Face aux difficultés rencontrées par les viticulteurs de France, Pauline Chatin s’est lancée comme défi de reproduire le modèle des jardins de cocagne, structures agricoles à vocation d’insertion répandues dans le domaine maraîcher, aux activités vinicoles. L’objectif ? Former du personnel qualifié en deux ans et faire le lien avec les professionnels du milieu en recherche de main d’œuvre.
Pauline Chatain fait partie de celles et ceux qui ont décidé de quitter leur travail au bureau, en quête de sens dans leur métier. Depuis quelques mois, elle met les mains dans la terre au Domaine de Mirabeau (Hérault), une ancienne exploitation vinicole préservée jusque là par la mairie de Fabrègues. Elle loue désormais cette espace avec Jean-Charles Thibault, vigneron en quête d’un nouveau projet. Les deux associés, qui ont créé une société coopérative d’intérêt collectif, veulent non seulement rendre toute leur splendeur à ces sept hectares via une conversion en bio, mais ont également pour projet de former des personnes en insertion en intégrant le Réseau Cocagne.
« Il y a un vrai problème chez les vignerons, celui de trouver de la main d’œuvre localement »
Diplômée de Sciences Po et d’une école de commerce, Pauline Chatin a d’abord travaillé dans un cabinet de conseil spécialisé dans les questions environnementales. « J’avais besoin d’autre chose », se souvient-elle, et décide alors d’entamer une conversion dans la viticulture en suivant un BTS en cours du soir pendant deux ans.
Pendant son stage obligatoire en Ardèche, elle observe les difficultés auxquelles font face les professionnels du milieu. D’abord, parce qu’à force de méthodes destructrices, 60% des sols agricoles de France sont diagnostiqués comme morts (dépourvus de vie bactérienne et d’insectes). Des sols, par conséquent, placés sous perfusion pétrochimique. Mais aussi parce que le métier n’attire plus : d’après les projections, plus de la moitié des agriculteurs et agricultrices partiront à la retraite d’ici 2050. Enfin, parce qu’il est compliqué de trouver de la main d’œuvre : « il y a un vrai problème chez les vignerons, celui trouver de la main d’œuvre localement ». La difficulté est de trouver « des personnes formées ou avec de l’expérience et qui sont polyvalentes », témoigne Pauline Chatin. Chaque année, plusieurs milliers d’offres d’emploi restent sans réponse.
Cette conjonction de phénomènes a des causes multiples : pressions sur les prix des produits, mondialisation des échanges, avènement des grandes surfaces, mécanisation. Dans le milieu de la vigne, les petits producteurs locaux voient également leur métier remis en cause parce que le marché est submergé de boissons alcoolisées à faible prix. Enfin, globalement, les métiers agricoles sont peu attractifs car peu rémunérateurs et de moins en moins valorisés auprès des jeunes.
Un métier restructurant
Former des personnes à ce métier particulier peut-il être l’une des clés du problème ? C’est en tout cas ce qu’espère Pauline Chatin, qui souhaite « créer un lien entre des personnes qui ont besoin de se relancer et des vignerons en recherche d’employés ». Après avoir intégré le Réseau Cocagne, un réseau de jardins qui aident des personnes en difficulté à se former aux métiers agricoles, elle peut désormais accueillir les premiers salariés en contrat d’insertion. Le métier n’est certes « pas facile », en raison de son caractère « physique » et parce que de nombreuses tâches sont réalisées en extérieur, concède la co-gérante, mais il est particulièrement « restructurant ». Non seulement parce qu’il demande un « travail des mains », mais aussi parce qu’il se fait « au rythme des saisons ». Enfin, souligne Pauline Chatin, « les salariés sont associés à l’ensemble de la production, depuis le produit agricole jusqu’au produit fini ».
Pour assurer la trésorerie du projet pendant la première année (les premiers vins ne seront vendus qu’en mars prochain), une campagne de prévente est actuellement en cours. Et pour réussir sur le moyen et long terme, il faudra « montrer qu’on peut former des personnes qui ne viennent pas du milieu agricole sur un temps court et les encourager à rester dans cette filière », mais également avoir un modèle économique pérenne. Alors que l’exploitation perçoit des aides de la part de l’État au titre des emplois en réinsertion créés, Pauline Chatin espère que 80 % des recettes viendront de la vente du vin biologique. Deux défis certes importants mais qui ne font pas reculer la nouvelle agricultrice.
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