Pendant cinq décennies, Vivian Maier, une nourrice d’origine Française, a photographié le monde autour d’elle, archivant par dizaines de milliers ses clichés des rues de Chicago et du quotidien étasunien, sans jamais cherché à vivre de sa passion ou à se faire publier. Peu avant de mourir, son abondante collection est vendue. Un processus fulgurant de reconnaissance posthume va alors s’activer, faisant découvrir au monde cette œuvre secrète d’une vie, constituée de plus de 150 000 clichés !

Le destin incroyable de Vivian Maier, et surtout celui de son œuvre cachée, sont des plus singuliers. « Nousnous » de mère française et photographe amateur américaine, celle-ci, toute sa vie durant, multiplie les clichés de rues de New York et de Chicago. Tout au long de son existence, elle va atteindre l’invraisemblable total de 150 000 négatifs, 3000 impressions et des centaines de bobines. Faute d’argent, elle n’a jamais pu développer la majorité de ses négatifs et meurt dans l’anonymat en avril 2009, sans jamais avoir pu observer le fruit de son travail, à l’âge de 83 ans. Si la vie de Vivian termine sa route ici, son histoire commence pour le monde entier.

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Quelques semaines avant sa mort, ses clichés ont commencé à être découverts par hasard, puis rendus publics. Hospitalisée en 2007, elle ne peut plus payer la location du box où elle entrepose ses abondantes archives, qui sont alors acquises par trois acheteurs. L’un d’eux, John Maloof, numérise et publie des négatifs par centaines sur son compte Flickr. À ce jour, il possède près de 90% des archives originales de Mme Maier, qui forment la Maloof Collection. Autre possesseur, le collectionneur d’art Jeffrey Goldstein acquiert en 2010, auprès de l’un des trois acheteurs, Randy Prow, un nombre élevé de ces œuvres (17 500 négatifs, 2000 impressions, 30 films, de nombreuses diapositives), qu’il revend en 2014 à la galerie Stephen Bulger de Toronto (Canada).

Petit à petit, la découverte commence à être estimée à sa juste mesure. La production de Vivian Maier n’est pas juste prolifique, elle est à la fois artistique et témoigne d’un bout d’histoire des lieux traversés. En effet, près de 120 000 de ses clichés furent capturé en pleine rue, offrant un témoignage détaillé et poignant sur son époque. Peu à peu, son travail va être reconnu par les critiques, amateurs et autres spécialistes de la photographie. Depuis, ce sont des dizaines d’articles, des expositions et trois livres et même deux documentaires qui lui ont été consacrés…

L’excellence dans l’amateurisme

Mais qu’est-ce qui fait, au juste, la particularité de son œuvre photographique ? Il y a d’abord le secret qui l’entoure : fruits d’une vie entière, de 50 années de prises de vue, ces clichés indénombrables n’ont jamais été vus de quiconque durant tout ce temps, ni même par elle même (faute de développement). Il y a, ensuite, la valeur documentaire de ces photos de rue et du quotidien des petites gens qui rendent compte d’un demi-siècle de la société étasunienne, en particulier de Chicago, où Vivian Maier s’installe en 1956 et où elle demeure jusqu’à sa mort. En effet, Vivian occupait l’essentiel de son temps libre à photographier la vie quotidienne des habitants de sa région, les enfants, les travailleurs, les gens de la bonne société comme les malheureux, aveugles mendiants ou marginaux. Sans le savoir, elle allait offrir à l’histoire une œuvre d’anthropologie visuelle unique au monde.

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Si au terme « amateur » se rattache une connotation trop souvent péjorative et qui évoque un travail manquant de qualité, la démarche de Vivian Maier en est le contre-exemple parfait et contient quelque chose de noble. Amateur, elle l’est par son refus de vivre de son art et de le soumettre, peut-être, aux jeux de compétition et d’intérêts du monde de l’art et de l’argent. Mais son talent, sans doute y a-t-il gagné la possibilité de s’exprimer librement, sans les contraintes de galeristes ou du marché ? Charlie Siskel, coréalisateur du documentaire À la recherche de Vivian Maier, considère, dans un entretien pour Télérama que celle-ci « n’était pas une nourrice à qui il arrivait de prendre de belles photos, mais une grande photographe qui avait choisi ce métier de nourrice parce qu’il lui permettait de sortir dans la rue, de regarder le monde et de le photographier ».

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Son talent, qui a été reconnu par des critiques d’art et de photographie du monde entier, témoigne de la patiente maîtrise de son métier, exercé par passion, gratuitement et de façon continue toute sa vie durant et qui « se souciait sans doute peu de la gloire ». Une figure d’exemple pour toutes les âmes artistiques qui œuvrent dans l’ombre sans courir après les paillettes et les strass. Voici une brève sélection, infiniment non exhaustive, de ses meilleurs clichés.





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