qu’essayer de trouver ce que je veux vraiment faire de ma vie.

Je me suis acheté un appareil photo parce que j’étais fan de Humans of New York depuis un bout de temps, et je me suis dit « tiens, en attendant de découvrir ce que je veux faire, pourquoi ne pas créer une version montréalaise du blogue ? » Avec deux amis, nous avons donc créé Portraits de Montréal. Rapidement nous avons été mentionnés par plusieurs journaux et été invités à différentes émissions de télévision.

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Donc nous avons continué et j’ai investi 100 % de mon énergie dans la photographie parce que ça me rendait plus heureux que tout ce que j’avais pu faire avant. Ce n’est pas tant la photographie que j’aime ; ce sont les choses que je photographie, les gens que mon appareil me permet de rencontrer, les endroits où il me conduit, les situations dans lesquelles il me met, les histoires qu’il découvre. Il me connecte au monde et à ses habitants. Et je l’aime pour cela.

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Voici comment je suis officiellement devenu photographe, il y a deux ans. Ce n’était pas prévu, c’est juste arrivé.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous rendre précisément à Haïti pour ce reportage ?

J’adore voyager et il n’y a pas un pays sur Terre où je n’aimerais pas me rendre un jour. L’opportunité de partir en Haïti s’est présentée lorsque nous (Thibault Carron, l’autre photographe de Portraits de Montréal, et moi-même) avons rencontré Handicap International Canada, dans le cadre d’un autre projet.

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Handicap International ayant des activités en Haïti, nous leur avons proposé de nous rendre sur place afin de photographier leurs activités, bénévolement. En retour, nous ne demandions qu’à être hébergé et pris en charge pendant notre travail. Nous avons proposé la même chose à d’autres ONG (Kanpe, Médecins du Monde Canada, Anseye Pou Ayiti, Equitas) et ces partenariats nous ont permis de visiter le pays et de rencontrer ses habitants d’une manière qui n’aurait pas été possible si nous étions partis seuls.

Par ailleurs, plus de 100 000 Haïtiens vivent à Montréal, et j’étais donc curieux d’aller découvrir le pays d’origine d’une communauté que je côtoie régulièrement.

Vous proposez des clichés au caractère humain très intenses. Quelle est le cliché, la rencontre qui vous a le plus marquée ?

C’est Madame Philomène qui m’a le plus marqué. Je l’ai rencontrée avec Médecins du Monde : elle travaille comme ménagère dans un centre de traitement du choléra soutenu par Médecins du Monde Canada.

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À 77 ans, ses 4 enfants lui ont abandonné ses 12 petits-enfants, dont elle doit s’occuper seule. Elle travaille tous les jours avec fierté pour ce faire – et son travail n’est pas facile : elle doit régulièrement nettoyer les vomissures et selles de patients malades du choléra. Mais elle le fait avec le sourire et, surtout, elle en tire une grande fierté. Au sein de sa communauté, on l’appelle « Pépé » : c’est la grand-mère du quartier, tout le monde la respecte, car elle aide quiconque a besoin d’aide.

En dépit des récents drames humanitaires, les images resplendissent de bonheur et de légèreté. Quel est votre impression sur ce contraste ?

Je suis heureux de ce commentaire, car c’est précisément ce que j’essaie de faire avec cette série. Oui, Haïti est un pays où la majeure partie de la population vit dans des conditions très difficiles. « Précarité » est un mot trop faible pour décrire les situations de certaines familles que j’ai rencontrées.

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Pourtant, ce n’est ni la misère, ni la pauvreté, ni même l’insalubrité qui saute aux yeux quand on visite Haïti. Ce sont les rires et sourires, la bonne humeur, la chaleur des relations sociales et la générosité des gens. La pauvreté fait seulement office d’arrière-plan, elle fournit le décor général. Mais elle n’est clairement pas le sujet principal.

Dans l’adversité, les Haïtiens font preuve d’une force que nous, Occidentaux, pouvons difficilement imaginer. Ils se battent tous corps et âme pour soutenir leur famille et faire avancer leur pays.

Quel est le sentiment global qui ressort de votre rencontre avec ce peuple ?

Les Haïtiens se comportent avec les autres comme avec des amis : ils plaisantent facilement, s’entraident et n’hésitent pas à se piquer dans les assiettes les uns des autres, pour goûter ce qu’il y a au menu.

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Et c’est ce sentiment d’amitié qui se dégage de mon voyage. Par exemple, j’ai passé mes trois derniers jours chez une dame qui ne me connaissait ni d’Ève ni d’Adam, car j’accompagnais son cousin dans ses activités, cousin que je n’avais jamais rencontré avant non plus ! Mais les deux m’ont accueilli comme un prince. Chaque fois qu’ils me parlaient d’un plat que je n’avais pas encore goûté, ils se débrouillaient pour que j’y goûte le soir même.

Dès le premier soir, j’avais l’impression d’être chez des amis de longue date.

Merci pour ce merveilleux partages. Avez-vous un dernier mot pour nos lecteurs ?

Malheureusement, Haïti n’est pas un pays qui se visite facilement : il y a peu d’infrastructures touristiques et l’insécurité complique encore aujourd’hui les déplacements des touristes. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai souhaité le visiter en accompagnant des ONG.

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Mais c’est un pays qui gagnerait à ce qu’on l’explore plus régulièrement. Beaucoup ne le connaissent que pour ses catastrophes naturelles, sa pauvreté et son instabilité politique. Pourtant, le pays a tellement de belles choses à offrir… Sa culture est riche, son histoire l’est encore plus. La gastronomie est à se lécher les doigts, l’art rayonne de couleurs. Et surtout, les Haïtiens sont merveilleux. Alors j’espère que mes photos pourront faire voir ce pays d’un œil différent.

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Sources : interview exclusive pour Mr Mondialisation / Photographies : Mikaël Theimer / LeFigaro.fr

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