Lorsque les États-Unis sont touchés de plein fouet par la crise en 2008, d’aucuns prédisent un avenir sombre à long terme pour le pays. Mais dans une économie alors balbutiante, la découverte d’une réserve de pétrole couplé aux progrès techniques afin d’extraire l’or noir va se révéler salvateur pour l’économie Américaine. Sous fond de crise environnementale et sociale, le reportage que nous vous proposons aujourd’hui revient sur ce qui constitue un nouvel eldorado pour les uns et le début d’une désillusion pour les autres.

Les États-Unis produisent aujourd’hui 8.5 millions de barils de pétrole par jour, ce qui en fait le troisième producteur au niveau mondial. Clé de la reprise économique ? Certainement, et l’appétit insatiable de l’ogre aux billets verts lui fera peut-être détrôner les Russes et les Saoudiens à l’horizon 2020. L’Amérique se relève, la consommation reprend « normalement » au pays de l’Oncle Sam. Ce nouveau miracle économique vient du Nord et plus précisément de l’état du Dakota où un important gisement pétrolier fut découvert et immédiatement exploité.

Sous le ciel béni du Dakota du Nord, 6 années furent nécessaires pour faire de cet état le nouvel eldorado américain. Une nouvelle terre promise où les millionnaires éclosent autant que les puits en activité. On en recense 12.000, un puits tous les 15km sur un état grand comme un tiers de la France. Depuis, 15.000 emplois ont été créés dans la région ; exit les prairies verdoyantes et les matins calmes, bienvenue à pétroland.

Quelle est la face cachée de ce nouveau rêve Américain ? La réponse tient en deux mots : la fracturation hydraulique. Ce procédé envoie à 2km de profondeur des milliers de litres de sable, d’eau et de produits chimiques, le tout injecté à très haute pression pour fracturer la roche et libérer le précieux or noir (et gaz). Bien entendu, le contenu des produits chimiques est un secret bien gardé par les compagnies pétrolières qui ne jugent pas bon de le dévoiler.

figure-2-shale-gas-pad-drilling-courtesy-statoilMais ce bonheur des uns est-il seulement possible sans le malheur des autres ? Franck est un fermier natif du Dakota et propriétaire de ses terres, mais pas de l’exploitation des sous-sols. Lorsque les compagnies sont venues toquer à sa porte, Franck n’a eu d’autre choix que d’écouter le bruit des bottes souiller ce qu’il avait mis 35 ans à acquérir. Depuis, 18 puits ont été construits sur ses terres.

« Je n’ai pas de droits miniers alors les compagnies n’ont aucun compte à me rendre, et pareil pour la terre, ils se moquent de la détruire » explique Franck, dépité. Les bêtes deviennent malades, perdent leurs poils par poignée. L’an dernier, dix vaches sont mortes sans explications, raconte-t-il.

« Je ne sais pas exactement quels sont les produits chimiques répandus dans le sol et l’air, mais les vaches les respirent et les mangent, et nous, on mange leur viande (…) Quels sont les risques ? Je n’en sais rien, on le saura peut-être dans quelques années mais d’ici là il sera trop tard » déclare Wonda, la femme de Franck.

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Bob est quant à lui employé municipal à Ross, une petite ville qui compte presque autant de puits que d’habitants. Le senior est chargé de surveiller la qualité de l’eau courante, eau provenant de nappes souterraines situées juste à côté de la ville. En 35 ans, aucun problème à déplorer jusqu’à l’arrivée des puits d’extraction.

« Notre dernier test a révélé la présence d’uranium, on est à 6.5 au-dessus du seuil autorisé de contamination » précise-t-il. Et à la question de savoir s’il n’a jamais envie de contacter les compagnies pour savoir ce que cache cette contamination, Bob répond, pragmatique : « Elles ne me répondront jamais, ce n’est pas dans leur intérêt, elles ne savent probablement même pas d’où vient le problème, elles prétendent ne pas causer de tort à l’environnement ».

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De toute évidence, l’état du Dakota et les compagnies semblent vouloir calmer le jeu et minimiser les risques liés à la fracturation hydraulique, voire même écarter les questions gênantes d’un revers de bras en agitant de l’autre les bénéfices économiques pour l’état et le pays. Pour le ministère de la santé, tout est sous contrôle. Circulez, y’a rien à voir.

Il est vrai que les conséquences de la fracturation hydraulique sont encore mal connues et ne sont pas toujours visibles. Ce qui est certain, c’est que cette méthode à un impact sur le climat et les sols de manière indirecte mais importante. A l’aune où le lobbying pro gaz de schiste s’intensifie en France, il faudra s’attendre à une tentative d’imposer la fracturation hydraulique dans nos contrées européennes. Plus que jamais, la vigilance citoyenne est de mise.

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