Un lecteur nous a écrit face au silence de son assureur Allianz. Son souhait ? Interpeller la compagnie, soi-disant engagée dans une démarche écologique, sur son partenariat avec les polluants Jeux Olympiques de Paris. Dans l’espoir d’obtenir une réponse, et à titre d’exemple d’action inspirante, nous publions sa lettre ouverte.
Selon le site du Ministère de l’économie « la RSE désigne la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable. Une entreprise qui pratique la RSE va donc chercher à avoir un impact positif sur la société tout en étant économiquement viable. »
Or nous savons que les Jeux Olympiques de Paris ne seront pas « responsables » malgré les promesses du comité de s’aligner sur l’Accord de Paris sur le climat (réductions de l’empreinte carbone, des déchets, alimentation durable…). D’ailleurs, aucun Jeux Olympiques n’a jamais été durable.
Dès lors, comment une entreprise revendiquant des valeurs dites durables peut-elle se targuer d’un partenariat avec les JO, si ce n’est pour s’offrir une vitrine médiatique teintée de greenwashing ?
Allianz est un cas parmi de nombreux autres du modèle capitaliste vert irrationnel, mais est-ce pour autant que nous devrions consentir en silence ? Allianz se montrera-t-il réceptif à ces interrogations ? Et si nous étions légion…? Exemple d’une action contestataire à portée d’ordinateur, reçue par un lecteur concerné.
Lettre ouverte inspirante
Monsieur le directeur général,
Je me permets de m’adresser directement à vous puisque le service client n’a pas daigné répondre à mon courrier. Je me permets d’autant plus légitimement de le faire que dans « le mot du président » vous commencez ainsi : « l’engagement d’Allianz pour la maitrise du réchauffement climatique est ancien, [qu’]il fait partie de l’ADN de l’assurance ».
Effectivement, inondations, sécheresses, incendies, retrait du trait de côte, fissures des maisons situées sur des sols argileux… la France risque bientôt d’être impossible à assurer. Les assureurs affirment avoir déboursé 6,5 milliards d’euros en 2023 en raison des catastrophes climatiques en France, faisant de ce millésime le troisième plus coûteux pour le secteur derrière l’année exceptionnelle de 1999 puis de 2022.
Alors que les causes anthropiques du changement climatiques font aujourd’hui l’objet d’un consensus scientifique difficilement discutable et qu’Allianz se dit investi dans une politique de responsabilité sociale et environnementales (RSE), comment Allianz peut-il justifier son partenariat avec les JO 2024 qui vont ajouter au bas mot 1,58 million de tonnes équivalent CO2 dans l’atmosphère ?
RSE, entre parenthèse, dont la page internet est illustrée par un combi Volkswagen au bord de la plage, véhicule ayant été retiré depuis longtemps du marché notamment face aux normes environnementales, mais qui comme icône du ‘flower power’ a été choisi j’imagine par vos services de com’ ou de marketing pour son pouvoir d’évocation de l’époque d’insouciance des 70’s ? Simple erreur de com de votre RSE ou aveu de faiblesse plus ou moins conscient de greenwashing ?
« Or, comment feindre d’ignorer cette menace existentielle, comment continuer le ‘business as usual’ et la fuite en avant ? »
Or, comment feindre d’ignorer cette menace existentielle, comment continuer le ‘business as usual’ et la fuite en avant ? Du haut d’une tour d’ivoire à la Défense, vous ne pouvez décemment ignorer les alertes, en particulier celles du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC). Vous ne pouvez continuer à regarder le monde avec un logiciel des années 90, lui-même déjà inadapté à l’époque, le rapport Meadows ayant été publié en 1972.
Le soutien d’Allianz aux JO 2024, relève-t-il d’un manque de vision autodestructeur évident ou est-il guidé par vos propres intérêts de calculs à court terme ? Sans vouloir faire un procès d’intention, votre but est-il de malmener un peu plus vite l’environnement dans l’idée d’appliquer des surprimes sur les contrats d’assurances et ainsi d’augmenter vos profits ? La bêtise étant plus répandue que l’intelligence nécessitée par le cynisme, magnanime, et au bénéfice du doute je retiendrai la première hypothèse, peut-être moins condamnable sur le plan éthique et moral.
Que Coca-Cola, champion du monde de la pollution plastique, soit partenaire de tels événements ne me choque pas, ceci reste cohérent avec leurs modèles de destruction de l’environnement ou de la santé de leurs consommateurs, mais que cela vienne d’un assureur, en l’occurrence le mien depuis 30 ans (AGF à l’époque) me choque particulièrement. C’est une insulte faite à tous vos clients sinistrés par des événements climatiques en partie imputables à l’augmentation du niveau de CO2 dans l’atmosphère.
L’histoire, vos enfants, vos petits-enfants, les pieds dans l’eau (20cm d’augmentation du niveau des mers d’ici 2050 selon les chiffres de la NASA, que l’on ne peut qualifier d’être une dangereuse organisation éco-terroriste pour reprendre l’expression du ministre de l’Intérieur), retiendrons qu’en 2024 un assureur, en étant partenaire d’un évènement mondiale écocide, réfutait l’impact des activités humaines sur le changement climatique.
Le contraste entre la gravité de notre situation et cette légèreté montre qu’Allianz devrait mettre en œuvre une gouvernance responsable nécessaire pour agir dans l’intérêt des générations actuelles et futures. Vous ne pouvez prétendre que les dangers sont hypothétiques ou trop lointains pour mériter de s’y intéresser. Il serait nécessaire de faire preuve de détermination pour résoudre les problèmes à priori insolubles plutôt que de se contenter de les gérer, ou pire d’attiser le feu comme vous le faites ici en contribuant à cette entreprise écocide que sont les JO.
Si d’aventure vous preniez la décision d’être partenaire des JO d’hiver de 2030, sachez que vous prendriez aussi le risque de vous ridiculiser et de perdre toute crédibilité en tant qu’assureur en participent aux premier JO d’hiver sans neige [1]. Le réchauffement climatique étant en moyenne 20 % plus rapide dans l’Hexagone que dans le reste du monde, et que tous les modèles actuels des conséquences de ce changement se confirment plus rapidement qu’initialement prévus, ce risque n’est pas négligeable.
Si les arguments écologiques, éthiques, morales et que la fibre parentale ne vous parle pas plus, j’avancerai un dernier argument et pour ceci j’emploierai le même langage que le vôtre, celui de la finance. Une part importante de la population, notamment des jeunes générations, sont sensibles à ces questions et interrogent la respectabilité des entreprises avant de souscrire un service.
La balance entre ce que vous gagnez en terme d’image d’un coté en participant aux Jeux et la perte de crédibilité de l’autre, le risque d’une inversion des forces est réel et ceci pourrait mener à ce que la rentabilité de votre partenariat devienne déficitaire et catastrophique pour vous en terme d’image.
Mais peut-être me trompe-je et fais-je une grossière erreur d’analyse. Devrais-je vous donner raison, après tout, alors que les partis d’extrême-droite qui n’ont aucune conscience ni politique, ni écologique dans leurs programmes, ont totalisé presque 40% des voix aux élections européennes.
En attente de votre réponse, je serais ravi de pouvoir vous rencontrer ou d’échanger avec vous sur ces sujets, et me tiens à votre disposition.
Très cordialement,
– Un assuré.
Mr Mondialisation est disposé à recevoir toute réponse de la part d’Allianz pour la transmettre à cet assuré.
Notes :
[1] NDLR : Les JO de 2022 s’étaient déjà déroulés sur une neige entièrement artificielle.
Image d’entête : Oliver Bäte, PDG de Allianz, 2023 @World Economic Forum/Flickr + JO2024, place du Trocadero @nicolas michaud/Flickr