Moins de 3 % ! Pourcentage de notre impact carbone ? Il n’en est rien. C’est ce qu’il resterait de Nature intègre sur l’ensemble de la planète. L’impact de l’activité humaine sur la biodiversité toujours plus destructrice et violente entraîne l’effondrement des écosystèmes les uns après les autres. Faut-il attendre que le vivant ne soit plus en mesure de se reproduire pour nous décider à enfin cohabiter et coévoluer avec la nature ? Ou seule l’extinction du genre humain par manque de ressources nous fera-t-elle réagir ? Trop tard, certes.

Deux études récentes ont défini ce qu’il reste de nature immaculée sur la planète. La première, en 2020, estime que 50 % des terres émergées auraient encore un écosystème quasi intact. La seconde, publiée le 15 avril 2021 dans la revue Frontiers in Forests and Global Change, les estime à 3 % seulement. Mais pourquoi cet écart ? Mieux comprendre de quoi il en retourne demande de revenir sur ce qu’entend chaque étude par « immaculée« .

Depuis, on parlerait même plutôt d’intégrité écologique. Qu’est-ce que cela signifie ? « Intégrité » dénote ce qui n’a pas été touché. Or, par “essence”, la nature est en perpétuelle transformation, notamment, voire majoritairement, par l’activité anthropique. Une activité ancestrale qui a toujours influencé l’environnement alentour, mais qui s’est drastiquement amplifiée et en peu de temps à l’échelle de notre histoire ces dernières années. Changement climatique, prolifération de micro-plastique, prédation excessive, animaux exotiques déplacés, plantes invasives introduites, pollution et destruction des habitats sont autant de facteurs responsables d’une transmutation environnementale radicale et, par voie de conséquence, de la catastrophe écologique mondiale vers laquelle nous nous précipitons de manière irresponsable.

Déforestation de la forêt amazonienne. Source : wikimedia

Pour mener à bien leurs observations, les chercheurs ont donc combiné des données cartographiées de l’impact de l’homme sur la biodiversité (densité de population humaine, infrastructures routières, terres cultivées, destruction des habitats des animaux sauvages etc). Toutefois, dans les analyses de 2021, deux critères ont été ajoutés : le premier précise que la zone concernée ne doit pas avoir perdu d’espèces depuis l’an 1500 ; le deuxième met en avant la capacité du milieu naturel à préserver la même population animale. Ces cartographies sont appliquées à une échelle de territoire de 10 000 kilomètres carrés.

70 000 ans. C’est la date qui marque les prémisses de l’homo sapiens sur terre. De ce que l’on appelle évolution, l’Homme s’est développé en trois grandes révolutions, selon l’historien et écrivain Yuval Noah Harari : cognitive, agricole et scientifique. Le tout forme l’Histoire. De ce fait, depuis son existence, l’Homme est évidemment en interaction permanente avec son environnement. En ce sens, il participe à la modification de la nature dont il fait partie intégrante et dont il n’a cessé de s’éloigner. Pourtant, comme le dit Aurélien Barrau « la nature n’est pas une ressource ». Tant que nous la considérerons de la sorte, nous sortirons de la simple co-influence et nous serons mortifères pour elle et de fait pour nous-mêmes.

Exister, c’est modifier. 18 000 ans plus tôt, la planète subit une période de réchauffement mondial permettant la prolifération d’une céréale au Moyen-Orient : le blé. L’homme a, par commodité, commencé à en consommer toujours plus, ne cessant au fil des siècles de transformer le paysage biologique. Parfois à son insu. En effet, dans les trajets effectués pour ramener les graines sauvages à l’atelier, ces dernières se répandaient par milliers sur les sols, créant un écosystème biaisé.

L’homme peut-il survivre sans dénaturer son environnement ?

Il en est de même pour les forêts. Dans le langage commun, on en distingue deux types : Primaires et secondaires. Ces dernières représentent des milliers d’années de plantations et de cultures itinérantes comme par exemple, le riz en côte d’Ivoire. Même classée primaire, la forêt amazonienne est le fruit de 20 000 ans d’occupations qui ont modelé son aspect.

Réserve nationale de Tariquia en Bolivie. Source : wikimedia

Alors, entre le droit de l’être humain à interagir avec ce qui le constitue profondément, la nature, et son devoir de ne pas lui être fatale : où se situe le gap ?

Quand on parle d’intégrité, on induit que toutes les pièces du puzzle doivent être présentes, mais on n’en écarte pourtant les être humains. Elle devient une nature d’un autre monde, comme un décor lointain dont nous ne ferions pas partie. Ce n’est donc pas d’intégrité que nous devons parler mais de santé. En effet, notre présence au monde étant devenue ce qu’elle est, nuisible et fatale à cette nature intrinsèque, il reste nécessaire d’agir immédiatement et radicalement pour que les conséquences de nos excès ne deviennent pas inéluctables.

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Comment pouvons-nous co-évoluer avec la nature tout en préservant, non pas son intégrité (sans nous), mais sa santé (avec nous) ?

Des antilopes « Topi », une espèce classée vulnérable par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Source : flickr

Les rapport du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) de la biodiversité estiment que les disparitions d’espèces ont été multipliées par 100 depuis le début du XXe siècle.

Malheureusement une disposition naturelle nous pousse à ne pas nous affoler tant que la catastrophe n’est pas imminente voire en cours. Pourquoi ? Eh bien, les scientifiques ont découvert dans notre système neuronal un solide câblage nous permettant de survivre en milieu hostile : Le striatum. Ce dernier nous octroie du plaisir via la dopamine et ce, en fonction de cinq actions dont celui de minimiser les efforts. On citera encore les biais cognitifs nous invitant à aller vers ce qui nous apaise pour faire économiser de l’énergie à notre cerveau. Un phénomène expliquant entre autres nos aveuglements divers comme celui de préférer un mensonge qui rassure à une vérité qui dérange. Nous enracinant dans nos habitudes sans les remettre en cause. Ainsi, au prétexte qu’avant, conserver nos forces nous préservait de l’hiver, nous regardons aujourd’hui le permafrost fondre sans nous inquiéter.

Malgré ces constats accablants, émergent des contreparties positives et fonctionnelles à travers la planète.

Petit panorama des initiatives en faveur de la préservation du vivant

La restauration écologique (RE) :

Apparue dans les années 1980, elle a pour but de réparer les écosystèmes qui ont été endommagés par l’homme. Revenir à l’état d’origine avant l’impact des activités humaines tel que l’artificialisation des sols ou encore l’agriculture conventionnelle. Elle passe aussi par la réintroduction d’espèces sauvages. En 1988 aux États-Unis naît la section internationale pour la restauration écologique (SERI). Elle compte 2300 membres dont des scientifiques, des chercheurs, des planificateurs, des administrateurs, des consultants en environnement, des paysagistes, des philosophes, des enseignants ou autres cultivateurs et auteurs. Cette communauté éclectique permet une réflexion mondiale sur la réparation du vivant loin de toute motivation lobbyiste. Conscients de la part de fantasmes que peut susciter l’idée de revenir à un état originel, les débats se sont transmutés au fil du temps en faveur de la résilience naturelle. Ces différents réseaux ont permis des actions comme la valorisation des peuples indigènes et de leur culture. Cette dernière consiste en la promulgation de leur savoir écologique ancestral de leurs territoires. En effet, les zones écologiquement intactes sont réputées être gérées majoritairement par des autochtones. On citera les San et leurs connaissances intimes de la nature dans la Kalahari.

« Préserver le territoire et les ressources de la nature revient à maintenir le lien avec les ancêtres et les Dieux et à les respecter ». (Olivier Valentin, 2005)

La section SERI apparue en Europe en 2001 consacre ses actions et réflexions autour des paysages concernant les zones humides, les prairies sèches, les falaises du littoral atlantique ou encore les tourbières.

Ces initiatives mettent en avant une volonté de compatibilité entre l’Homme et la Nature et d’établir un rapport mutualiste : La Nature donne à l’Homme, l’Homme en prend soin.

L’agroécologie :

C’est une approche holistique du vivant qui allie l’exploitation durable et raisonnée des ressources agricoles et hydriques. Fondée sur trois dimensions du développement durable : sociale, économique et environnementale, elle encourage à produire une nourriture saine et nutritive sans piller les sols et dégrader la biodiversité. Mieux encore, elle cherche à rentabiliser l’utilisation des ressources hydriques et à préserver le patrimoine local. La terre est une banque de graines, de minéraux et d’éléments chimiques comme l’azote. Seule, elle “sait” parfaitement ce dont un environnement donné à besoin pour vivre et se régénérer correctement quand l’humain détruit l’auto-régulation des sols par des activités comme la monoculture. Un procédé simple et efficace pour réhabiliter ces procédés naturels tout en cohabitant avec l’Homme.

Source : wikimedia

 

La désobéissance fertile :

Elle resitue l’homme à sa juste place dans la nature. Les poumons verts de la terre se meurent. Quand nous nous baladons dans ce que nous appelons « nature », aucune vie n’en sort, aucun son ne parvient à nos oreilles. Et pour cause ! Les trois-quarts du temps, il s’agit d’exploitations mono-spécifiques, comme, par exemple, le pin. On estime en France à 16 % les forêts composées de plus de deux peuplements d’arbres. Imaginez si l’espèce humaine n’existait que par le biais de deux familles… Ainsi, le mouvement de désobéissance fertile vise à « un acte héroïque de désobéissance qui protégerait la nature : s’enchainer à un arbre millénaire pour ne pas qu’on l’abatte, saboter des engins agricoles en insérant du sucre dans les réservoirs d’essence pour ne pas qu’il y ait de pesticides dans les nappes phréatiques. Cela pourrait tout aussi bien être d’acheter une forêt pour en empêcher la destruction, de planter des arbres dans des zones agricoles mortes ou carrément de vivre dans une forêt en y construisant sa cabane »[1]. De plus en plus d’individus sont sensibilisés à la nécessité de se soulever et de militer pour protéger notre patrimoine le plus précieux même si cela doit parfois passer par le contournement des lois. Alors tous à vos composts pour une refertilisation massive des sols !

L’espèce humaine est vivante, la nature aussi. L’idée selon laquelle nous pourrions revenir à un état originel des paysages est de l’ordre du mythe. Tout ce qui peuple la planète, ainsi qu’elle-même, est en perpétuelle transformation. Aujourd’hui l’urgence à laquelle nous faisons face n’est pas de préserver l’intégrité stricto sensu de la biodiversité mais d’être attentifs à notre place dans le monde et ses effets afin que la nature maintienne en vie la diversité de ses écosystèmes. Si nous persistons à rester aveugles sur la destruction massive dont l’Homme se rend coupable au détriment du vivant, nous encourrons une catastrophe sociale et écologique sans précédent. Aussi, la prise d’initiatives d’individus partout à travers le monde doit nous inspirer pour construire un avenir meilleur et bienveillant envers la terre et ses résidents.

Liza Tourman

Note

[1] Jonathan Attias dans VIVANT de la Relève et la Peste.

Sources

https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-emission-du-mercredi-19-mai-2021

https://www.antenna.ch/fr/activites/agroecologie/

-Vivant, La Relève et la Peste 2019-2020

-Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité, Aurélien Barrau 2020

-Sapiens, Yuval Noah Harari 2011

https://www.liberation.fr/terre/2020/09/23/proteger-50-de-la-surface-terrestre-pour-limiter-la-casse-environnementale_1800184/

-https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/pollution-consiste-ecologie-restauration-4810/

https://www.cairn.info/revue-sciences-eaux-et-territoires-2011-2-page-6.htm

https://www.antenna.ch/fr/activites/agroecologie/

https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/50-de-la-surface-terrestre-est-epargnee-par-l-homme-il-est-urgent-d-agir-pour-conserver-l-autre-moitie_145172

https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/cinq-pays-detiennent-70-des-espaces-sauvages-restants-au-monde-releve-une-etude_3013735.html

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01340214/document

https://journals.openedition.org/cybergeo/22806?lang=en

-https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/la-methode-scientifique-emission-du-mercredi-19-mai-2021

https://sciencepost.fr/reste-t-il-des-ecosystemes-encore-ecologiquement-intacts-sur-terre/

-https://www.liberation.fr/environnement/biodiversite/seulement-3-des-ecosystemes-mondiaux-restent-intacts-20210416_537GPZY3UZDGFDEQMRUS44DLS4/

https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/biodiversite-la-planete-na-presque-plus-de-terres-vierges-1307012


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