Suite à la remise de son prix Nobel de littérature début décembre, Patrick Modiano va prononcer un discours mémorable devant l’Académie à Stockholm. Des mots livrés comme le fruit d’une existence à observer l’Humain dans l’Homme et son Histoire.
L’homme de 69 ans va ainsi s’exprimer durant 40 minutes avec une voix pleine d’émotions. Il ne s’agit pas là d’un simple discours de remerciements. Mais un véritable témoignage d’une époque révolue, un hymne à la mémoire universelle, à l’objet littéraire et à la force de créativité qui anime les Hommes.
image : Nobel Prize on Twitter
« Je suis un enfant de la guerre »
L’auteur va notamment s’étendre sur son rapport à son époque et plus particulièrement le Paris d’après-guerre.
Ville étrange que ce Paris de l’Occupation. En apparence, la vie continuait, « comme avant » : les théâtres, les cinémas, les salles de music-hall, les restaurants étaient ouverts. On entendait des chansons à la radio. Il y avait même dans les théâtres et les cinémas beaucoup plus de monde qu’avant-guerre, comme si ces lieux étaient des abris où les gens se rassemblaient et se serraient les uns contre les autres pour se rassurer. Mais des détails insolites indiquaient que Paris n’était plus le même qu’autrefois. à cause de l’absence des voitures, c’était une ville silencieuse – un silence où l’on entendait le bruissement des arbres, le claquement de sabots des chevaux, le bruit des pas de la foule sur les boulevards et le brouhaha des voix. Dans le silence des rues et du black-out qui tombait en hiver vers cinq heures du soir et pendant lequel la moindre lumière aux fenêtres était interdite, cette ville semblait absente à elle-même – la ville « sans regard », comme disaient les occupants nazis. Les adultes et les enfants pouvaient disparaître d’un instant à l’autre, sans laisser aucune trace, et même entre amis, on se parlait à demi-mot et les conversations n’étaient jamais franches, parce qu’on sentait une menace planer dans l’air.
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