Si les fonds marins sont encore les lieux de secrets bien gardés, ils ne sont vraisemblablement pas épargnés par la pollution issue de l’activité humaine. Inquiétant, un nouveau rapport publié par des chercheurs britanniques révèle la présence de substances hautement toxiques dans la fosse des Mariannes, au Nord-Ouest du Pacifique, l’un des endroits les plus profonds au monde. Une contamination discrète mais réelle qui ne semble pas être sans lien avec les tonnes de plastique déversées chaque jour dans les océans.

Des polluants toxiques à 10km de profondeur

Tandis que certaines abysses restent insondables, abritant des créatures que l’on peine encore à imaginer, les scientifiques y ont récemment fait une bien macabre découverte. Alors que l’on pourrait penser que les extrêmes-fonds marins sont à l’abri de la pollution humaine, et que les polluants ne font que dériver à la surface des océans, une équipe de chercheurs britanniques révélait en début de semaine l’existence de traces de produits hautement toxiques dans les entrailles de certains crustacés des grands fonds marins. Une énième externalité négative du « développement » qui vient alimenter l’alarme de la crise écologique globale.

Photographie : Newcastle Chronicle

Cherchant à connaître la qualité des eaux dans deux des plus fosses marines les plus profondes au monde, celle des Mariannes et celle des Kermadec dans le Pacifique Ouest, les scientifiques ont fait descendre à plus de 6 000 mètres sous le niveau de la mer un robot équipé de nasses. À plusieurs intervalles de profondeur différents (à chaque fois entre 7 200 et 10 250 mètres de profondeur), les chercheurs ont ainsi prélevé des amphipodes (groupe auquel appartiennent, entre autre, les puces de mer) afin de les analyser une fois remontés à la surface. Se nourrissant des différents détritus présents dans l’océan, les échantillons prélevés auprès de trois espèces prédéfinies sont un moyen efficace d’inspecter la bonne santé des ondes profondes.

Une fois remontés à la surface, les différents prélèvements ont été scrutés par les instruments des scientifiques afin de déterminer les teneurs en Polluants Organiques Persistants observables dans les organismes de ces puces de mer. Se concentrant sur la recherche de deux produits nocifs, les polychlorobiphényles (PCB) et les polybromodiphényléthers (PBDE), les auteurs de l’étude ont découvert des taux anormalement élevés concentrés dans ces organismes. Ils révèlent ainsi l’existence d’une contamination qui va jusqu’au plus profond des océans par des produits chimiques industriels utilisés entre autre pour l’isolation d’appareils électriques (et depuis lors interdits pour leur toxicité), ou encore par l’industrie pétrolière. 

Photographie : Dr. Alan Jamieson/Newcastle University

Les continents en cause

À l’origine de cette pollution, on trouve bien évidemment les diverses activités humaines, et la pollution qui émane à chaque instant des continents, empoisonnant chaque minute un peu plus les cours d’eau et les océans. Interdits depuis la fin des années 1970 dans de nombreux pays, les PCB sont les plus présents aux abords des grandes zones industrielles. Ainsi, il est peu probable que le PCB retrouvé dans le Pacifique ait « vogué » depuis l’Europe de années 1970, mais proviennent en partie du Sud-Est de l’Asie (le PCB n’est par exemple pas interdit au Cambodge). Les courants auraient ensuite porté les déchets plastiques, et les substances se seraient petit à petit fixées dessus, jusqu’à se « décanter » jusque dans les eaux profondes en bénéficiant de supports divers, notamment comme la matière organique composant « la neige marine ».

Aujourd’hui encore, près d’1,3 million de tonnes de PCB seraient présentes sur la planète. Les deux tiers se trouveraient dans des décharges et des équipements électriques, lorsque le troisième tiers flotterait allègrement en milieu océanique. Très stables, les PCB ne se dissolvent pas bien, ni dans l’air, ni dans l’eau, mais sont très solubles dans les lipides — ce qui explique qu’ils s’accumulent dans les graisses animales et se retrouvent tout au long de la chaîne alimentaire… jusque dans nos assiettes, donc.


Sources : Nature.com / LeMonde.fr / France24.com

- Cet article gratuit et indépendant existe grâce à vous -
Donation